Chapitre 43 : Vampire en déroute

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Samedi 21 décembre 2029 – Sproul State Forest –Domaine Larkmîr

Van dormait dans les draps propres de Kadvael, repu et lavé. Éléonore avait assuré qu'avec ses soins, les brûlures finiraient par disparaitre complètement. Le Maître Solvmorläs était soulagé de le voir moins pâle et rassuré quant à sa guérison cependant, les mots d'Hortense lui restaient irrémédiablement en tête. Assis dans un fauteuil du salon, devant l'âtre, il descendait des bouteilles de sang alcoolisé et triturait la pierre de rémission qui luisait à la lueur des flammes. « Je crains qu'il ne puisse jamais t'aimer. » C'était plus que possible. « Un être aussi destructeur avec lui-même pourra difficilement ne pas l'être avec les autres. » Son amie avait toujours été sagace, il ne pouvait ignorer sa remarque, parce qu'il savait qu'elle renfermait une part de vérité. Il n'avait plus éprouvé un tel amour depuis le décès de Yun mais son crime avait tout gâché. Van aurait été tellement plus heureux, avec ses parents en vie ! Tellement plus sain, plus capable d'amour ! Hortense n'avait pas tort, comment pouvait-il aimer proprement s'il se haïssait ? Comment pouvait-il être équilibré, lui qui n'avait jamais connu ni la bienveillance, ni le respect ? Mais si ses parents avaient été en vie, se seraient-ils seulement rencontrés ? Et s'ils s'étaient connus dans de telles circonstances, s'il l'avait vu grandir et avait endossé son rôle d'oncle, jamais une telle relation n'aurait été possible entre eux. J'ai l'âge d'être son père, songea-t-il sombrement. Il saisit sa coupe de sang alcoolisé et en avala une nouvelle gorgée. Deux heures qu'il était là, à boire et les brumes de l'ébriété flirtaient avec son âme contrite. S'il utilisait la pierre de rémission sur Van, ne serait-il pas plus heureux ? Kadvael avait entre les doigts le pouvoir de lui retirer toutes ses blessures. Sans ses souvenirs, plus de deuil, plus de perte, plus de consternation. Son étoile polaire était l'ombre d'elle-même et il rêvait de la voir briller à nouveau. Mais retirer à Van l'entièreté de ses souvenirs et tout ce qu'il avait vécu, revenait à lui prendre son identité. Serait-il seulement lui-même ? Serait-il le garçon dont le Maître Solvmorläs était tombé amoureux ? Van n'avait pas consenti à un tel acte cependant, au fond du cœur de Kadvael, l'idée qu'il ne soit plus au courant du meurtre de ses parents le tentait dangereusement. Oui, s'il oubliait l'horrible vérité, il pourrait l'aimer à nouveau. C'était possible... N'est-ce pas ?

Il avait ses chances ?

C'est égoïste.

Kadvael s'affaissa dans un soupir de désespoir, rejetant l'idée. Mentir, c'était tricher. Pourrait-il seulement le regarder dans les yeux, après ça ? Il savait que non. Comme le disait si bien Hortense, sa morale était rigide. « Tu te sacrifies, Kadvael. » Certes, mais qu'est-ce qu'il était censé faire ? Laisser Van mourir ? Le jeter dans la rue parce qu'il ne lui retournait pas ses sentiments ? Quand il l'avait retrouvé agonisant au fond d'une geôle, l'idée de l'abandonner à son sort ne l'avait pas effleuré. Pour ce qui était du meurtre et des ressentiments de Van, il devait assumer les conséquences de ses actes. Tuer ses parents était une décision qu'il avait prise seul. À présent, il aiderait Van à se remettre sur pied et quand il serait en mesure de se débrouiller, il le laisserait faire son choix. Ce n'était pas plus mal comme ça. Si Hortense avait raison et que son chasseur rebelle était un poison pour lui, mieux valait que leur relation se termine.

Soudain, un son braillard éclata le silence et le fit sursauter. Kadvael réalisa que son portable, posé sur la table basse, sonnait. Il décrocha.

— Allô ?

— Monsieur Solvmorläs, ici le baronier Parker. Vous êtes convoqué au C.O.S.T.R de Lock Haven. Présentez-vous avant le lever du soleil.

— Déjà ? s'étonna-t-il. Je pensais que vos conneries administratives prendraient quelques jours...

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