Chapitre 8 : La main dans le sac

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Nuit du samedi 7 au dimanche 8 décembre 2029 – Sproul State Forest – Domaine Larkmîr

L'aube commençait à pointer quand Van entendit des pas de l'autre côté de sa porte. « J'amène de l'eau au mage ». Il était fatigué par sa nuit sans sommeil et par le froid polaire qui régnait dans sa chambre cependant, il avait été entrainé bien assez dur pour garder les idées claires. Plusieurs verrous cliquetèrent et un vampire hâve en costume de majordome fit son entrée dans la chambre. Il déposa sur sa table de nuit, un plateau présentant une cruche et un verre. Ensuite, il se dirigea vers la fenêtre, l'ouvrit à l'aide d'une clef et tira les volets sans les fermer.

— Nous fermons toujours tout lorsque le jour approche, lui dit-il. J'ai moi-même préparé cette chambre pour ton arrivée.

Van remarqua que le majordome avait laissé la fenêtre entre-ouverte. Il se dirigea vers le centre de la pièce, souleva le tapis et révéla une trappe. Il en sortit une arbalète, une corde, ainsi que plusieurs pieux, tout en continuant de parler.

— Tu vas devoir t'habituer à vivre de nuit pendant quelque temps.

Van l'observa faire, abasourdi. C'était donc lui, la taupe ? Un majordome ? Halfred était un serviteur vampire, il était de la race des plus faibles après les damnés et lutter contre ses pulsions était une torture journalière. Il avait été transformé contre son gré par un apôtre et vouait depuis aux vampires une rancune sans commune mesure. Il enviait les Maîtres et les Seigneurs, ceux dont les pouvoirs vampiriques étaient un cadeau, quand lui n'avait hérité que d'un appétit de monstre et d'une allergie au soleil.

Il se dirigea vers Van, qui se leva et lui montra un papier.

« Ne parle pas, ils peuvent entendre. Le Maître Solvmorläs doit déjà être couché. J'ai veillé à ce que personne ne traine dans les parages. Le plan ci-dessous t'indique le chemin à suivre pour atteindre sa chambre, j'ai ouvert la fenêtre qui se trouve sous la tienne, tu n'as qu'à passer par là. Ne fais pas de bruit, il entend tout. »

Cette dernière phrase fit courir un frisson d'inquiétude le long de sa colonne. Van adressa à Halfred un mince signe de tête puis retira l'amulette. Aussitôt, ses cheveux châtains virèrent au blond platine, un bleu perçant trancha dans le saphir de ses yeux, ses traits doux dessinèrent un visage plus franc. Halfred quitta les lieux sans bruit et Van attendit qu'il soit parti pour ouvrir la fenêtre et se pencher par-dessus l'appui. La seconde ouverture se trouvait un bon mètre en-dessous de la sienne. Son regard se porta immédiatement sur la corde qui gisait par terre. Après quelques secondes et plusieurs nœuds, le jeune chasseur s'en servit pour se hisser dehors et descendre le long de la façade, jusqu'à atteindre le second étage.

Son corps souple passa lestement par l'encadrement et il posa pieds à terre, scrutant le fond du couloir d'un œil méfiant. Il y était. Le second étage. Les corridors du palais Solvmorläs se terminaient toujours dans une noirceur menaçante. Sur les murs, les portraits dans les tableaux semblaient l'observer passer. Comme promis par Halfred, le jeune chasseur ne croisa personne, mais le silence qui prédominait semblait porter une mise en garde. Quand Van pénétra les appartements du Maître vampire, il n'entendait plus rien. Que les battements frénétiques de son cœur affolé.

« Tuer un Maître Vampire seul, c'est du suicide. »

« C'est une mission suicide, Van. »

« Si tu reviens tu seras promu. »

Oui, promu, il voulait l'être. Il voulait être tout ce qui n'impliquait pas d'être mort. Les volets de toutes les pièces étaient clos et il n'était pas question de toucher à un seul d'entre eux, car le moindre bruit risquait de tirer la bête hors de son sommeil. Un début de jour filtrait entre les battants, un strict minimum pour s'orienter dans ce dédale de salles obscures et Van luttait pour contrôler sa respiration, sachant qu'un soupir pouvait le trahir. La porte de la chambre était ouverte, un rectangle d'obscurité au bout d'une petite bibliothèque et il retint son souffle au moment de franchir le seuil. Van s'avança dans les ténèbres dansantes, sa semelle embrassait le parquet glacial avec une extrême douceur, sans produire un son. Il vit d'abord le large lit à baldaquin, dont les rideaux avaient été clos et la lumière chaude d'un feu mourant.

AssujettiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant