Chapitre 10 : Une belle mise en scène

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Nuit du dimanche 8 au lundi 9 décembre 2029 – Sproul State Forest – Domaine Larkmîr

Antoine recula lentement, sans lâcher Van des yeux. Ce petit impertinent osait se gausser de lui.

— Jeffrey, gronda-t-il, le fouet. Tout de suite.

Le serviteur se dépêcha d'attraper l'objet en question et de le remettre au Seigneur, qui s'en saisit brutalement. Le coup siffla dans l'air et s'abattit si violemment sur Van qu'il sursauta et grogna de douleur. Antoine frappa à nouveau, martyrisant sa peau, encore et encore, striant son torse pâle de longues boursoufflures rouges. Van tremblait de tous ses membres, se contractait par soubresauts, à chaque choc, chaque déchirure. Bientôt, les traces enflées se fendirent sous les assauts implacables du fouet, révélant sa chair à vif, libérant le sang qui dégoulina sur son ventre. Antoine se défoulait pour laver l'affront. Le corps éprouvé de Van cessa bientôt de réagir au heurt des coups, ses cris se muèrent en gémissements rauques, à peine conscients.

Il s'évanouit.

Antoine cessa, hors d'haleine et jaugea le chasseur d'un œil rancuneux. Un corps inerte, une pâleur de porcelaine, des muscles dessinés tout juste perceptibles sous les ouvertures béantes et les morceaux de peau décollés. Le Maître Noblefolk s'avança, puis lui assena une gifle qui claqua le silence et l'arracha au sommeil. Van revint difficilement à lui. Tout était flou. La souffrance, partout. Le danger, omniprésent. La mort, bientôt. Une délivrance.

Et merde, pensa-t-il, c'est vraiment pourri d'être le mec qui meurt.

Son corps le lançait sauvagement, il n'osait plus bouger. Ses yeux à demi clos lui transmirent l'image d'un amas sanguinolent du côté de son torse. Devant lui, le vampire sadique l'observait de toute sa hauteur. Les autres avaient reculé au fond de la salle.

— Maître Noblefolk, appela Jeffrey. Est-ce qu'on peut sortir ?

Antoine comprit aisément que l'odeur du sang excitait leurs papilles. S'ils restaient là, ils risquaient de se jeter sur son prisonnier et de le vider de tout fluide vital, le privant du plaisir de l'asticoter encore. D'autant plus qu'il ne connaissait toujours pas l'identité de la taupe.

— Oui, oui, filez.

Les gardes obtempérèrent. Le battant claqua le silence.

— Il semblerait que le chasseur ait abandonné ses grands airs, susurra Antoine en se penchant vers Van. Il n'y a pas plus beau spectacle qu'une créature faible remise à sa place. (Il se redressa.) Vous les chasseurs, avez tendance à oublier que vous n'êtes que des humains.

Le battant claqua sauvagement le mur et Antoine gronda :

— Je vous ai dit de sortir !

Il se retourna et ses yeux s'écarquillèrent. Debout devant la porte, Kadvael posait sur la scène un regard horrifié. Il avait cru entendre des cris du côté des cachots, alors qu'il sortait tout juste de ses appartements, lavé et fraîchement vêtu. Il avait l'intention de descendre voir ce chasseur, mais aucunement d'en arriver à de telles extrémités. Il marcha vers eux, choqué, sans parvenir à décrocher ses yeux larges de la carcasse inerte et massacrée. L'odeur du sang lui sauta aux narines, cruellement tentante, mais par chance, l'horreur qu'il avait sous les yeux assassina ses instincts.

— Qu'est-ce que tu as fait ? souffla-t-il d'une voix blanche.

— Ce qu'il fallait, répondit froidement Antoine. C'est un chasseur. Il traque et tue nos semblables.

Kadvael se tourna vers lui, complètement abasourdi. Il n'arrivait pas à s'en remettre. Il se pencha vers Van et le détacha rapidement.

— Tu as perdu la tête, dit-il, complètement perdu la tête...

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