Retour au calme... ou pas

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Quelques minutes plus tard nous rejoignons mon vrai boss, qui m'attend de pied ferme.

" Alors Fergusen, ça y est, fin de la mission sous couverture ? Venez avec moi me raconter tous les détails, dit-il en joignant un geste circulaire du bras en direction de son bureau.

Je retiens à grande peine un soupir et jette un dernier regard à Ben, qui fait une mine du type "je sais que c'est chiant mais je ne peux rien pour toi" avant de suivre Chaw.

Je passe les quatre heures suivantes à revivre les derniers mois, j'essaye d'être le plus exhaustif possible, sauf concernant ma relation avec Lorena. Je ne lui cache pas que nous avons eu une liaison mais je ne m'étale pas sur le sujet. Je réponds à ces innombrables questions, et quand je ressors il fait nuit depuis longtemps, et je suis vidé, aussi bien physiquement qu'émotionnellement.

Je me repasse la fin de notre discussion tout en regagnant mon appartement.

Il a essayé de se montrer réconfortant avec moi, mais c'était plutôt bizarre en fait venant de mon patron

" Vous savez, Fergusen, on en a tous eu, des chagrins d'amour, a-t-il commencé avec une tape dans le dos, tandis que je m'apprêtais à quitter son bureau. Mais vous allez vous relever. Et puis vous avez de quoi vous réjouir, la mission est pleinement réussie, et cette femme est désormais en sûreté.

Je sais qu'il a raison, c'est ce que je me répète, mais cela ne change rien a ce que je ressens.

- Moi-même je ne connais rien de sa nouvelle vie, a-t-il continué, alors cessez de vous morfondre, vous ne pouvez pas et ne devez pas la rechercher. Ce qu'il vous faut c'est passer à autre chose, retrouver vos habitudes et vous mettre à fond sur nos nouvelles enquêtes, parce que pendant votre absence on a une tonne de boulot qui nous ai tombé dessus.

- Oui bien sur, vous avez raison, merci monsieur."

C'est sur cette phrase qui devait sonner très faux que s'est clos notre entretien. J'ai ensuite regagné ma voiture, la vraie, d'un pas morne et robotique. Les couloirs étaient déserts, Ben avait sans doute voulu m'attendre mais avait fini par rejoindre sa famille voyant que l'entretien s'éternisait. Et c'était tant mieux, j'avais envie d'être un peu seul. Seuls les collègues de nuit étaient rassemblés dans la salle de pause, j'entendais leur rire au loin. Je ne me souviens même pas de qui était à l'accueil tellement j'étais en mode automatique.

Je descend de ma voiture et la verrouille, puis je regarde mon immeuble. Au moins je vais retrouver le confort de mon appartement, et ça, ça va me faire du bien ! Alors que je sors de l'ascenseur à mon étage, je vois au loin une silhouette assise devant ma porte d'entrée. Et merde, quoi encore ? J'appuie sur l'interrupteur de l'éclairage avant de tirer des conclusions hâtives, et la silhouette se redresse d'un seul coup, tiré de son sommeil.

" Merde, Rachel, qu'est-ce que tu fous là, à pioncer sur mon paillasson ? m'étonnais-je en reconnaissant ma meilleure amie, les yeux encore embués d'endormissement. Ses longs cheveux bruns pendent de part et d'autre de son visage, qui trahit l'étonnement. Elle met quelques instants à rassembler ses esprits, sans doute pour se rappeler ce qu'effectivement elle fait à une heure avancée de la nuit devant chez moi.

- Putain, James, je t'attendais qu'est-ce que tu crois ? Benjamin m'a dit que tu rentrerai aujourd'hui, je suis venue aussitôt et j'ai fini par m'endormir. Qu'est-ce que j'ai mal au cul, il est pas confortable ton paillasson !

Sur ce, elle vient à ma rencontre et me sert dans ses bras, je l'entends à peine continuer tellement son visage est appuyé contre mon torse

- J'ai eu tellement peur, personne ne voulait rien me dire, je ne savais même pas si tu étais réellement vivant comme le disait ton collègue. D'ailleurs il n'est pas très commode, ajoute-t-elle songeuse en me relâchant légèrement. Au début je le trouvais sympa, mais au fil du temps plus vraiment. Il est du genre bipolaire, non ?

Sans attendre de réponse, je ne suis même pas sûr que c'était vraiment une question qui appelait une réponse, elle poursuit :

- Et puis vos règles sont super chiantes, comme si me révéler quelques détails allaient changer la face du monde, hein ? Ils auraient pu au moins me dire ce que tu faisais, ou alors ou tu étais pendant tout ce temps, mais non, toujours à me répondre "secret défense" ou "mission importante". Je t'en donnerai moi, des missions importantes !

J'essaye de prendre la parole mais c'est peine perdue, elle continue sa litanie pendant encore un moment, pestant contre ma hiérarchie, puis mes choix de carrière :

- Pourquoi avoir voulu faire cette mission si elle était aussi longue et dangereuse, hein ? D'ailleurs c'était vraiment risqué ? Oh et puis peu importe, il n'y a pas que ta carrière qui compte, tu peux avoir de l'avancement autrement qu'en partant je ne sais où pendant presque un an !

Lorsque son rythme de parole diminue enfin, j'en profite pour l'interrompre

- Stop, Rachel, il est tard, on est sur le perron depuis une plombe, j'aimerai rentrer chez moi.

- Ah oui, pardon, dit-elle en me suivant.

Une fois à l'intérieur, je me rends compte que je ne suis pas encore prêt de pouvoir dormir, car son visage devient rouge de colère. Ça va être l'heure des comptes, et je n'ai pas du tout l'énergie pour ça. Elle ouvre la bouche pour parler mais je la coupe immédiatement.

- Non, écoute-moi, dis-je d'une voie forte, je suis crevé, je t'avais prévenu que je partais quelques temps et que je ne pourrai pas te contacter. Je suis désolé que tu te sois inquiétée mais maintenant je suis rentré. Alors sois gentille, rentre chez toi et on se voit pour en parler ce week-end.

- Sérieusement ?

Son visage se décompose, elle semble au bord des larmes. Et comme toujours avec Rachel, je me sens responsable d'elle et je rétropédale.

- Oh, non, excuse moi, je ne voulais pas te faire de la peine mais je suis vraiment claqué. Il est minuit, ajoutais-je en lui désignant l'horloge.

Je l'effondre sur le canapé et elle vient s'asseoir près de moi.

- Allez, raconte, me dit-elle.

- Pitié, non, je viens de passer ma soirée à tout raconter à Chaw. Et puis de toute manière, je ne peux pas tout te dire.

- Même maintenant ? s'étonne-t-elle

Je repense à ce que m'a dit Ben, et même si en réalité je peux lui raconter pas mal de choses maintenant que l'enquête est bouclée, je vais également lui taire certains détails.

- Je te raconterai une autre fois, j'ai vraiment besoin de dormir. Reste, si tu veux.

Je regrette immédiatement ma phrase, j'ai dit ça comme un réflexe, Rachel a souvent l'habitude de dormir chez moi, parfois même avec moi, cela ne m'a jamais posé de souci. Sauf que maintenant si. Premièrement parce que je ne veux pas lui faire croire qu'elle peut obtenir autre chose que mon amitié, et deuxièmement parce que je ne pense pas que Lorena apprécie qu'une fille se retrouve dans mon lit. Pourtant je dois chasser cette idée, nous ne sommes plus ensemble, si tant est que nous l'ayons vraiment été. Elle a une nouvelle identité, une nouvelle vie, elle va sûrement trouver d'autres relations, et ne s'attend pas à ce que je devienne moine ! De toute façon avec Rachel, il est hors de question qu'il se passe quelque chose. Je ne peux pas l'envisager, pour moi elle est ma sœur. Aussi jolie soit-elle, je ne peux pas éprouver du désir pour elle. Malheureusement elle saisit ma proposition au vol avec un grand sourire, ne me laissant pas l'occasion de me corriger.

- Oui, oui, bien sûr, allons nous coucher, mais tu ne perds rien pour attendre ! Demain je veux tout savoir. Tu m'a trop manqué, ajoute-t-elle avec un sourire plein d'enthousiasme, je suis super contente de te voir, même si tu as la tête d'un mec qui s'est battu dans un bar. »

Elle fait ensuite volte face et prend son sac à dos. Tiens, elle avait prévue le coup, je n'avais pas encore remarqué son bagage. Elle en sort une trousse de toilette et un vieux pyjama râpé que je lui ai offert il y a plusieurs années, avant de rejoindre ma salle de bain.

J'en profite pour soupirer un bon coup, et me prendre une bière. Tiens, il va falloir que je fasse des courses, après des mois d'absence, sinon je vais devoir me nourrir exclusivement de bière ! Et puis comme elle me l'a fait remarqué, il va falloir que je soigne quelque peu mes dernières blessures, je ne dois plus avoir si belle gueule à cet instant !


Sous couvertureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant