Nuit du dimanche 8 au lundi 9 décembre 2029 – Sproul State Forest – Domaine Larkmîr
Hortense peignait une nature morte, dans des teintes sombres et sanglantes, représentant un bouquet de roses rouges au centre duquel se trouvait une rose noire. Celle-ci était fanée, tandis que les autres, pleines de vie, déployaient des pétales vifs où perlaient des gouttes d'eau. Kadvael l'observait peindre distraitement, appuyé contre un meuble, dans son dos, un bras en travers du ventre et une main sous le menton.
— Si tu le tuais on n'y verrait rien, lui dit-elle. Bien que je sache que tu ne le feras pas.
— Si tu le sais pourquoi tu m'en parles ?
— Il va falloir que tu fasses quelque chose avec ce chasseur, Kadvael, le sermonna-t-elle en lui jetant un regard par-dessus son épaule. Il est illégal de le garder ici. On pourrait le manger.
Hortense avait dit cette dernière phrase avec une telle légèreté qu'elle semblait parler d'un brocoli. Malgré tout, elle sentit le regard outré de son ami peser sur ses omoplates et, déposant sa palette de couleurs sur sa desserte, elle se retourna complètement.
— Quoi ?
— Tu oses me demander quoi ? lâcha Kadvael avec lassitude.
— Kadvael, c'est un chasseur.
— C'est un jeune homme, la reprit-il, avec une vie, des amis, une famille...
— Les chasseurs n'ont pas de famille, rétorqua-t-elle.
— Peu importe, c'est un être vivant et conscient et... on aura beau dire, on a tous été humains. Toi, comme moi, comme tous les vampires. On est tellement proches d'eux qu'il ne serait pas exagéré de nous comparer à des cannibales.
— Oh je t'en prie ! gloussa-t-elle. C'est n'importe quoi ! Kadvael, ce garçon t'aurait tué s'il en avait eu l'occasion. La seule raison pour laquelle il ne l'a pas fait, c'est parce qu'il n'est pas suffisamment fort. Maintenant il est là et il te pèse sur les bras. Une fois qu'il nous aura donné le nom de son informateur, il ne sera plus d'aucune utilité et, pire encore, il constituera une menace potentielle. Le tuer est la solution la plus simple, mais également la plus viable. Les chasseurs n'ont pas d'état civil, ils n'existent qu'au sein de leur secte d'aliénés. Et je trouve dommage de gaspiller du sang jeune, donc je réitère : on peut le manger. Si tu n'en veux pas, moi, je le veux bien.
Kadvael poussa le soupir d'une existence entière et se pinça l'arête du nez. Ce qui le dérangeait le plus, avec le raisonnement d'Hortense, c'était qu'elle avait raison. Mais il refusait de se rendre à l'évidence.
— Pour le moment, il doit encore nous donner un nom.
— Si tu avais laissé Antoine faire tu l'aurais déjà...
Le regard que Kadvael posa sur Hortense se planta en elle comme deux lames, mais la belle dame rit avec une légèreté de tourterelle.
— On pourrait utiliser un philtre de persuasion.
Les deux amis levèrent les yeux. Alassane venait d'entrer dans le salon par la porte de gauche, qui donnait sur la chambre, vêtu en tout et pour tout d'un peignoir de bain. Ses cheveux de blés étaient humides et des gouttelettes d'eau ruisselaient sur son front. L'idée était si évidente que Kadvael se sentit un peu bête de ne pas y avoir pensé plus tôt.
— J'ai dit une ânerie ? demanda le jeune vampire en voyant que personne ne réagissait.
— Non, trésor, lui répondit Hortense en le couvant d'un regard langoureux, j'admirais ta silhouette.
VOUS LISEZ
Assujetti
Paranormal« On en arrive à ma deuxième recommandation : ne te fais pas mordre. Quoi qu'il arrive, jamais. » Van, chasseur de vampires talentueux, se démarque par ses performances. Mais son tempérament dissident et son absence de respect pour la hiérarchie lui...