Une identité révélée

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De retour chez moi après avoir déposé la voiture dans le parking du quartier général et récupéré la mienne, je ressasse sans cesse les mêmes interrogations vis-à-vis de Lorena. Je me couche à 3h15 mais dors très mal cette nuit-là, le fait d'avoir vendu des dizaines de doses de drogues n'aident pas. J'imagine les jeunes du jacuzzi étouffant dans leur vomi, ou noyés tandis que la fête bat son plein juste à côté, sans personne pour venir à leur secours. J'ai beau avoir été endurci par ma vie et mon travail, j'ai hâte de terminer cette mission pour ne plus avoir à participer à cet odieux trafic, qui me remue jusqu'au plus profond de mes entrailles.

Je m'endors finalement vers 6h du matin, et me réveille tard dans la journée, alors qu'il est presque 13h. Je mange rapidement un plat préparé que je laisse chauffer au micro-ondes, ce n'est pas encore le jour pour cuisiner quelque chose d'élaboré, puis je prends une douche rapide et m'habille avant de rejoindre le bâtiment dans lequel je passe désormais toutes mes journées. Gor veut un débriefing à 14h, je suis tout juste à l'heure alors je grimpe directement à son bureau à peine arrivé.

Je trouve à l'intérieur beaucoup de monde, et l'expression faciale du boss ne me dit rien qui vaille. Je n'ai même pas le temps de dire bonjour que Teddy attrape mes bras, les maintenant dans mon dos de sa poigne puissante. Je ne résiste pas, et regarde médusé l'attroupement autour de moi : Gor debout derrière son bureau, Lorena juste derrière lui, Zoé assise à la même place que lors de la préparation l'autre jour, le tatoué qui me lance un regard mauvais, et Bonnie, la tatoueuse, juste devant moi.

" Son téléphone, demande Gor d'un ton autoritaire.

Aussitôt je sens la main du tatoué fouiller ma poche, en retirant mon smartphone et le donnant à son boss

- Qu'est-ce qu'il se passe ici ? Je demande, sincèrement étonné, et légèrement inquiet

Gor ne répond pas à ma question mais m'ordonne plutôt

- Ton code ?

- 5413, je lui dit quand je comprends qu'il parle du code qui déverrouille mon téléphone. J'ai apporté le fric, demande à Zoé tout s'est passé sans encombre, je t'assure, tentais-je d'argumenter.

Je me demande ce qu'elle a pu lui raconter pour qu'il se méfie ainsi.

Il farfouille un moment, ces pouces volant sur l'écran tactile. La pièce est silencieuse durant sa manipulation, il finit par reprendre la parole après plusieurs minutes

- On verra plus tard pour le coup d'hier soir, dit-il enfin. Très peu de contacts, tu n'es pas du genre sociable ! Et rien de passionnant dans tes dossiers, ni dans tes conversations. Qui est Brenda ? ajoute-t-il

Je suis embêtée de répondre devant Lorena mais je n'ai pas le choix, d'autant plus que Bonnie est présente, et que je lui ai menti en parlant d'une petite amie.

- Personne d'important, une fille que je fréquentais il y a encore peu de temps.

- Fréquentais ? Pourtant tu as écrit à ta "lapine" il y a seulement quelques semaines pour la voir.

- Oui justement ça fait un moment qu'on ne s'est pas vus, notre dernier rendez-vous ne s'est pas très bien passé.

Je décide de poursuivre voyant qu'il ne reprend pas tout de suite la parole

- Tu sais comment sont les femmes, elles se vexent facilement. Bref Brenda c'est de l'histoire ancienne.

J'espère que Lorena a saisi le message, mais son visage reste impassible, ses yeux regardant dans le vague, ne me donnant aucune indication sur ses pensées.

- Hum..., grogne finalement le numéro un des Gorilles.

Il sort son propre téléphone et s'ensuit une conversation téléphonique durant laquelle je comprends qu'un de ses gars, chargé de me suivre les premiers temps, lui confirme apparemment mon rendez-vous à l'hôtel avec une femme.

- C'est bien ce qu'il me semblait, conclut-il en raccrochant.

Il n'insiste pas davantage, heureusement pour moi. Je regarde de nouveau Lorena, qui fronce les sourcils, je n'arrive pas à savoir si elle est surprise ou fâchée. Elle évite mon regard, je détourne donc le mien pour regarder le boss droit dans les yeux. Gor se désintéresse de mon smartphone et le donne au tatoué, qui le range dans la poche arrière de son jean.

- Tu devais bien te douter que la supercherie tomberait tôt ou tard, reprend-t-il, laissant tomber le ton léger qu'il avait en parlant de mes conversations téléphoniques, et que j'apprendrais qui tu es vraiment, ou alors pensais-tu que j'étais idiot ? me demande Gor l'air menaçant.

Il contourne son bureau pour s'approcher de moi quand je lui réponds

- Mais pas du tout, je ne comprends pas... J'ai filé mon numéro à pas mal de gens, je t'ai apporté tes 7200 billets, j'ai quasiment tout vendu, le reste est aussi dans l'enveloppe avec l'argent.

Gor fait signe au tatoué qui fouille de nouveau mes poches, trouve ladite enveloppe dans ma veste, la récupère et la tend à son chef, qui ne vérifie même pas le contenu avant de la poser sur son bureau, sans me quitter des yeux.

Est-ce possible que Lorena m'ait trahi, comme je le craignais ? Zoé avait peut-être raison hier soir en me disant de me méfier. Ça m'apprendra à me fier à mon cœur, c'est bien la première et la dernière fois ! Je croise rapidement son regard, qui est emprunt de tristesse. Regrette-t-elle de m'avoir balancé ? Il faut pourtant que je nie en bloc, elle n'a pu lui apporter aucune preuve. J'ai toujours fait très attention à l'utilisation de mon téléphone, il ne trouvera rien de probant avec cet appareil, j'y ai veillé. Quand au mec qui m'a suivi, s'il avait obtenu des infos, je serai dans la merde depuis belle lurette. Non, plus personne ne me file le train, je ne vois pas quel indice il peut avoir, si ce n'est son témoignage, ce que je prendrai comme un couteau planté dans le dos.

- Tsst, siffle Gor en secouant son index, je te ferai parler de toute manière alors économisons le temps de tout le monde. Dis-moi pourquoi tu as voulu intégrer le gang, et dis-moi pourquoi tu as persévéré alors même que Bonnie t'avait reconnu ?

- Quoi ? Mais de quoi on parle ? je réponds en retenant un grognement de douleur alors que Teddy ne se gêne pas pour le broyer les poignets. Je ne connais pas Bonnie, elle se trompe.

Je ne comprends réellement pas ce qu'il est en train de se passer.

Celle-ci intervient alors :

- Il m'a fallu du temps pour saisir qui tu es, mais je n'oublie jamais un visage. Je suis tombé hier soir sur une ancienne photo des premiers pas du gang des Gorilles, et ça m'a frappé.

Je ne comprends toujours rien, je suis paumé au plus haut point. Il ne s'agit donc pas de Lorena qui aurait raconté que j'étais un infiltré, mais de Bonnie qui m'aurait reconnu sur une vieille photo. Tout cela n'a aucun sens.

- Vraiment boss, je ne comprends rien ! Je t'assure, et puis je crois que c'est clair que je suis trop jeune pour être sur cette photo, tentais-je d'argumenter, même si je ne sais pas vraiment ce que je dois justifier.

- Bien sûr que ce n'est pas toi sur la photo, réplique Bonnie, mais tu as exactement la même tête que lui !

- De qui est-ce que tu parles ? grognais-je toujours autant perdu.

Je m'énerve et commence à me débattre, mais je ne peux pas me libérer facilement, du moins sans blesser Teddy, ce qui n'arrangerait pas mon cas. Cette situation est totalement absurde. Un silence suit ma question, Gor se poste à quelques centimètres de mon visage avant de lâcher la bombe :

- De ton paternel, bien sûr. Tu aurais dû tout de suite dire que tu étais le fils de Michael Kong, le bras droit de mon père, à l'origine même du gang des Gorilles.


Sous couvertureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant