Chapitre 55 : Enfin libre

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Vendredi 9 février 2030 – Sproul State Forest – Domaine Larkmîr

Plusieurs mois s'étaient écoulés, la saison froide avançait tranquillement vers un temps plus clément, promesse de nuits courtes et de journées interminables. Van s'était acclimaté son nouveau foyer, ses grands murs en pierres grises et ses tentures épaisses qui couvaient son accablement. Lui et Kadvael apprenaient à s'apprivoiser l'un l'autre, parfois dans l'impétuosité, car il était encore difficile pour l'ancien chasseur d'exprimer une douleur sans en infliger une. La bienveillance et l'honnêteté formaient les bases d'un langage qu'on ne lui avait jamais enseigné. Fort de sa chance, il s'était vu attribuer un compagnon plus que compréhensif, bien que Kadvael savait poser ses limites et que Van comprenait tout juste en quoi consistait le fait de les respecter. Le moment du coucher demeurait une épreuve pour le jeune homme, car il ne parvenait plus à fermer les yeux sans voir repasser le film de la mort de ses amis. Il était pris de violentes attaques de panique, de crises de larmes, d'angoisse allant jusqu'au malaise et ne parvenaient à s'endormir qu'entre les bras de Kadvael, qui lui caressait les cheveux.

Concernant Halfred Wilson, l'ancien majordome avait été repéré par des agents de la Reine aux alentours d'Allentown, chassant des hommes comme un animal sauvage. Pour son crime, l'ancien domestique avait été condamné à la peine capitale par le Conseil de Justice.

Alassane n'avait quant à lui plus donné signe de vie. Sa culpabilité était difficile à prouver et, au-delà de ça, Kadvael estimait qu'avoir ôté la vie de sa bien-aimée était une punition suffisante. Quoi qu'il en soit et malgré son crime, Hortense n'aurait pas supporté de conduire son ancien amant à l'échafaud.

Tout aurait pu se dérouler sereinement cependant, après des mois à vivre caché, la présence de Van au domaine Larkmîr avait fini par générer des rumeurs. Antoine Sailly de Noblfolk n'y était pas totalement étranger. Pour sa propre sécurité, Kadvael avait pris la décision de l'emmener loin du palais et de lui permettre de commencer une nouvelle vie, comme il l'avait initialement prévu. Le Maître Solvmorläs avait fait ses recherches et, bien que les vampires soient implacables en ce qui concernait les Éveillés, certaines associations humaines comme « Not Your Hunter Anymore » ou « We were just children », offraient des possibilités de replis aux chasseurs reconvertis, parfois échappés, généralement arrêtés. Mais Van n'était pas de cet avis. Il ne voulait pas perdre Kadvael. C'était inconcevable, hors de question. Son amant était la prunelle de ses yeux, son unique félicité. Et il le savait, s'il voulait rester avec son roi, il devait devenir un vampire lui-même.

— Si je deviens un vampire, ils ne pourront plus s'en prendre à moi, non ? avait-il lancé un soir tandis qu'ils lambinaient devant un film.

— Van, rétorqua doucement Kadvael, pour te transformer je dois obtenir l'autorisation du Haut Conseil. Ils vont enquêter sur toi et finiront par découvrir ce que tu es. Jamais ils n'accepteront de t'intégrer.

Van était assis contre son amant, sous l'étreinte de ses bras. Il tourna la tête pour le regarder.

— Et si tu me transformes sans leur demander ?

— Tu n'auras aucune existence juridique-

— Ça ne va pas me changer de d'habitude, coupa-t-il.

— Pas de papier, pas de possibilité de travailler, d'ouvrir un compte en banque, d'être autonome et indépendant. Et s'ils te découvrent je ne donne pas cher de ta peau. C'est ça que tu veux ? Vivre caché pour le restant de l'éternité ?

Une vague mélancolie monta dans le corps de Van. En vérité, il commençait à se lasser d'être constamment enfermé. Leurs sorties étaient rares et chaque fois qu'ils osaient mettre le nez dehors, il fallait toujours être prudents. L'angoisse d'être découvert rythmait ses nuits.

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