Après une courte nuit, je passe la matinée à terminer mon rapport, n'omettant aucun détail. Je décris précisément ce que j'ai fait à la demande de Gor, et ce que j'ai appris par Lorena de l'homme que j'ai abattu. Ainsi le FBI pourra trouver facilement le corps et l'identifier, ou filer l'info à la police locale. Je donne rendez-vous à mon coéquipier et me rends comme la dernière fois au parc. Je me balade régulièrement là-bas pour que ce trajet semble habituel si un membre du gang continue à me filer, ce dont je doute fort. Ou alors c'est quelqu'un de plus discret que les lourdauds des premiers jours. Je reviens sur mes pas après l'avoir vu récupérer l'enveloppe, me demandant si je dois espérer que ma hiérarchie passe sous silence ou m'absolve de mon crime, ou si au contraire il vaut mieux que je sois sanctionné, comme n'importe quel citoyen. De voir cet homme avec qui je passais quasiment toutes mes journées il y a encore quelques semaines me fait une drôle d'impression. Je me rends compte que ma véritable vie me manque, mes collègues, mes entraînements, mes enquêtes. D'être du bon côté de la loi me manque, même si je ne regrette pas un seul instant cette mission, car elle m'a permis de rencontrer la femme de ma vie. C'est fou de se dire ça, mais je sais que je ne connaîtrais jamais un autre amour aussi intense. Peut-être que nous ne finirons pas nos vies ensemble, d'ailleurs c'est même certain vu qu'à l'issue de mon infiltration nous serons séparés., mais ce qui est sûr, c'est que après Lorena, toutes les relations que je rencontrerai n'auront pas la même saveur qu'elle, ne me feront pas vibrer autant, ne me feront pas sentir aussi vivant. Je ressentirai peut-être encore de l'amour, mais jamais dans la même mesure.
Le reste de la matinée passe en un éclair avec mes sombres pensées, dérivant entre un avenir sans saveur et les conséquences de mes actes récents, et me voilà de nouveau dans le 4X4 noir avec Rick et Lorena, direction les boutiques haut de gamme de Sacramento. Comme je dois aussi faire des achats, Rick est ravi de pouvoir rester à faire le guet dans la voiture pendant que je fais mes emplettes avec la femme du boss. J'aime prendre soin de moi de manière générale mais je n'ai jamais apprécié faire les magasins : se faire interrompre sans cesse par un vendeur qui veut vous pousser à la consommation, devoir essayer des vêtements déjà essayés par d'autres, perdre du temps à faire plusieurs boutiques pour trouver ce que je cherche, tout cela m'ennuie. Mais depuis quelques semaines je trouve davantage de plaisir au shopping, puisque c'est notre moment en tête-à-tête avec Lorena. Cela vaut bien le coût de se farcir des sourires de complaisances et des tissus hors de prix. Aujourd'hui se déroule comme les précédents mercredis, Lorena évince les vendeurs avant de sélectionner des tenues et de se rendre en cabine où elle fait semblant de les essayer. En réalité, nous profitons de cette occasion pour laisser libre court à nos corps insatiables l'un de l'autre. Nous nous sautons littéralement dessus, embrassons chaque partie accessible de l'être aimé, découvrant et redécouvrant de nos mains baladeuses les courbes et les muscles du corps qui nous rendent fou d'envie.
Cependant bien trop vite nous devons nous résoudre à nous séparer, haletants et ivres de désir, avant de pouvoir poursuivre ces préliminaires bien trop plaisants, car le temps nous manque, comme toujours. Il me faut trouver des fringues de notable comme me l'a demandé le boss du gang.
Moins d'une heure plus tard, je me suis concocté une garde-robe digne d'un mania de la finance sous les conseils avisés de Lorena : costumes griffés, boutons de manchette, chaussures en croco, ceintures de grandes marques, quelques polos et pantalons de golf. J'ai la parfaite panoplie du gosse de riche, le tout pour pas moins de 20000 dollars.
« Tu penses que demain soir la descente de flics va être couronnée de succès ?, me demande soudainement Lorena, la mine inquiète, alors que je me rhabille de mon jean délavé et mon tee-shirt à manche longues.
- Oui, ne t'en fais pas, tentais-je de la rassurer, en posant ma main sur son bras, j'ai une bonne intuition.
- Et s'il devine que l'info vient de moi ?
Je comprends qu'elle parle de son mari. Je ne sais toujours pas quel genre de sévices il lui réserve, mais la crainte que je vois émaner d'elle me fait envisager le pire.
- Ils ne diront pas qu'ils ont eu une indication, cela arrive régulièrement que des trafiquants se fassent pincer par chance, ou suite à de la surveillance en interne des forces de l'ordre.
- Tu as sûrement raison, concède-t-elle, mais j'ai hâte que tout soit terminé. J'en ai assez de cette vie, et de cette angoisse permanente.
- Je te comprends, mais il faut encore te montrer patiente. Si je me précipite, tour risque de capoter.
- J'ai aussi très peur de la suite. Je veux en finir avec ce mariage toxique, mais je ne suis pas pressée de passer par la case prison.
- Ce n'est pas forcé, tu verras avec un bon avocat et mon témoignage sur ton aide tu t'en sortiras.
Elle me regarde alors, les yeux embués de larmes, avant de dire à demi-mot
- Tu ne comprends pas, je ne m'en sortirai pas, Gor s'est arrangé pour cela.
- Comment ça ?
Je vois son visage se fermer, elle n'est pas disposée à me répondre.
- Je t'en ai déjà trop dit, et il est tard, Rick va se demander pourquoi on met autant de temps.
- Non dis-moi, j'insiste.
Je la retiens mais elle se dégage de mon emprise et passe la porte. J'entends alors murmurer
- Il me tient, il a veillé très récemment à ce que je reste lié à lui, même dans le couloir de la mort.
Je reste interdit face à ce que j'ai entendu. La peine de mort est rarement prononcée, et encore moins appliquée. Je ne sais pas si Gor a réussi à la convaincre d'absurdités si jamais il était arrêté ou si elle a réellement commis des crimes passibles de la peine capitale.
Je n'insiste pas davantage pour l'instant, le moment est mal choisi, elle est déjà dans la rue, mais il faudra que je sache exactement de quoi il retourne avant de faire tomber toute l'organisation. Je prévois déjà plusieurs scénarios et imagine celui où effectivement elle risque la prison à vie ou même pire. En sortant de la boutique un plan commence à émerger dans mon esprit. Je prends le temps de bien observer les alentours, et je me dis que la chance me sourit. Cet endroit est parfait pour le moment opportun, lorsque les charges contre le gang seront suffisamment importantes, et si les inquiétudes de Lorena s'avèrent fondées. Je pourrai ainsi la préserver, mais il faudra que ce soit juste avant l'arrestation de Gor.
J'avance vers la voiture, Lorena à mon côté, l'air de rien, mes lunettes de soleil m'offrant davantage de discrétion pour scruter tout autour. D'une manière ou d'une autre, je sortirai cette femme que j'aime profondément de ce merdier, et mon plan devrait me permettre d'y parvenir, même si nous devons ensuite ne plus nous revoir.
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Sous couverture
RomanceJames est un jeune agent très prometteur du prestigieux FBI. Pour le bien d'une opération d'envergure, il doit infiltrer un gang très dangereux de San Francisco, aux mains d'un homme redoutable surnommé Gor. Alors qu'il doit faire sa place et trouve...