Chapitre 23 : Trouver une solution

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Nuit du vendredi 13 au samedi 14 décembre 2029 – Sproul State Forest - Domaine Larkmîr

Van était pétrifié et la seule chose qui lui permettait de garder la tête hors de l'eau, c'était la présence sécurisante de Kadvael. Celui-là même qui devait tout lui arracher. Toute sa vie, il n'avait connu que la violence. La perte de ses parents, les crises d'angoisse quotidiennes et les cauchemars qui leur avaient succédé. Il se souvenait de l'orphelinat, de l'éducatrice qui n'arrivait jamais à calmer ses attaques de panique, de son incapacité à parler.

Il se souvenait de maman avec son visage pâle entièrement figé, ses yeux exorbités et sa gorge déchiquetée. Et de papa, un peu plus loin dans la cuisine, allongé face contre terre avec sa tête à demi détachée.

Il se souvenait qu'aucune famille ne voulait l'adopter, parce qu'il était trop « difficile ». Si difficile que même ses parents éloignés, oncles et cousins germains, avaient refusé de le prendre en charge. Et puis ce couple étrange, ce bus, la petite fille brune assise à côté de lui. Des années d'entrainements intensifs, des amitiés forgées dans le choc des coups et les nuits blanches. Qu'est-ce qu'il avait gagné ? Des runes qui le tuaient à petit feu, des croyances effondrées. Personne n'avait jamais été aussi gentil avec lui que Kadvael.

Personne.

— Je vais essayer d'appeler Antoine, lui dit soudain Kadvael. Voir ce que je peux faire.

Van releva un peu le nez, le visage rouge et bouffi de larmes. Une lueur d'espoir vacilla dans sa poitrine. Kadvael pressa gentiment son épaule, se leva et se dirigea vers sa penderie. Il fouilla les poches de ses manteaux et finit par en sortir un téléphone portable.

— Je ne l'utilise jamais, avoua-t-il maladroitement.

L'atmosphère dans la chambre était pesante et difficilement respirable. Kadvael chercha dans ses contacts et trouva le numéro d'Antoine, qu'il appela immédiatement. Il savait que la décision la plus sage demeurait la première, qu'à tout moment Van pouvait user de sa confiance pour l'assassiner, qu'il s'agissait d'un chasseur et qu'il risquait la prison s'il le gardait ici. Mais la situation était intolérable et tout prétexte était bon pour repousser l'échéance. La pression montait dans sa poitrine à chaque nouvelle sonnerie. Pourvu qu'il réponde ! Depuis le lit, Van l'observait avec appréhension.

— Maître Kadvael Solvmorläs de Larkmîr, déclama la voix d'Antoine de l'autre côté du combiné. Que me vaut cet honneur ?

— Hortense m'a dit que tu l'avais appelée.

— Oh oui... ça ! Elle dit que le chasseur n'est plus chez toi, mais je suppose que si tu m'appelles, c'est que la situation est tout autre. N'est-ce pas ?

L'arrogance que portait sa voix lui hérissa le poil.

— Ce sont des accusations très graves, qui pourraient te valoir des poursuites en justice. Je n'ai évidemment pas gardé ce chasseur chez-moi, mais je ne supporte pas d'être accusé injustement.

— Injustement ? se moqua-t-il. La façon dont tu l'as secouru me semble être une preuve suffisante. T'a-t-il donné le nom de son informateur ?

— Je n'ai pas eu besoin d'avoir recours à tes méthodes barbares pour obtenir un nom. Je n'avais plus aucune raison de le garder ici et je serais très, très fâché... si j'avais des problèmes avec la justice à cause d'accusations calomnieuses, Antoine. Je t'assure que tu n'as pas envie que je me fâche.

Antoine rit de l'autre côté du combiné.

— Mais regardez comme le jeune vampire menace ses ainés ! J'ai plus de cinq-cents ans, Kadvael, ce n'est pas un enfant avec des crocs qui pourra m'intimider.

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