Je suis en mode automatique durant toute la soirée. Je dîne, me douche, me rase et m'habille d'un pantalon noir et d'un tee-shirt gris, avec mon éternelle veste en cuir noir au-dessus. Je me repasse en boucle la conversation qui a eu lieu plus tôt. Comme ça mon père avait changé d'avis, et voulait prendre soin de moi. Cette pensée me réconforte quelque peu, et me rend triste en même temps, car je me demande à quoi aurait ressemblée mon enfance avec une maison, une famille. Peut-être ma mère aurait-elle arrêté de se droguer si mon père était revenu auprès d'elle pour l'aider à m'élever. Mes deux parents seraient encore en vie, me soutenant dans mes décisions. Mais serais-je devenu policier, puis agent du FBI ? Sans doute pas, et je n'aurai jamais fait cette mission, ni rencontrée Lorena. Cette dernière pensée me console de mon enfance et adolescence de misère. Certes ce fût difficile, c'est sûr que j'ai souffert et vu beaucoup de gens souffrir, mais cela m'a permis d'être où j'en suis aujourd'hui. Et je suis fier de ce que je suis devenu, un homme droit, qui porte assistance aux autres, qui a fait de la loi son moteur, de l'aide aux opprimés sa priorité, de la défense de la justice son leitmotiv, et qui vient de surcroît de rencontrer l'amour.
Il est déjà 23h quand je regarde ma montre, seul cadeau qui m'a été fait durant mon enfance. C'est une famille d'accueil dans laquelle j'ai été placé quelques mois qui me l'a offerte à Noël, alors que j'avais 10 ans. J'ai depuis changé le bracelet afin qu'il s'adapte à mon poignet d'adulte, grâce à ma première paie de flic. C'est un des seuls objets que je possède auquel je tiens, bien qu'il n'ait qu'une faible valeur.
Je me tire de mes réflexions et introspections qui me mènent à la mélancolie, et je me dépêche de quitter mon appartement, de rejoindre ma voiture, pour gagner les beaux quartiers de la ville. Je suis très en avance quand je passe devant la maison de Gor et Lorena. Je la reconnais immédiatement même si je ne suis jamais venu auparavant. Je ne m'arrête pas pour ne pas attirer l'attention des 2 gardes que je vois postés non loin de la haute grille, a demi camouflés par les piliers. Cette demeure est vraiment majestueuse, elle reflète l'image même d'un chef de cartel avide de pouvoir, qui se complet dans l'exubérance et l'étalage de fortune. Une façade immaculée, une taille imposante, un jardin parfaitement entretenu, des piliers en pierre taillée sur l'avant, soutenant une large terrasse au premier étage. Le portail est haut de près de quatre mètres, et je vois un système de sécurité assez performant : plusieurs caméras et des gardes armés. J'imagine aisément qu'il y en a d'autres sur l'arrière de la propriété.
Je me gare un peu plus loin, dans une rue perpendiculaire, à l'abri des regards qui pourraient venir de cette gigantesque villa., surtout que ma voiture fait clairement tâche dans ce coin de la ville. Je reviens sur mes pas à pied, stoppant à environ cent mètres de la grille pour continuer à évaluer la sécurité mise en place et les éventuelles failles. Force est de constater au bout de dix minutes que malgré un système bien pensé, il y a une manière de pénétrer les lieux sans se faire repérer, et donc également une manière de sortir. Sans étonnement, la faille est humaine. Les gardes sont tellement focalisés sur le portail, se préparant à une éventuelle attaque arrivant de la rue, qu'ils restent quasiment immobiles, le regard ne balayant qu'une partie des entrées possibles. Le mur d'enceinte, de trois mètres de hauteur environ, est donc globalement surveillé uniquement par des caméras fixées sur le sommet à intervalle régulier, permettant ensemble de couvrir tout le périmètre. Je suis caché des gardes par un arbre, ce qui me permet d'observer sans me faire voir. J'ai du mal à imaginer comment Lorena peut espérer sortir sans que la vidéosurveillance ou les hommes au portail ne la voit. Cela me paraît mission impossible, même si je pense pouvoir y parvenir sans trop de mal. Il me suffirait de me hisser sur le haut du mur en grimpant le long du lampadaire qui jouxte le pilier marquant l'angle du terrain, puis de sauter sur ce dernier, qui est dans l'angle mort de la caméra la plus proche. Aucune autre ne filme ce petit endroit, qui est le point faible du système. Je retournerai ensuite légèrement l'appareil pour changer son angle de vue et pouvoir sauter en toute discrétion à l'intérieur. Pour le reste, l'obscurité et la végétation seraient mes alliées pour atteindre l'enceinte de la demeure, dans le dos des gardiens qui ne se sont pas retournés une seule fois depuis que je les épie.
Bien sûr, Lorena pourrait emprunter le même chemin en sens inverse mais je ne vois pas d'ici si on peut se servir de quelque chose pour se hisser au sommet du pilier de l'intérieur, comme le lampadaire le permet de l'extérieur. De plus, il faudrait que la caméra soit détournée en amont pour qu'elle puisse grimper sans apparaître à l'écran de contrôle. Je pourrais escalader et orienter le champ de la caméra de manière à ce qu'elle puisse réussir, mais je ne sais pas si c'est son plan de passer par ici. Je ne vais pas risquer de me faire prendre si elle connaît une autre faille à l'opposé de là où je me trouve. Je suis de plus en plus inquiet, ma demande de la voir était inconsidérée et terriblement dangereuse pour elle. Je n'ai pas de moyen sûr de la contacter pour lui demander comment elle compte sortir, ou même mieux, lui conseiller de laisser tomber. Il y a tant de manières pour elle de se faire attraper si elle tente de sortir, et même si sa tentative est couronnée de succès, il faudra ensuite qu'elle arrive a réintégrer la maison discrètement. Je regrette de lui avoir demander de venir, j'espère finalement qu'elle a renoncé, même si je dois attendre toute la nuit pour m'assurer que rien de suspect ne se passe de mon point de vue partiel. Pourvu qu'elle se soit endormie, même si c'est dans le lit de son meurtrier de mari.
Il est 23h50 lorsque je repère des mouvements étranges dans le feuillage d'un arbre plus loin derrière le mur d'enceinte. Cette zone est parfaitement couverte par le champ d'une caméra, je prie pour que les branches remuent sous le poids d'un quelconque animal, chouette ou écureuil, car si c'est Lorena, elle va être repérée en un rien de temps. Mais à ma grande horreur je vois soudain une main s'agripper au mur, puis une deuxième, et enfin un visage s'extraire au-dessus des frondaisons, augmentant mon rythme cardiaque, amenant mon angoisse à son paroxysme.
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Sous couverture
RomanceJames est un jeune agent très prometteur du prestigieux FBI. Pour le bien d'une opération d'envergure, il doit infiltrer un gang très dangereux de San Francisco, aux mains d'un homme redoutable surnommé Gor. Alors qu'il doit faire sa place et trouve...