Chapitre 42 : Sacrifié

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Samedi 21 décembre 2029 – Sproul State Forest –Domaine Larkmîr

Cette odeur. Mélange de musc et de jasmin avec une pointe printanière. C'était celle de Kadvael. Van enfouit son nez dans le tissu et aussitôt, une douleur lui appuya sur le visage. Il se détourna en fronçant les narines et réalisa que c'était bel et bien son nez qui lui faisait mal.

La geôle. Willbanks.

L'angoisse le submergea et il ouvrit brusquement les yeux. Un plafond haut soutenu d'une belle poutraison. Ce n'était pas sa prison. Son corps était emmitouflé dans une chaleur confortable et, sous sa tête, il devina le rebond d'un oreiller. Ses souvenirs lui furent lentement rendus. Ils étaient abrupts et confus, mais il revit Kadvael penché sur lui, il se revit quitter la base entre ses bras, passer le portail et plus rien. Juste l'impression de la honte. Un crépitement tranquille résonnait à sa gauche. Van tourna doucement la tête sans parvenir à bouger le reste de son corps ankylosé, puis découvrit l'âtre allumé, où une belle flambée déversait sa lumière orangée sur le tapis. Remuant encore un peu, il réalisa que Kadvael était assoupi dans le fauteuil près de lui. Sa tête penchait légèrement sur son épaule, ses grands cils courbes déposaient une ombre sur ses pommettes et ses boucles d'ébène reposaient sur son front. Un soulagement immense envahit Van, suivi d'une intense désorientation. Quelle heure était-il ? Quel jour était-ce ? Il ne savait plus. Il se risqua à bouger et réalisa qu'il était encore emmitouflé dans le manteau de Kadvael, sur lequel on avait rajouté une épaisse couverture. Levant sa main devant son visage, il découvrit son poignet correctement bandé, ainsi que des runes. Il se toucha le nez et sentit la forme d'un large pansement.

Il avait mal partout, mais c'était largement supportable, comparé au calvaire qu'il avait enduré dans le cachot de Willbanks. Où était-il, à présent ? Qu'est-ce qui s'était passé ? Est-ce qu'il le cherchait ? À tout moment, son ancien chef abattrait les foudres de sa vengeance sur lui, enverrait tous ses chasseurs pour le tuer, comme il avait tué Anna, et Dean et Elizabeth et Alaric ! À tout moment, il tuait Kadvael ! Un coup de panique fit se redresser Van, la douleur le frappa de plein fouet, ses forces l'abandonnèrent et il s'écrasa sur le plancher avec fracas. Kadvael se réveilla en sursaut et se précipita auprès de lui.

— Doucement, doucement, lui dit-il en le soulevant.

Sentir ses mains qui le manipulaient délicatement fit monter une chaleur, ainsi qu'une intense béatitude, dans la poitrine de Van. Comme s'il avait été affamé toute sa vie et qu'il était nourri pour la première fois. Kadvael avait sur lui un effet analgésique. Il s'agrippa à ses épaules lorsqu'il le reposa dans la couverture et ne le lâcha pas, lorsqu'il acheva de le recouvrir avec. Le vampire finit par glisser ses bras autour de lui pour lui rendre son étreinte et l'intensité avec laquelle Van se cramponna à lui, la fragilité avec laquelle il enfouit son visage contre sa poitrine, lui fendit le cœur en deux. Il l'étreignit avec précaution et inspira l'odeur de ses cheveux. Toutes ses douleurs furent balayées par la chaleur de son étoile polaire, toute cette torture qu'avait été les deux derniers jours, s'évanouit dans la douceur de sa chevelure.

Il sentit Van trémuler contre lui et réalisa alors qu'il pleurait, mouillant sa chemise avec ses larmes.

— Ça va aller, lui dit-il en caressant ses cheveux. Ça va aller.

— Il les a tués, murmura Van. Il a tué... tout le monde... tous... tous mes amis...

Le choc que ressentit Kadvael fut immédiatement suivi d'une intense amertume.

— Oh putain.

Ce Willbanks avait été un monstre du début jusqu'à la fin. Et chaque fois qu'il pensait avoir tout vu, ce salopard lui prouvait qu'il avait eu tort. D'abord les abus sexuels sur Van, ensuite l'état dans lequel il l'avait retrouvé au fond de cette geôle et maintenant ça ? Il n'osait imaginer comment devait se sentir son chasseur. Il était gravement blessé, n'avait plus de famille et ses amis étaient morts dans des circonstances qu'il devinait violentes. Van n'avait jamais rien eu d'autre que les Éveillés. À présent, la seule personne à qu'il pouvait se raccrocher, c'était l'homme qui avait assassiné ses parents. Désolé, Kadvael caressa ses cheveux et le garda contre lui jusqu'à ce que ses larmes tarissent. Van respirait péniblement, empli de la plus profonde des tristesses. Il se dégagea lentement, échevelé, les yeux vitreux et éperdus.

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