CHAP 16

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 Je passais la plus terrible de toutes mes nuits, sans pouvoir fermer l'oeil. Fati et ses frères m'avait ramassée sur le bord de la route, alors qu'ils rentraient chez eux. N'étant pas en état de parler, ils s'étaient abstenus de m'interroger, mais après concertation, ils avaient supposé qu'avec Gino nous nous étions disputés. Ce qui était logique, vu que j'avais quitté la caravane de Daven pour le rejoindre. Ils étaient pourtant très loin de la vérité, mais je ne pus me résoudre à leur dire car il aurait fallu que je me lance dans une longue explication et j'en étais tout bonnement incapable. Du coup, ils avaient jugé préférable de ne révéler à quiconque où je me trouvais, en attendant d'y voir plus clair. Seul mon père avait été prévenu. De mon portable, Fati lui avait envoyé un texto en ce faisant passer pour moi, afin qu'il ne s'inquiète pas.

La confrontation avec mon père de cœur m'avait meurtrie au plus profond de mon être, alors que celle avec Réanne, je n'y pensais déjà presque plus. Non, seuls subsistaient dans mon esprit le visage de Guito, son regard furieux, les paroles sorties de sa bouche. Ces images et ces sons me hantèrent à m'en rendre folle.

Cette nuit-là, je fus tour à tour désespérément terrifiée, attristée, révoltée et dans l'ignorance la plus totale quant à la tournure des événements à venir. Cette nuit là fut la plus longue de toute ma vie...

Rien, absolument rien, n'avait réussi à me sortir de cette torpeur dans laquelle je me trouvais engluée. Même la longue discussion avec Fati ne m'avait pas réconfortée. Et pourtant, elle s'était donnée bien du mal. A bout d'arguments, elle avait dû abandonner. Elle s'était endormie, épuisée, me laissant seule avec mes démons.

Cette nuit-là, je me la rappellerai indéfiniment.

Mon cerveau avait travaillé comme un forcené. Il m'avait ramené à mon enfance, à cette époque si simple et si heureuse, mais qui me paraissait tellement lointaine que je la revivais comme une étrangère.

Était-ce moi, la petite fille sur les genoux de ma mère ? Était-ce moi qu'elle embrassait avec tant d'amour dans les yeux ? Et cette main que tendait mon frère dans ma direction, était-elle réellement pour moi ?

Ces souvenirs, trop douloureux, que j'avais emprisonnés dans un coin de ma mémoire, ressurgirent brutalement et s'ajoutèrent au supplice «Guito».

Ce qui amena mon cerveau à la suggestion de mon Aigle concernant mon père de cœur, celle à laquelle je m'étais si farouchement opposée : ne plus le voir.

J'avais pesé le pour et le contre en commençant par le pour.

Que m'apportait-il de bon ?

J'avais réfléchi longuement en analysant tous nos têtes à têtes, nos conversations, mes crises qu'il avait su gérer, les questions qu'il m'avait posées, son intérêt pour ma personne, jamais déplacé, ses bras qu'il m'avait ouverts et dans lesquels je pouvais m'abriter en toute confiance, la place qu'il m'avait offerte dans son foyer, dans sa vie et dans son cœur.

Bref, tout ce temps et toute cette énergie dépensés sans compter pour moi et moi seule...

Quand vint le moment de peser le contre, je n'avais rien trouvé, sauf qu'il restait une menace pour mon secret...

Guito restait et resterait ce grand homme, celui en qui, mais en d'autres circonstances, j'aurais pu me confier. Celui à qui j'aurais pu absolument tout dire.

Je n'avais pas tenu compte, dans ma remise en question, de ce qui venait de se passer avec lui car j'en étais la seule responsable. Sa réaction était logique. J'aurais dû écouter Raoul, et agir plus tôt. Quelle imbécile je faisais ! Je méritais amplement ce qui m'arrivait...

Cette nuit-là, tout aussi longuement, j'avais pensé à Gino. Comment allait-il réagir lorsqu'il apprendrait ce que j'avais osé faire ? Parce que je ne doutais pas que Réanne tournerait l'histoire à son avantage. Et quand Guito lui expliquerait, comme je lui avais demandé de le faire, que s'était fini entre nous, que penserait-il de moi ?

A ce stade de mon introspection, je n'en avais aucune idée. Je ne savais pas comment s'était finie la soirée chez les Dhoms, ni de quoi serait fait le lendemain...

Mais ce fut surtout cette nuit-là que je compris que j'avais fait le bon choix. Raoul avait raison !

Parcourir ma vie, me fit prendre conscience que trop de gens avaient déjà beaucoup souffert par ma faute et la seule façon d'y remédier était de partir. Quand, comment, où, je n'en savais rien, mais je n'avais pas d'autres choix.

Cette nuit-là, je pleurais toutes les larmes de mon corps, jusqu'au petit matin.

Parce que le simple fait de concevoir l'inconcevable m'était insupportable...

Parce que j'avais l'impression d'aller enfin dans le bon sens...

Parce que pour la première fois, je pris réellement conscience que suivre la voie du cœur avait été une incommensurable erreur, et que seule la voie de la raison pourrait me protéger et protéger ceux que j'aimais de ce que j'étais : un être de malheur...


LES AILES DE MA VIE 2  Au travers de l'autreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant