Répondre à Oscar

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Je prends le risque d'appeler mon supérieur, l'agent Chaw, pour gagner du temps car il m'en manque. Il me répond rapidement puis trouve une excuse pour raccrocher. Je comprends alors qu'il va me rappeler, selon le code que nous avions édicté ensemble, il doit sûrement avoir à disposition une ligne sécurisée. Tant mieux pour nous, même si le risque est minime, cela nous garantit la confidentialité de nos échanges.

Moins de deux minutes plus tard mon téléphone sonne, un numéro inconnu s'affiche, je décroche immédiatement.

" Je n'ai pas beaucoup de temps Fergusen, faites vites, me dit la voix rauque de Chaw en guise de préambule

- D'accord, merci de m'accorder de votre temps, débitais-je à toute allure. Je vais être bref, j'ai besoin de votre aide et surtout de votre pouvoir pour mettre sous protection une jeune femme du Missouri. Je vous expliquerai plus tard si vous le souhaitez, mais je vais donner les coordonnées de Rachel Rinela, une femme qui habite Branson, Missouri, à un violeur pour l'emmener sur une fausse piste. Je ne pense pas qu'il va s'y rendre de suite puisqu'il a une mission à accomplir pour les Gorilles incessamment sous peu. Et ensuite, si tout marche comme prévu, les derniers membres du gang seront en prison, et lui avec pour sa participation. Elle sera alors hors de danger.

- Ok, développez un peu plus.

Je sens que son ton est impatient, mais il doit voir l'importance de ma demande pour demander des précisions.

- J'aimerai que cette fille soit sous protection policière quelques jours, expliquais-je alors, au cas où Oscar Warren, le violeur, enverrait quelqu'un vérifier mon information ou même l'enlever.

J'ai choisi cette jeune femme pour diverses raisons. Premièrement, elle vit loin, porte le même prénom et son nom de famille est proche de la véritable Rachel. Bien évidemment il y a beaucoup d'autres possibilités, d'autres compatibilités proches, mais deuxièmement, elle vit dans une petite ville. Cela facilite le travail de protection policière. Dans les grandes cités le FBI fait moins figure d'autorité, la police locale pourrait prendre la demande de Chaw peu au sérieux et ne pas sécuriser suffisamment la personne. De plus les commissariats sont surbookés. Enfin, cette Rachel est une boxeuse réputée dans sa région, je me suis dit qu'au cas où elle se retrouverait en danger, elle saurait davantage se défendre qu'une autre, même si j'ose espérer que la situation où elle aurait besoin de faire usage de violence ne se présentera pas.

Je ne suis pas très fan de cette solution, qui consiste à donner la véritable adresse d'une femme qui pourrait être celle qu'Oscar cherche, j'ai l'impression de donner une cible à un tireur d'élite, mais je n'ai rien trouvé de mieux pour gagner du temps. J'espère seulement qu'Oscar n'enverra personne rapidement pour vérifier les coordonnées et lui envoyer une photo de la jeune femme, la kidnapper ou même que lui-même se déplace directement.

- Très bien, je vais appeler la police locale et inventer un bobard sur une menace quelconque, répond simplement mon supérieur

- Merci beaucoup, je vous tiens au courant de la suite.

- Bonne chance, Fergusen, je compte sur vous.

- Merci, monsieur."

Après avoir mis un terme à la conversation téléphonique, je regarde l'heure : 11h25. Je suis dans les temps pour envoyer l'adresse à cet enfoiré d'Oscar. Je rédige donc mon sms.

« Rachel Rinela, 208 Boren Street, Branson, Missouri. »

Je n'ajoute rien de plus, je sais pertinemment que je ne le ferai pas changer d'avis. J'hésite avant d'envoyer, mais finis par le faire. J'aimerai tellement voir Rachel, la vraie, ma meilleure amie. Déjà pour passer un moment agréable avec quelqu'un que j'adore, mais aussi pour m'assurer qu'elle va bien. Je sais bien qu'elle est adulte et indépendante mais je ne peux m'empêcher de me sentir responsable d'elle, et de m'inquiéter, comme un père, ou un frère !

La sonnerie d'une notification me sort de mes pensées. C'est une réponse d'Oscar : « T'as intérêt à pas essayer de m'enfler. Tu vas le sentir passer si c'est une info bidon. » Je verrouille mon smartphone, avant de me raviser et de le rallumer pour lui répondre. « Fous-lui la paix à cette pauvre fille, elle a assez souffert dans sa vie. J'ai rempli ma part, si tu me crois pas c'est ton problème. »

Je rentre chez moi déposer les photos que j'ai prise sur la clé USB planquée, puis je ressors pour aller faire des achats. Je prends la route de San Francisco, je ne veux pas risquer de me faire repérer à Sacramento vu ce que je cherche.

Je rentre à la nuit tombée, le trajet aller retour étant particulièrement long, malgré ma conduite sportive. Mais je suis satisfait, j'ai trouvé exactement ce que je cherchais, maintenant je prépare le tout minutieusement dans mon appartement minable pour l'opération de demain, que j'appelle pour moi-même "l'opération je baise le patron" ! Encore faut-il que j'ai le champs libre demain pour m'introduire de nouveau dans le bureau de Gor, afin de la mener à bien, cette opération. Mais je n'ai pas le choix, il faut faire vite. Je provoquerai moi-même ma chance si elle ne se présente pas d'elle-même.

Je me couche tôt mais ne parvient pas à trouver le sommeil. Je suis tourmenté par la sécurité de Rachel, mais aussi de la pauvre fille dont j'ai fait croire qu'elle était Rachel à un criminel cruel et impitoyable. Je pense aussi à Lorena, toujours captive de son odieux mari, qui doit abuser d'elle régulièrement, même si elle ne s'étend jamais sur le sujet, pour me préserver j'imagine. Pourtant je vois clair dans le jeu de ce chef de gang, et elle doit subir les assauts de ce tyran plus souvent que je le crains. Enfin je pense à ma mission, aux dommages collatéraux qui ont déjà été impactés ou qui vont l'être, à quel point aussi cette infiltration est en train de me changer en profondeur. Je ne sais pas si c'est une mauvaise chose, en réalité je deviens peut-être quelqu'un de plus mesuré, de moins intransigeant sur la loi et la justice. Même si je crois toujours foncièrement en la justice des hommes et de ce pays, je vois plus clairement les nuances qui peuvent exister entre le bien et le mal.

Je sais aussi que je suis capable d'aimer de manière romantique, d'être entièrement dévoué à une seule femme, en oubliant les relations éphémères, ce qui me paraissait inconcevable auparavant.

Oui, finalement, c'est un nouveau James qui émerge, et il me faudra sûrement un peu de temps pour l'accepter pleinement, mais je pense que c'est pour le mieux.


Sous couvertureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant