CHAP 31

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Gino n'était pas couché. Il m'attendait derrière le garage, assis sur un rondin de bois. Il écoutait son MP3. Lorsqu'il me vit, il se leva et me prit la main. Il m'emmena dans la caravane sans un mot où nous fîmes l'amour. Puis il s'endormit, blotti contre moi.

Je ne dormis pas le reste de la nuit préférant l'observer. La peur de le perdre était soudain devenue trop réelle. Il était beau, sans aucun défaut. A la réflexion, des défauts, il en avait. Et même des tas, mais j'étais bien trop amoureuse de lui pour les voir. Je repensai à Daven quand il nous avait expliqué et très sérieusement :

— Des défauts, j'en ai pas. J'ai seulement des qualités pas toujours très bien employées !

Finalement, Gino était comme son cousin : parfait.

Ma contemplation fut interrompue par des bruits de pas, accompagnés de chuchotis. Tendant l'oreille, j'entendis très distinctement une voix d'homme qui murmurait :

— Encerclez toutes les caravanes et préparez-vous à agir ! Attendez mon signal !

La police ! Aucun doute là-dessus.

Prise de panique, je secouai Gino :

— Gino, réveille-toi, y'a les Nuggets ! Vite, habille-toi, lui dis-je de ma voix la plus basse possible.

J'attrapai son pantalon de survêtement et sans prendre le temps de viser, le lui balançai en pleine tête. Dans l'élan, je m'habillai rapidement, enfilant mon pantalon. Ne trouvant pas le reste de mes affaires, je dus me résigner à enfiler le marcel de Gino. Ce n'était pas l'idéal, mais faute de mieux...

— Gino, insistai-je, lève-toi !

— Quoi, qu'est-ce qui te prends de t'agiter comme ça ?

— Chut, parle moins fort, c'est plein de flics dehors, habille-toi !

Plus rapide que le train express, il revêtit son pantalon et à peine eut-il le temps de se mettre debout qu'un bruit de tambour retentit sur la porte, emplissant la caravane et la faisant trembler.

— POLICE ! OUVREZ LA PORTE, SINON NOUS SERONS DANS L'OBLIGATION DE LA FORCER !

Gino fonça pour débloquer le verrou mais il n'eut pas le temps d'ouvrir la porte. Des hommes, avec casques et uniformes furent plus rapides que lui. Alors qu'il reculait pour éviter d'être bousculé par cette intrusion massive, ils l'attrapèrent et l'expulsèrent au dehors sans aucun ménagement.

— GINO ! hurlai-je de terreur.

Un homme casqué me répondit, menaçant.

— FERME-LA TOI, ET VIENS PAR LA !

Il me jeta dehors et je roulai par terre jusqu'aux bottes d'un autre uniforme.

Gino hurlait qu'on ne me touche pas et mit un coup de poing dans le casque d'un policier, lui faisant sauter la visière. Il ne fallut pas moins de trois uniformes pour réussir à le maîtriser. Ils le plaquèrent contre la caravane, mains derrière le dos et lui passèrent les menottes.

Cette vision me pétrifia d'effroi. Mais la colère remplaça la peur et lorsque je me relevai, je fus secouée de tremblements. L'Aigle surgit avec une telle volonté, une telle force, qu'il me stoppa dans mon élan. Je le sentis analyser la situation, et il ne se trompa point en repérant ceux qui m'avaient agressée ou plus précisément, qui nous avaient agressés...

La respiration saccadée, il me fit avancer avec détermination vers ceux qui étaient devenus les ennemis ainsi identifiés, et attraper le premier des trois uniformes qui se trouvait entre moi et Gino pour le propulser sur le côté. Il tomba lourdement, face contre terre. Les deux autres eurent droit au même traitement.

Ce fut à ce moment là que je sentis une symbiose entre l'animal et moi. Nos pensées s'unirent ; notre but devint le même ; sa force se propagea dans tous mes membres et ma volonté farouche de protéger Gino, devint la sienne. Je me plaçai donc devant ce dernier, défiant quiconque d'oser l'approcher et prête pour parer toutes tentatives de me déloger. Ni les supplications de Kimy, ni celles de Nellita ne parvinrent à me calmer.

— Lili, fais pas n'importe quoi, me supplia Gino, laisse-les faire, tu vas t'attirer des ennuis. On n'a pas besoin de ça !

Je ne bougeai pas d'un pouce et lui dis d'une voix étrangement calme :

— Ils t'emmèneront pas. Tu n'es pas responsable de ce qu'ils t'accusent !

— En quoi est-il innocent, jeune fille ? me demanda mielleusement un homme en costume, très certainement un inspecteur.

— Ferme-là, Lili, me conjura Gino, tu vas tout empirer...

— Il n'est pas un meurtrier ! lui répondis-je avec froideur.

Des uniformes se rapprochèrent dangereusement, nous encerclant presque complètement. Je ne paniquai pas pour autant et reculai jusqu'à toucher Gino, qui maintenant ne me suppliait plus, mais m'ordonnait de m'éloigner de lui. Je ne bougeai pourtant pas.

Puis, Guito apparut et se mit entre nous et les uniformes, les mains en l'air.

— C'est bon, laissez-moi faire, leur dit-il. Je vous demande cinq minutes, s'il vous plaît !

— Accordé ! lui lança l'inspecteur.

Guito se tourna vers moi et me leva le bas du visage jusqu'à ce que nos yeux se croisent. Il planta alors son regard autoritaire dans le mien.

— Lili, il faut que tu arrêtes ça tout de suite !

— NE ME TOUCHE PAS ! éructai-je glaciale.

Guito, surpris, enleva prestement sa main et recula d'un pas.

— Si tu restes sur leur chemin, ils t'emmèneront aussi ! C'est ce que tu veux ?

— Avant que ça n'arrive, j'en aurai cassé plus d'un !

Guito me supplia des yeux et si cela me toucha, il n'en fut pas de même pour l'Aigle qui resta insensible aux manœuvres de mon père de cœur alors même qu'il tentait de me faire retrouver la raison. Il appela soudain Falco qui se faufila entre les uniformes et se plaça près de moi.

— Bien, maintenant Lili, tu vas m'écouter. Falco va prendre ta place et se mettre devant Gino, ok ?

Mais je ne bougeai pas.

— C'est lui qui va le protéger, d'accord ? Ton père a besoin de toi en ce moment. Ne fais pas de bêtises. Viens avec moi...

Mon cerveau réfléchissait à toute allure. Je voulais le croire, je voulais lui faire confiance, je voulais me reposer sur lui, comme à chaque fois que j'en avais eu besoin, mais l'Aigle était intransigeant. Il n'avait confiance en personne et me maintenait dans la même position, mon dos plaqué au ventre de Gino.

Guito retenta une approche en me tendant sa main.

— Viens, laisse-nous faire.

Mon subconscient capta ses paroles, sa voix et son odeur qui m'avaient tant manquées, et tel un flash, je me revis dans ses bras, lors de mes violentes crises et me remémorai toutes ces fois où nous avions discuté. Ce fut l'électrochoc qui nous sépara l'Aigle et moi, brusquement il repartit dans les tréfonds de mon être, me laissant sans réactions, sans force et complètement épuisée. Je fis un pas vers mon père de cœur en tendant ma main vers la sienne, mais il ne la prit pas. Au lieu de cela, il s'adressa à son neveu :

— Excuse-moi, Gino. Ce que je vais faire ne va pas te plaire.

A ce moment là, Falco, de toutes ses forces, m'attrapa les bras et les maintint fermement dans mon dos pendant que son père m'assénait le coup de grâce, une droite phénoménale !

Je tombai à genoux, le noir remplaçant petit à petit les lumières bleues des gyrophares et je m'écroulai sur le sol, inconsciente.



LES AILES DE MA VIE 2  Au travers de l'autreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant