Chapitre 66 - Le cœur au bord des lèvres

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Je suis là, essoufflée par mes hurlements et ma colère, alors que l'homme qui n'en finit pas de me troubler se trouve face à moi, presque aussi incrédule que moi face à mes interrogations. Il a les yeux perdus dans le vide, comme s'il ne comprenait pas ce dont j'étais en train de lui parler.

« Je ne te comprends pas... » je murmure, baissant la tête vers le sol, face à ses yeux étranges fixés sur moi.

Je ne le comprends pas et je ne me comprends pas non plus.

Tous ces sentiments qui se bousculent en moi, qui me font souffrir et me rende heureuse à la fois... Je ne les saisis pas. Je ne saisis rien.

J'ai l'impression de venir complètement folle et de perdre pied. Je ne sais pas ce que je dois faire... Ce que je dois dire. Je suis perdue, complètement désemparée par la situation et je n'ai pas l'air d'être la seule.

La seule chose que je comprends en revanche est la douleur que son silence provoque en moi. Les lèvres plissées, je baisse la tête, parce que je ne veux pas voir la gêne qui passe dans ses iris, l'expression de trouble qui l'anime.

Il ne sait pas.

Alexander ne peut pas me dire ce que je suis pour lui... Il ne sait pas. Ou alors peut-être ne suis-je rien ?

Dés que cette pensée effleure mon esprit, je sens un épais et intense vide se propager à l'intérieur de moi, un de ceux qui engloutissent tout. J'ai l'impression d'avoir un trou béant dans le cœur, de chuter d'une falaise sans fond.

J'ai mal.

Sans trop savoir pourquoi, ni comment, j'ai la sensation d'entendre quelque chose se briser à l'intérieur de moi. Voyant mon expression tordue, Alexander semble réaliser où nous sommes et ce qui est en train de se produire, car il s'approche prudemment, tendant la main vers moi sans me lâcher du regard. J'ai envie de m'écarter, mais mon corps ne bouge pas.

« Hestia. » souffle-t-il avec douceur, alors que ses doigts glissent sur les miens.

Le contact de sa peau contre la mienne me rends toute chose. Sa chaleur et sa proximité me troublent, me secouent complètement. Mon corps frissonne et mon estomac me chatouille, alors que mes yeux fuient les siens, cachant l'embarras qui ne cessent de me saisir.

Je n'ai jamais été si proche d'un homme avant.

Même de mon père.

Lui et moi étions plutôt... Distants. Nous n'étions pas du genre à nous enlacer ou même à montrer notre affection par la parole ou les gestes. Je ne sais pas si c'était de la pudeur ou de la honte, mais nous étions presque comme deux inconnus. La première personne a avoir outrepassée mes barrières et pénétrée dans ma sphère privée n'est autre que Thésée, à mon arrivée dans ce monde.

« Tu es importante pour moi. » murmure-t-il, presque inaudible, après un petit silence.

Je relève les yeux vers lui, entrouvrant les lèvres de surprise.

Importante... ? Moi ?

Après l'épisode avec Chris, je ne parviens pas à m'empêcher d'être un petit peu suspicieuse, même si les yeux clairs comme le ciel d'Alexander me font dire qu'il ne me ment pas. J'ai un peu peur d'être à nouveau blessée par quelqu'un, mais j'ai l'impression, au vu du temps passé ensemble, qu'il est différent. Malgré son attitude désinvolte et rebelle, Alexander a prouvé à maintes reprises qu'il ne voulait pas me blesser.

Il a frappé quelqu'un pour moi.

Alors que je suis perdue dans mes pensées, je ne réalise pas que ses doigts ont glissés autour de mon cou, jusqu'à agripper doucement la chaîne qui pends autour de ma nuque pour la faire passer par-dessus ma robe.

Shitty transmigrationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant