Chapitre 5 : Un bal sanglant

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Nuit du jeudi 5 au vendredi 6 décembre 2029 – Sproul State Forest – Domaine Masvalt

Hortense Ismelir De Masvalt avait organisé une petite réception dans son immense domaine, un château datant du dix-septième siècle et imitant l'architecture gothique de ses prédécesseurs. La propriété était deux fois plus grande que le domaine Larkmîr et, en cette soirée hivernale, la chaleur était difficile à conserver entre les murs colossaux de la salle de bal. Les flancs de cette pièce tout en longueur disposait de fenêtres à carreaux en arc flamboyant, s'élevant sur cinq mètres et garnies de magnifiques remplages. Elles se trouvaient sur les bas-côtés, derrière les allées à colonnades soutenant une partie supérieure composée d'une galerie et surmontée d'une seconde série de fenêtres qui grimpaient jusqu'aux voûtes barlongues. Les lustres scintillants étaient suspendus à de longues chaines dorées qui les liaient au cœur des croisées d'ogive. Des canapés en velours et des tables d'appoint avaient été installés un peu partout contre les murs, tandis que la partie centrale était réservée à la danse et aux jeux.

Kadvael observait l'affluence des convives depuis un coin reculé de la pièce, assis dans un canapé d'angle. Hortense, nostalgique d'une époque où elle était encore humaine, avait organisé une soirée sur le thème de la Renaissance et tous les invités avaient revêtu des costumes d'apparat pour l'occasion, mêlant les jupons soyeux, dentelles larges, broderies, hauts-de-chausse et joyaux reluisants. Les bijoux en excès scintillaient sous la lumière des lustres et donnaient aux convives des allures de fée. Kadvael avait opté pour un déguisement entièrement noir, il estimait qu'avoir enfilé un habit passé de mode depuis le dix-septième siècle suffisait à dire qu'il avait joué le jeu et il était hors de question qu'il ajoute au ridicule en se décorant façon sapin de Noël.

— Je dérange, monsieur ?

Kadvael fut sorti de ses réflexions internes et leva la tête. Devant lui se tenait une humaine, à en juger par le bruit sourd de son cœur qui tapait dans sa poitrine. Sa présence ici n'était pas une exception. Beaucoup de non dotés se rendaient à ce type de réception, prêts à donner de leur sang en échange d'une certaine somme d'argent, parfois même heureux de pouvoir approcher les plus belles créatures du monde, espérant secrètement s'attirer les faveurs de l'une d'entre elles. Dans les canapés aux alentours, beaucoup de ses semblables avaient déjà la tête enfouie dans le cou d'une victime consentante.

— Non, tu ne déranges pas, finit-il par répondre.

La jeune femme sourit. Elle était brune aux cheveux lisses, vêtue d'une robe bleue d'époque et coiffée d'un chignon élaboré. Sans doute devait-elle s'entendre dire qu'elle était jolie, parmi les humains, mais elle faisait pâle figure au milieu des vampires. Ici, elle n'était rien d'autre qu'une poche de sang montée sur deux jambes.

— Vous... vous ne... (Elle regarda nerveusement par-dessus son épaule.) Vous ne profitez pas de la fête ?

Kadvael lui adressa un sourire en coin et la jeune femme sentit son ventre se contracter sous les assauts d'un désir invraisemblable. Elle n'avait jamais vu un homme comme lui. Il était si beau qu'il semblait irréel. Le Maître vampire entendit son cœur accélérer et s'amusa de voir qu'il la troublait.

— Tu peux t'asseoir, lui dit-il, je ne mords pas.

Sa plaisanterie fit sourire la jeune femme qui s'assit sur le canapé, à une distance raisonnable de lui. Les mains jointes et serrées entre ses genoux, il était évident qu'elle les gardait là pour calmer ses tremblements.

— Tu as peur ?

— Non... j'ai froid, avoua-t-elle timidement.

Kadvael n'était pas sensible au froid et, ni lui ni ses congénères ne souffraient de l'hiver, impossible donc de savoir si la salle était correctement chauffée. Il retira sa cape puis recouvrit les épaules de la jeune femme avec. Son effleurement fit galoper un frisson le long de son échine et elle n'osa même pas le regarder tant il l'intimidait.

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