Le coup de filet

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Je me réveille ce vendredi d'un sommeil agité. J'ai mal dormi, me demandant si l'opération de police d'hier soir a été couronnée de succès. Je me suis également inquiété de la réaction du gang si c'était le cas. Ni Ben, mon coéquipier, ni l'agent Chaw, mon supérieur, ne m'ont informé de quoi que ce soit. Je sais que c'est plus prudent ainsi, mais ça me rend fou d'attendre sans savoir. Vers 6h30 je me lève et allume le vieil écran cathodique qui me sert de téléviseur. Je passe rapidement les chaînes jusqu'à trouver celle que je cherche : les infos de l'État de Californie en continu. Il ne faut pas plus de deux minutes pour que la présentateur parle de ce qui m'intéresse :

« Un énorme coup de filet cette nuit dans le port de Fremont. La police a interpellé une dizaine d'individus lourdement armés qui déchargeaient un bateau rempli de près de 2 tonnes de cocaïne. C'est la plus grosse saisie de drogue de l'État de cette année. Aucun mort n'est a déplorer, mais un homme arrêté a été blessé lors d'échanges de coups de feu. Son pronostic vital n'est pas engagé. Pour l'heure, nous ne savons pas grand-chose des hommes interpellés, mais il semblerait qu'ils appartiendraient au gang des Gorilles qui sévit à Sacramento depuis plusieurs décennies. Si cette information est confirmée, ce serait la plus grosse arrestation de ses membres depuis sa création, nul doute que c'est un coup dur pour la mafia, et une grande réussite pour les forces de l'ordre. Nous retrouvons notre journaliste sur place, Victoria Sergey. Victoria, quelles sont les dernières infos à Fremont alors que la ville se réveille à peine ? »

Je continue à écouter la reporter mais rien de ce qu'elle dit n'est en mesure de m'alarmer. Elle ne fait pas référence au FBI, ni au fait que la descente a eu lieu en raison d'un tuyau anonyme. Il n'y a aucune raison que Gor nous soupçonne, Lorena ou moi. J'écoute encore quelques minutes, le journaliste parle également du corps d'un homme retrouvé dans les quartiers Nord de la ville, avec une enquête en cours. Aucun détail sur son identité n'est donné.

Je me prépare ensuite rapidement, et prends la direction du QG. Lorsque j'entre dans le hall, je sens la tension ambiante. Les hommes ont le visage fermé, certains démontent et nettoie leur arme, les autres sont à salle de sport, concentrés, enchaînant des exercices de plus en plus difficiles. Je croise rapidement le boss, qui déambule au rez-de-chaussée .

« Hey, boss, je tente de l'interpeller

- Pas maintenant, répond-il en poursuivant son chemin, sans même un regard.

- Attends, je viens de voir les infos, je tente de nouveau.

Il stoppe et consent à se retourner, ses longs cheveux volant autour de lui

- C'est vraiment pas le moment, belle gueule, Teddy est à l'hôpital, certainement menotté à son putain de lit, et plusieurs mecs ont été arrêtés. J'ai trop de merde à gérer pour les sortir de là et sauver les apparences pour parler avec toi. Alors sois gentil, prépare-toi à débarquer dans la minute si je te siffle, en attendant va emmerder quelqu'un d'autre.

Je ne réplique pas, le regardant reprendre sa route, répondant à son téléphone qui sonne

- Rien à battre qu'ils aient été pris sur le fait, je vous paie assez cher pour régler les problèmes juridiques... »

Je n'entends pas la suite de sa conversation, sans doute avec un avocat véreux. J'envoie un sms à Lorena pour savoir où elle est mais elle ne répond pas. Elle ne doit pas avoir son téléphone à portée de main. Je pars à sa recherche dans les étages, et croise Zoé, ses très longs cheveux emmêlés attachés sans soin en queue de cheval. Elle fait franchement pitié, même si ses yeux verts restent secs et déterminés, je vois bien qu'elle est au bout du rouleau. Sa tenue négligée, simple jogging et pull informe, et tout son être transpirent l'inquiétude extrême, et un soupçon de violence. Derrière sa carapace dure doit exister un cœur tendre qui bat pour son mec, même si j'ai du mal à y croire. Elle semble prête à faire un massacre pour récupérer Teddy. Je tente de l'aborder de manière douce pour ne pas la brusquer, au départ elle est sur la défensive, mais je parviens finalement à lui soutirer quelques informations. Avant de poursuivre mon chemin à la recherche de Lorena, je lui assure de tout mon soutien pour venger Teddy et les autres gars et participer à leur libération. Je reçois en retour un discret sourire, serait-ce un signe d'adoucissement à mon égard ? Peu importe pour l'instant, je repasse en mémoire ma conversation avec la femme de Teddy en continuant à arpenter le bâtiment. Les Gorilles ne pensent donc pas à une fuite interne, ils privilégient la thèse du coup de chance des flics. C'est exactement ce que j'espérais. Ils sont également en train de monter une mission punitive envers la police de Fremont. Zoé ne m'a pas donné de détail concernant le plan, c'est pour ça que je lui ai assuré de mon support. Il faut que j'en sache le maximum pour prévenir les collègues. Mon idée est simple : les laisser monter leur vendetta, connaître absolument tout sur celle-ci, et les regarder aller à leur fin en prévenant le FBI et la police locale, afin de faire un nouveau guet-apens qui leur sera fatal. Car je ne doute pas que la quasi-totalité du gang va prendre part à tout ça, pour venger ses frères, et ainsi les Gorilles se retrouveront tous sous les verrous.

Sous couvertureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant