Chapitre 6 : Ni vu ni connu

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Nuit du jeudi 5 au vendredi – Sproul State Forest – Domaine Larkmîr

— Kadvael, sors de cette pièce ! s'impatientait Hortense de l'autre côté de la porte. Sors, dépêche-toi ou je dégonde le battant !

— Madame, la suppliait Halfred, le Maître m'a demandé de ne pas vous laisser entrer... (La jeune femme continuait de marteler le bois.) Madame... s'il vous plaît...

Le Maître Solvmorläs était rentré à son domaine après l'incident, fuyant les invectives d'Hortense qui tentait par tous les moyens de le ramener à la raison. Si elle le laissait seul, qui savait quel genre de bêtise irrévocable il risquait de commettre ? Comme par exemple, s'exposer au soleil...

— Kadvael, je t'en prie ! implora-t-elle. Ça m'est déjà arrivé, ça nous est tous déjà arrivé ! Ce n'était pas de ta faute.

Soudain, la porte s'ouvrit à toute volée et le jeune vampire apparut dans l'encadrement.

— C'était parfaitement de ma faute, au contraire.

— Mon ami, je t'en prie, sois indulgent avec toi-même. (Elle tendit les mains vers lui et prit son visage.) Regarde-moi dans les yeux, allez... s'il te plaît. Tu verras que je ne mens pas.

Kadvael soupira. Il évitait toujours le regard des autres, à cause de son don vampirique. Chaque fois qu'il s'enfonçait dans leurs prunelles, il voyait leurs émotions, leurs sentiments et les ressentait comme s'ils étaient siens. La sensation pouvait être tout à fait déplaisante.

— Halfred, laisse-nous s'il te plaît, ordonna-t-il.

Le serviteur s'éclipsa au fond du couloir et Kadvael plongea de mauvaise grâce dans les yeux de son amie. La sincérité et l'affection reluisirent franchement, un soupçon de compassion s'immisça et le tout remonta directement vers son cœur. Il détourna le regard avant d'être atteint.

— Entre, soupira-t-il en lui libérant le passage.

Hortense se fraya un chemin dans l'antique salon et se posta au milieu de la pièce en croisant les bras. Kadvael se laissa tomber dans un fauteuil, devant la cheminée et enfouit son visage dans ses mains. Chaque fois qu'il cessait de s'agiter, des images d'Éloïse, grise et inerte, martelaient impitoyablement son esprit. Une main compatissante glissa sur son épaule.

— Kadvael, tu dois te pardonner.

— Tu aurais dû m'arrêter, gronda-t-il en levant les yeux vers elle. Tu aurais dû m'en empêcher.

— J'ai essayé de t'interrompre plusieurs fois ! se défendit-elle. Mais tu étais accroché à ta proie comme une balane à son rocher. Si j'avais tiré plus fort tu lui aurais arraché la gorge.

— Et le résultat aurait été le même, maugréa-t-il. Oh... je suis désolé...

Hortense soupira et s'assit sur l'accoudoir, près de lui.

— Quand on tait ses pulsions, elles finissent toujours par ressurgir et plus tu les sangleras, plus elles t'accableront. Tu connais l'adage : la meilleure façon de résister à la tentation... c'est d'y céder. (Kadvael ne répondit pas, le front appuyé dans sa main et elle lui caressa les épaules.) Sois clément envers toi-même, tu n'as jamais eu que de bonnes intentions. Dorénavant, tu consommeras du sang humain comme tout le monde. Ta diète ne t'a vraiment pas réussi.

Le beau brun secoua la tête puis souffla lourdement. Il avait déjà tué par le passé, il ne pensait pas que ça recommencerait.

— Je suis un monstre.

— Nous sommes tous des monstres, ce n'est qu'une question de circonstances.

— Tu le penses vraiment ? demanda-t-il en lui jetant un regard en coin.

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