Dimanche 8 décembre 2029 – Sproul State Forest – Domaine Larkmîr
Les cachots du domaine Larkmîr étaient accessibles par une porte située dans l'aile est du palais, au rez-de-chaussée. La porte, un lourd battant de bois surmonté d'acier, était nichée dans un renfoncement pierreux près duquel se tenaient deux jeunes gardes. Ils saluèrent le Maître d'un mince signe de tête, lorsqu'il passa le seuil pour descendre les marches étroites qui s'enfonçaient dans l'obscurité. En bas, une pièce circulaire présentant six cachots, éclairée en son centre par un large plafonnier, seule marque de modernité en ces lieux porteurs d'une ancienneté mystique. Toutes les portes étaient closes, Jeffrey, ainsi que deux femmes, se tenaient près de l'une d'entre elles.
— Monsieur, bafouilla-t-il en voyant Kadvael venir. J'ai pris l'initiative de garder le cachot, comme l'exige la procédure.
Il ne savait pas s'il avait bien fait. Il connaissait les règles du métier, mais n'avait encore jamais été amené à enfermer un véritable prisonnier.
— Tu as bien fait, lui répondit Kadvael. Ouvre-moi la porte, je dois le voir.
— Vous devriez faire attention. Il a blessé deux gardes et a manqué de me tuer.
Kadvael pouffa avec suffisance.
— Je pense que ça va aller.
Le jeune vampire s'empara rapidement de son trousseau de clefs et en glissa une dans la serrure. Le battant émit un grincement plaintif, lorsqu'il le repoussa contre le mur, révélant une pièce humide et exiguë où flottait une odeur de renfermé. Au fond de cette niche se dessinaient les contours d'une silhouette assisse, ainsi qu'une tignasse platinée qui tranchait dans le noir. Van, toujours assommé, avait la cheville attachée à une lourde chaine rouillée, elle-même retenue au sol par une épaisse fixation d'acier. Ses mains avaient été menottées dans son dos. La senteur attractive du sang vint chatouiller le nez de Kadvael, lorsqu'il s'accroupit devant son prisonnier, devinant la trace d'un filet rouge sur son front blanc. Le jeune chasseur était affalé contre la pierre, le menton sur la poitrine.
Quelque chose chez lui intriguait fortement le maître des lieux, qui saisit son menton et lui releva la tête. Il avait un joli visage, pour un humain. Des traits à la fois doux et masculins. Son odeur naturelle émanait par effluves, sucrée et douloureusement tentante, si bien que Kadvael se remercia intérieurement d'avoir consommé du sang frais avant de venir. Il était arrivé à satiété.
Van sentit remuer dans l'obscurité abyssale. Une douleur naquit dans son front, grandit puis irradia jusqu'à lui ceindre le crâne. Une pression sous son menton. Ses yeux s'ouvrirent d'un coup, un visage parut brutalement et il sursauta, se cognant le dos contre le mur. Il voulut bouger mais réalisa que ses mains étaient attachées. Son esprit partit au quart de tour, ses yeux scannèrent ses propres jambes, ses rangers, la chaîne sur sa cheville, chaîne reliée au sol, trop solide pour être arrachée à mains nues. Mur en pierre, humidité, air glacial, silhouette accroupie devant lui, le Maître Vampire qu'il devait tuer. Il était dans un cachot.
— C'est le moment où vous me torturez ? lâcha-t-il d'une voix rauque, cassée par la fatigue.
Kadvael l'observa, cherchant à capter ses yeux, mais son prisonnier semblait éviter son regard.
— Ça va dépendre de toi, lui répondit-il finalement. Je suppose que les Éveillés t'envoient.
— Très perspicace Dracula.
La Maître haussa un sourcil. Le jeune homme le défiait d'un sourire goguenard, empli de fierté mal placée. Son insolence lui donnait un charme tout particulier.
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Assujetti
Paranormal« On en arrive à ma deuxième recommandation : ne te fais pas mordre. Quoi qu'il arrive, jamais. » Van, chasseur de vampires talentueux, se démarque par ses performances. Mais son tempérament dissident et son absence de respect pour la hiérarchie lui...