Chapitre 52 - La chèvre et le chou

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« Comment t'es nul ! » je lance à Alexander, qui me fixe immédiatement comme s'il voulait me tuer.

« Ferme-là Hestia ! Il faut le temps que je me fasse au jeu. » réponds-t-il du tac au tac, en jetant ses cartes sur la table.

Duncan se met à rire comme un bossu.

« Tu dis ça depuis sept parties. » note-t-il sans lever les yeux de son paquet.

Il dit ça... Mais lui aussi ne fait que perdre depuis le début. Il est juste un peu plus digne dans sa défaite qu'Alexander. Lui... C'est un sacré mauvais joueur ! J'ai jamais vu un type d'aussi mauvaise foi. Ca me rappelle presque mon cousin du monde réel, qui envoyait toujours valser le plateau de Monopoly, quand il se retrouvait à deux doigts de la faillite. 

« Hestia est bien trop forte. » ajoute Damon avec un petit sourire, comme une mère fière de son fils.

« Sois pas si fier d'avoir perdu. » grommèle Alexander, en s'appuyant contre sa chaise.

Pendant qu'il ronchonne et après ma dernière victoire, j'en profite pour me lever, en laissant mon paquet sur le côté.

« Où tu vas ? » me demande Damon, qui me fixe, prêt à me suivre.

Je hausse les sourcils en soupirant.

« Je vais chercher à boire. » je souffle en tournant les talons, pour me diriger dans la cuisine.

« Tu peux demander aux serva – » lance Alexander avec force, mais je secoue la main sans me retourner.

« Pas la peine ! » je lui crie par la porte du salon ouverte. « Je suis pas infirme ! »

C'est vrai quoi... Je peux faire ça moi-même, allons. Je ne vais pas faire déplacer les servantes pour un mauvais verre d'eau. Ah ces riches... Toujours dans l'extravagance. Prêts à rechigner à la moindre de besogne un peu contraignante. Je comprends maintenant mieux pourquoi Alexander se comporte comme le roi du monde... Parce qu'il en est un chez lui.

Je grommèle en pénétrant dans la cuisine américaine noire laquée et c'est en y entrant que je découvre la silhouette d'un homme. En la voyant, je refoule un sursaut, un peu étonnée de trouver quelqu'un ici. Vu son positionnement juste devant l'évier, j'aurais tendance à dire que c'est un servant, mais il ne me faut pas plus d'une demi-seconde pour réaliser qu'il est bien trop élégant pour cela.

Je ne connais pas grand-chose à la mode, mais je remarque sans aucun mal les élégantes chaussures en cuir qu'il porte, ainsi que son costume visiblement sur mesure d'une marque plus que connue. Aussitôt qu'il m'entends, il fait volte-face et je me retrouve face à ses yeux de glace.

Les mêmes que ceux d'Alexander.

Et ce n'est pas la seule chose qu'ils partagent...

Ses cheveux...

De courtes mèches ondulées argentées retombant en cascade sur sa nuque droite et fine et encadrant un visage large et masculin. Je n'ai pas besoin de plus de temps pour me rendre compte que je me trouve face au père de Lex.

[Mon père n'est jamais là et il s'en fout.]

C'est notre jour de chance, on dirait.

Tous deux se ressemblent énormément, si ce n'est pour les nombreuses années qui séparent les deux hommes. Malgré tout, le géniteur de notre héros ne peut pas être qualifié de « vieille personne ». Il semble avoir la trentaine, tout au plus et est la version légèrement plus mûre de son fils.

Il a les traits un peu plus doux également, sous ses airs froids et détachés.

Après un petit moment, je me rends compte qu'il continue à me fixer sans rien dire et je me sens presque aussitôt mal à l'aise. Je veux dire... Je suis dans la maison d'Alexander et je me retrouve nez à nez avec son père qui n'en a, d'après lui, rien à faire de son fils.

Shitty transmigrationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant