Chapitre 67 - Passer l'arme à gauche

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« Je m'en rappelle pas... » je continue à chuchoter, alors que mes doigts agrippent mes cheveux avec force, comme si je voulais les arracher.

J'entends des murmures autour de moi, mais je les ignorent, bien trop préoccupée par la chose qui m'obsède pour porter attention au monde qui m'entoure et à ceux qui tentent de me raisonner.

Alors que la panique me saisit, ma main commence à frapper ma poitrine tandis que je suffoque, la respiration haletante.

Je n'arrive pas à respirer.

Je n'ai pas besoin d'être diplômée d'Harvard pour savoir que je suis en train de faire une crise de panique et que mon cœur et mon esprit sont en train de s'emballer, comme un animal terrifié par l'orage. Ma poitrine est comprimée et une violente douleur me prends aux tripes, alors que les images de silhouettes floues et imprécises s'imposent à mon esprit.

« Hestia ! » je perçois une voix, alors que des ombres m'encerclent, mais je ne vois rien, je ne porte attention à rien.

Rien d'autre que le fait que je n'arrive pas à me rappeler les traits de ma famille.

Ma mère, mon père et mon frère... Rien ne me revient.

Rien, si ce n'est le son de leur voix et la couleur de leurs cheveux.

Comment ?

Comment est-ce que j'ai pu les oublier ? Comment est-ce que leur visage, auquel je pense si souvent et que je vois même dans mes rêves, a pu m'échapper de la sorte ? Me rendre compte de cela, c'est comme accepter que celle que j'ai toujours été est en train de disparaître, que ce qu'il me reste de ma vie, la vraie, est en train de se volatiliser.

Et tout ça est terrifiant.

Je ne vois pas d'autre mot pour qualifier cela, que celui-ci.

Je sens qu'on me secoue, qu'on m'appelle, mais je n'arrive qu'à agripper mon t-shirt dans l'espoir d'enfin pouvoir respirer, alors que mes pupilles tremblent dans tous les sens et que j'inspire en gémissant d'une voix rauque et éraillée, comme si j'étais en train de me noyer.

Je sais qu'il faut que je me calme, que j'inspire et j'expire pour me calmer, mais je n'y arrive pas... Je n'arrive pas à refouler cette panique qui me saisit aux tripes et qui me secoue toute entière.

« Non... » je marmonne en hochant la tête.

Et pendant ce temps je cherche dans mes souvenirs, je serre les dents et ferme violemment les yeux en mobilisant toute ma concentration pour tenter de m'accrocher à la moindre bribe de souvenir qu'il me resterait. Mais tout se mélange, s'entremêle au point que je pense ne pas pouvoir reconnaître le visage de ma famille si on me le montrait en photo.

Non... Pitié... Je ne veux pas oublier...

Mais le temps ne m'entends pas, il n'entends jamais et c'est pour ça qu'il est si terrifiant. C'est pour cette raison que nous regardons occasionnellement des clichés de nos proches disparus, parce que le temps abîme nos souvenirs et les emportent avec lui.

Mais moi, qu'ai-je de ma vie d'avant ?

Que me reste-t-il à part mes souvenirs, qui commencent à me quitter ? S'ils disparaissent, que me restera-t-il de ma vie, de la vraie personne que j'ai été ? De ceux que j'ai aimé et pour qui j'ai tant pleuré ?

Rien...

Il ne me restera rien... Rien d'autre que de vagues silhouettes, des moments imprécis qui vont finir par me faire douter les avoir même vécus, avant que le temps ne me fasse oublier la vraie moi, qu'il ne me fasse occulter mon but originel : rentrer chez moi.

Shitty transmigrationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant