Chapitre 21 : Syndrome de Stockholm

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Vendredi 13 décembre 2029 – Sproul State Forest - Domaine Larkmîr

Lorsque Kadvael ouvrit les yeux, il était aux alentours de quinze-heures-trente, les volets étaient clos et la respiration de Van berçait le silence. Pour la première fois depuis des jours, sa première pensée n'alla pas à Éloïse, mais au jeune homme assoupi contre son cœur. Sentir son corps chaud entre ses bras avait quelque chose de réconfortant. Avec lui, il n'était plus un monstre. Van lui avait fait confiance et Kadvael en avait été digne. Il se leva sans faire de bruit, se vêtit, prit le temps de se parfumer et de gominer ses cheveux comme il avait l'habitude de le faire, avant de descendre aux cuisines. La nuit qu'il avait passé l'avait tellement retourné qu'il oublia totalement de surveiller Van, ou plutôt, eut le sentiment que ce n'était plus la peine. Et malgré son grand âge, Kadvael avait de la naïveté dans le cœur.

Les cuisines du domaine étaient propres mais entièrement à l'abandon. Les lieux désertés se présentèrent sous l'éclat des lampes, le sol était recouvert de tommette rouge, il s'y trouvait des plans de travail en bois noir ainsi que des fenêtres, dont les volets demeuraient clos jusqu'au crépuscule. Quelques jours auparavant, de la nourriture avait été achetée pour le jeune Somedarme. Le frigo avait été rebranché, la gazinière était également fonctionnelle. L'esthétique vacillait entre le rustique et le contemporain.

— Il me semblait bien avoir senti une odeur de café.

Kadvael leva les yeux de la gazinière et se tourna vers Hortense, qui marchait vers lui, vêtue d'une robe cache-cœur et d'une paire de Louboutins.

— Et de chocolat chaud, ajouta-t-elle en découvrant la seconde casserole.

Elle se tourna vers le plan de travail central et haussa un sourcil en jaugeant le plateau repas, sur lequel reposaient une théière, ainsi qu'une jolie tasse en porcelaine.

— Tu n'as pas pu te décider, pour la boisson ?

— Bonjour Hortense, répondit-il. Non, je n'ai pas pu.

Kadvael avait senti le malaise monter à l'instant où Hortense était entrée. Il le savait, il allait devoir rendre des comptes et il peinait à assumer qu'il préparait tout ça pour Van, parce qu'il ne savait pas ce qu'il buvait le matin. La superbe femme se posta près de lui, les bras croisés et le fixa avec insistance, un sourire aux coins des lèvres.

— Tu n'as rien à me dire ?

— Je t'en prie Hortense, viens-en aux faits.

— Tu t'es bien amusé la nuit dernière, je me trompe ?

Kadvael inspira et ferma les yeux, une seconde, avant de souffler. Il avala ses lèvres, sentant l'embarras monter.

— Tu nous as entendus.

Hortense gloussa.

— Moi, comme Alassane, comme l'intégralité du palais. J'ai enfoncé mes bouchons tellement profondément dans mes oreilles, que j'ai cru ne jamais parvenir à les retirer. Le chasseur est bruyant. Alassane était tellement embarrassé qu'il est sorti deux heures et quand il est revenu, vous y étiez encore. Tu aurais vu sa tête ! (Cette fois-ci, elle rit franchement.) Enfin bon, ce n'est pas moi qui vais te juger, il est compliqué de ne pas se faire entendre au milieu des chauves-souris.

— Je trouve étonnant que l'amant de dame Ismelir, qui n'est pas connue pour sa pruderie, soit si chaste.

— Han... Une petite pique, s'amusa-t-elle. Je t'en prie, Kadvael, je ne disais pas ça pour te blesser. Et puis Alassane est un garçon sensible.

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