Vendredi 20 décembre 2029 – Sproul State Forest – Domaine Larkmîr
Kadvael n'avait pas dormi de la journée. Le sang alcoolisé l'avait assommé quelques heures, puis il s'était réveillé en fin de matinée, avec Hortense avachie sur sa poitrine. Son amie était allée terminer ses cycles de sommeil dans son propre appartement et lui s'était rendu dans sa chambre puis allongé dans le lit. Les draps étaient imprégnés de l'odeur de Van. Il avait somnolé le nez dans l'oreiller, réconforté par cette senteur sucrée qu'il avait tant chérie, mais chaque fois que la torpeur s'était faite prégnante, un fort chagrin l'avait arraché aux limbes et ramené dans la cruauté de l'instant présent. Kadvael n'avait lutté qu'une heure avec les affres du sommeil, effleurant des cauchemars, parfois ses sens l'avaient trompé et il avait cru sentir Van, endormi dans le lit. Chaque fois il se réveillait, chaque fois il voyait la place vide près de lui et des pleurs lui montaient dans la poitrine. Il avait tâché la taie de l'oreiller avec ses larmes rouges.
Kadvael se sentait la cible d'une terrible fatalité. C'était la revanche du destin, il payait pour son crime. Il avait tué et la vie l'avait mis face à la violence de ses actes. Se venger n'était jamais la solution. Ça n'avait pas ramené Sun, ça avait détruit Van et maintenant, ça le détruisait lui. Il était rongé par les plus profonds remords. Il avait brisé la vie du jeune homme dont il était tombé amoureux.
J'ai tué ses parents, se répétait-il.
Mais comment aurait-il pu deviner qu'ils avaient un fils ? La contrition lui empoignait le cœur. Je n'apporte que le malheur, se dit-il, d'abord Éloïse, ensuite Van. Il avait en permanence l'impression d'un poids dans le ventre, la sensation d'une fatalité. Ou qu'il aille et quoi qu'il fasse, une ombre funeste le suivrait. Penchée sur ses pensées, elle lui soufflait aux oreilles toutes les atrocités qu'il avait commises. Van n'avait-il pas raison ? Après tout, il était un monstre, un assassin naturel. Doué pour tuer, Kadvael avait dû lutter pour conserver son humanité. Après une heure interminable passée à rouler dans son lit, le Maître Vampire aperçut sur l'oreiller un cheveu blond oublié. Il le saisit doucement entre son pouce et son index.
Une blondeur éthérée, fine comme une toile d'araignée, qu'il observa de longues minutes danser à la lueur mourante de l'âtre. Il avait gardé l'habitude d'allumer un feu dans la cheminée, comme lorsque Van était encore là. Sous la tristesse et le deuil, une émotion persistait : l'inquiétude. Kadvael ne se sentait pas légitime à poursuivre Van et ne désirait rien de moins que de lui imposer sa présence, ou d'exiger son pardon, mais il voulait s'assurer qu'il allait bien. Où était-il parti ? Avec qui ? Était-il en sécurité ? Il avait assuré ne pas retourner chez les Éveillés, mais dans ce cas, où s'était-il rendu ?
Je peux bien le voir une dernière fois, se dit-il. Juste une dernière fois... il ne s'apercevra même pas de ma présence.
Sur ce, il se leva de son lit, déposa précautionneusement le cheveu dans une petite boîte puis se munit de son téléphone portable et contacta Éléonore. Elle décrocha au bout de deux sonneries et lâcha sans ambages :
— Laisse-moi deviner, t'as un service à me demander.
Elle lui avait totalement coupé la chique et il battit des paupières avec incrédulité.
— Bonjour Éléonore, la reprit-il. Effectivement, j'ai quelque chose à te demander. Je crois me souvenir que tu m'avais parlé d'une forme de magie qui permettait de retrouver quelqu'un, je me trompe ?
— Oh, tu as perdu ton chasseur ?
Cette fois-ci, il ouvrit grand les yeux.
— Comment le sais-tu ?
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Assujetti
Paranormal« On en arrive à ma deuxième recommandation : ne te fais pas mordre. Quoi qu'il arrive, jamais. » Van, chasseur de vampires talentueux, se démarque par ses performances. Mais son tempérament dissident et son absence de respect pour la hiérarchie lui...