Mercredi 10 avril 2030 – Elk State Forest - Palais de Raven Puissambre
Van.
Le marbre qui s'étendait jusqu'à son visage immobile.
Van.
Sa peau grise. Ses yeux vides. Cet azur pour lequel Kadvael aurait tout sacrifié, cette mer où il s'était mille fois jeté, aussi plat qu'un dessin au feutre. La grandiose salle du trône n'était qu'une vaste tapisserie en fond de tableau. Le cœur de l'œuvre : un cadavre sublimé sous l'éclat d'un lustre. Kadvael le fixait et, toutes les secondes, était à nouveau frappé par l'extrême inanité de ce corps que son amant avait habité. Il était si choqué qu'il ne réalisa pas tout de suite qu'on l'avait relâché. Ce n'est que lorsque deux gardes se saisirent du corps de Van, qu'il fut frappé d'une frénésie instantanée.
— Ne le touchez pas ! rugit-il en bondissant vers eux.
Il les bouscula si fort que les deux hommes s'écrasèrent contre les dalles. Les autres gardes s'apprêtaient à se saisirent de lui, mais la Reine s'interposa :
— Laissez-le.
Kadvael, aveugle à tout ce qui n'était pas Van, tomba à genoux près de lui. Son petit prince couronné d'astres. Ses cheveux neigeux qu'il avait vus éparpillés sur l'oreiller, balayaient à présent le marbre et sa chaleur qu'il avait étreinte, s'amenuisait sous les candélabres. L'espace d'un instant, il revit Sun à l'envers et ses yeux fixes devenus aveugles. Ça recommence, pensa-t-il. La douleur le chiffonna tant que son visage se comprima comme une éponge que l'on presse et des larmes percèrent sa rétine. Le rouge claqua les joues blanches de son amant éteins. Sa main se referma sur la veste de Van, juste entre ses omoplates et il le souleva de terre pour le ramener contre lui. Au bout de son bras, son inertie fut d'autant plus flagrante et le heurta tant qu'il manqua de le lâcher.
Kadvael l'avait beaucoup enlacé, son chasseur. Il l'avait pressé, embrassé, palpé et gouté, mais jamais Van n'avait été si immobile. Il le ramena contre sa poitrine, assis au sol comme un condamné, puis enfouit son nez dans son cou et sanglota. Kadvael voulait le sentir, mais il avait beau le tenir, là, tout contre lui, c'était son absence qui le frappait. Son absence éternelle et irrémédiable.
— Je suis tellement désolé petit prince, pleura-t-il. Je suis tellement désolé... tellement désolé... C'est de ma faute.
Autour de lui, les gardes observaient une distance respectueuse. Silencieuse, la Reine lui accordait quelques minutes de répit avant d'exiger qu'il s'en aille. Elle n'était pas indifférente à sa souffrance, mais des siècles d'existence avaient fossilisé son empathie et elle était persuadée de faire ce qui était juste. Un chasseur restait un chasseur et les Éveillés étaient prêts à tout, même à faire transformer l'un des leurs pour infiltrer la société vampirique. Elle en était persuadée.
— Maître, appela-t-elle se présentant devant lui. J'entends que votre souffrance puisse vous sembler insurmontable, mais je vous assure que d'ici quelques années, en regardant en arrière, vous réaliserez que c'était la meilleure chose à faire.
Kadvael se figea. Il leva lentement la tête et foudroya sa régente d'un regard glacial, inondé de larmes rouges.
— Vous... souffla-t-il, vous m'avez arraché le cœur, vous m'avez détruit pour l'éternité. Il n'y a rien qui pourra réparer ce que vous avez cassé en moi... Rien qui pourra me le rendre ! (Sa voix se brisa.) Comment pouvez-vous une seule seconde imaginer que j'envisagerai son meurtre comme la meilleure chose qui soit à faire ?
— C'était un chasseur, répondit-elle platement. Il aurait fini par vous tuer.
— C'était un orphelin enrôlé dans une secte ! cria-t-il, furieux. Il n'a jamais tué que des damnés ! Je lui ai fait tenir un pieu contre mon cœur, il n'est jamais parvenu à appuyer !
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Assujetti
Paranormal« On en arrive à ma deuxième recommandation : ne te fais pas mordre. Quoi qu'il arrive, jamais. » Van, chasseur de vampires talentueux, se démarque par ses performances. Mais son tempérament dissident et son absence de respect pour la hiérarchie lui...