Assujetti

Chapitre 13 : Gagner sa confiance

Nuit du lundi 9 au mardi 10 décembre 2029 – Sproul State Forest - Domaine Larkmîr

Éléonore et Kadvael regagnèrent le domaine Larkmîr en possession du précieux ingrédient. Le trajet du retour se fit en silence, le chauffeur gara le véhicule dans la cour avant, sans mentionner l'état déplorable dans lequel se trouvait Kadvael. Dépenaillée et couverte de terre, Éléonore n'était pas en reste.

— Mais qu'est-ce qui s'est passé ? s'exclama Hortense en les voyant monter les escaliers.

Son regard sanglant se posa sur le pull éventré de Kadvael.

— Une altercation avec un krampus, lui répondit Eléonore. Longue histoire.

Kadvael poussa un soupir d'épuisement puis se rendit dans ses appartements. Il s'attarda dans son bain une bonne heure, la tête en arrière, les bras ballants, puis se décida à quitter le confort de l'eau chaude et parfumée pour se glisser dans des vêtements propres. Le sang de krampus lui remontait dans l'œsophage, il avait un goût de jus pourri, tellement détestable qu'il lui fallut se brosser les dents trois fois avant d'en être totalement débarrassé. La nuit était déjà bien entamée et Éléonore lui avait dit que la potion ne serait pas prête avant le soir prochain. Il se faisait lentement à l'idée que ses rêves de soleil s'étaient effondrés. Le mage capable de manipuler le voile était bien loin, à présent et il serait extrêmement imprudent de retenter de l'enlever. Étrangement, Kadvael ne ressentait aucune rancœur à l'égard du chasseur qui avait pris sa place, conscient qu'il n'était qu'un pion, il n'attisait que sa curiosité et peut-être, une forme d'attirance. Le Maître Vampire n'avait aucune raison de lui rendre visite ce soir-là, mais un pressentiment le poussa à monter au troisième étage.

— Halfred est passé ? demanda-t-il à ses sentinelles quand il se présenta devant la porte.

— Non, monsieur. Mais le chasseur a tenté de s'enfuir, il a été appréhendé.

Kadvael haussa un sourcil dubitatif, ouvrit la porte et s'arrêta sur le seuil, éberlué. Assis sur sa literie, débraillé et les poignets attachés à la tête de lit, son jeune prisonnier lui adressa un sourire narquois.

— Ah ! dit-il. Vous voilà enfin, Maître. Comme vous le voyez, je suis tout à vous.

Kadvael soupira de lassitude, comprenant sans mal le sous-entendu et aperçut le carreau brisé, par lequel s'engouffrait un courant d'air gelé. Le sol était jonché de morceaux de verre à cet endroit, ce qui l'agaça. Pourquoi personne ne l'avait informé ? Il referma doucement le battant.

— N'oubliez pas de mettre le loquet, lui dit Van, je serais très embarrassé si on nous surprenait.

Sur ce, il lui adressa un clin d'œil hilare, pas loin d'être charmeur.

— Je ne suis pas venu ici pour plaisanter, lui répondit-il en s'avançant vers le lit.

— J'ai saisi, vous ne plaisantez pas. Vous êtes trop vieux pour ces conneries.

Kadvael ignora la remarque et jeta un regard au plateau repas, posé sur l'unique table d'appoint de la salle. La nourriture, visiblement froide, n'avait pas été touchée.

— Vous avez quel âge ? Deux-cents ans ? Deux milles ? continuait le chasseur qui n'arrêtait jamais de parler. Vous avez fait la guerre ? C'était mieux avant ? Les jeunes d'aujourd'hui font n'importe quoi ?

Le vampire était arrivé à sa hauteur et le scrutait intensément, remarquant avec soulagement que l'entaille dans sa joue avait totalement disparu. Pourquoi était-il monté le voir ? Qu'est-ce qu'il avait de si spécial, ce chasseur aux cheveux blonds ?