CHAP 14

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La dernière veillée fut bizarrement plus gaie que les précédentes. Le plus dur était passé, faisant retomber la tension. Tout le monde profitait de cette ultime soirée, prenant des nouvelles des uns et des autres, chahutant pour tout et rien.

La nourriture, installée simplement sur des tables, était à volonté, il n'y avait qu'à se servir. Nellita et Zéline étant très éprouvées par les épreuves qu'elles avaient supportées, ce furent les sœurs de Gino et d'autres femmes qui prirent le relais et préparèrent tout. La maison revivait enfin.

Après nous être rassasiés plus que de raison, notre petit groupe, composé de Daven, Kimy, Fati, ses deux frères, Lindo et moi-même, s'était réfugié dans la caravane de Daven, entre jeunes.

Les couchettes furent transformées en tables. Les garçons s'installèrent dans le «coin Daven» et nous fîmes de même, dans le «coin anciennement Falco», qui était resté à l'intérieur de la maison. Quand à Gino, il s'était rendu au camping de Mesmina pour rendre visite à quelques membres de sa famille avec lesquels il n'avait pas eu le temps de discuter. Etant toujours fatiguée, j'avais refusé de le suivre bien qu'il ait insisté. Par précaution, il m'avait laissé sous la surveillance de Lindo. Il y avait deux raisons à cela. Une s'appelait Réanne et l'autre Amin. Pour la première, j'avais interdiction de l'approcher car il la sentait capable de tout pour nous faire payer ce que nous lui faisions endurer. Quand au deuxième, il n'avait pas apprécié son rapprochement avec moi durant les obsèques. Il y voyait une provocation volontaire et il voulait parer à toutes récidives de sa part. Je n'avais même pas eu la force de protester d'être ainsi surveillée par une tierce personne, les arguments m'avaient manqué et j'avais accepté Lindo en guise de nounou. Gino ne m'avait-il pas assuré qu'il ne s'attarderait pas et qu'il reviendrait vite ? Je pouvais bien lui faire ce plaisir si cela pouvait le rassurer...

Les conversations allaient bon train. Chacun mettant son grain de sel, sans pour autant écouter l'autre. Même si je supportais encore le bruit assez difficilement, l'heure était à la détente. L'ambiance bon enfant qui régnait, me fit un peu oublier l'absence de Gino. La tête appuyée contre la paroi de la caravane, je les écoutai parler, rire et chahuter en glissant doucement dans une sorte de torpeur très agréable qui me laissait comme engourdie. Je me serais sûrement endormie si la sonnerie de mon portable ne m'avait pas fait sursauter. Un texto de Gino m'avertissait qu'il arrivait et que je devais le retrouver derrière le garage. Quelle drôle d'idée, sa caravane aurait été plus appropriée à mon état. Je le lui suggérai en réponse, et attendis la sienne qui ne vint pas. Je pestai mais me levai en annonçant à Kimy et Fati, que je rejoignais Gino. J'avais parlé fort pour que Lindo entende et j'ajoutai à son attention que sa corvée de «Lili-sitting» était finie, il me fit un signe de tête pour approuver accompagné d'un grand sourire.

— Ma p'tite sœur est une corvée à garder, pas toi, me dit-il en clignant de l'œil.

— La prochaine fois je te ferai la misère, promis ! lançai-je en lui tirant la langue.

— Tu seras pas pire que ma sœur, insista-t-il.

Gino n'était pas encore arrivé. Je m'installai sur un des rondins de bois collé au mur du garage et étirai mes jambes tout en baillant lorsqu'une odeur féminine vint me chatouiller le nez. C'était une odeur que je n'avais pas souvent respirée, pourtant je la reconnus sans mal et me mis sur mes gardes en me redressant. L'Aigle, subitement inquiet, fit de même. Je le sentis qui se mettait aux aguets prêt à me défendre si besoin était.

Ce n'est rien, lui dis-je mentalement. Je peux gérer, je n'ai pas besoin de toi !

Mais il ne se retira pas dans le tréfonds de mon être comme je le souhaitai. Il resta en place, tel un chien de garde.

Réanne se planta devant moi, l'air plus mauvais que jamais. Elle attaqua sans perdre de temps :

— Je suis venue reprendre ce qui m'appartient. Gino, et aussi la bague que tu as au doigt !

Cela avait l'avantage de ne pas passer par quatre chemins, elle savait où elle allait. Il ne me restait plus qu'à faire en sorte qu'elle n'arrive pas à destination, en limitant la casse, de préférence...

— Et comment tu comptes t'y prendre ? lui répondis-je en la narguant.

— Oh, mais moi je ne vais rien faire. Tu vas prendre ton téléphone pour lui dire que c'est fini entre vous deux et tu vas me rendre la bague !

— Et bien, vu qu'il ne va pas tarder, on va l'attendre et puis lui demander ce qu'il pense de tout ça...

— Ma pauvre... dit-elle comme si elle s'apitoyait sur mon sort. Il ne viendra pas, le texto n'était pas de lui, mais de moi. Enfin, plus exactement de mon initiative.

— Comment tu as fait pour lui prendre son portable ?

— Je ne lui ai pas pris, mais peu importe, on s'en fout. Appelle-le et donne moi la bague !

Elle ne plaisantait pas. Je compris qu'elle n'abandonnerait pas et qu'elle irait jusqu'au bout de sa démarche. Seule solution pour éviter l'altercation que je sentais poindre : partir. Ce que je fis sans même prendre la peine de lui expliquer. Je me levai et lui tournai le dos.

J'eu le temps de faire deux pas, ou peut-être même trois, avant de butter dans son pied et de me retrouver face contre terre. Sans ménagement, elle enfonça ses genoux dans mon dos pour me bloquer et attrapa mon bras gauche qu'elle retourna pour l'amener derrière moi, ce qui m'arracha un cri de douleur.

— Je comprends pourquoi Gino avait si peur que je te tombe dessus. Il savait que tu ne ferais pas le poids contre moi !

Tout en parlant, elle avait ouvert ma main pour récupérer la bague. En sentant ses doigts le long du mien, je refermai vivement la main et serrai mon poing de toutes mes forces. Un seul étirement de mon bras en arrière me fit à nouveau crier et rouvrir la main.

— Tu me la donneras cette bague, que tu le veuilles ou non. Elle est à moi !

La colère survint brutalement et dans un cri de rage, j'arrachai mon bras de ses mains. Profitant de l'effet de surprise, je me tournai pour me trouver sur le dos face à elle et rabattant mes jambes au niveau de la poitrine je les propulsai et lui balançai mes pieds en plein dans son ventre. J'y mis plus de force que je ne l'avais voulu car elle fut soulevée et s'écrasa sur le sol un peu plus loin. Je me relevai, remis de l'ordre dans mes cheveux et mes vêtements alors qu'elle essayait de récupérer son souffle.

— Juste une dernière petite chose, tu n'as rien compris. Il n'a jamais eu peur de ce que TOI tu pouvais me faire mais plutôt de ce que MOI je pouvais te faire, rectifiai-je en la fixant de toute ma hauteur. Et inutile de te dire que je garde TOUT, Gino ET la bague !!!

Et je partis en direction de la caravane de Daven car je savais qu'elle ne s'y aventurerait pas. Je n'avais pas atteint la fin du garage que je sentis une puissance se propager dans tout mon être et s'approprier mon corps. Cette force que je ne contrôlais pas, me força à faire demi-tour et leva mes bras à mi-hauteur pour parer une attaque de Réanne.

Accomplissant son devoir de protection que son instinct animal lui dictait, l'Aigle avait pris possession de mon cerveau, de mon corps et il s'en donnait à cœur joie. Il me dirigeait entièrement. Je voyais, j'entendais, je sentais, pourtant ce n'était plus moi qui décidais.

Alors, je lui avais hurlé d'arrêter :

— NON ! REPARS D'OU TU VIENS. JE N'AI PAS BESOIN DE TOI !!!

Mais il ne m'écouta pas et je pris peur car je sentais sa fureur s'acharner sur sa victime.

— Arrête, le suppliais-je. Laisse-moi régler ça...

Sourd à mes supplications, la bagarre qui suivit devint alors sauvage. Les coups, violents, s'intensifièrent et les cris qui sortaient de ma gorge n'avaient plus rien d'humain. En désespoir de cause je lui ordonnai en l'implorant une dernière fois :

— LAISSE-MOI TRANQUILLE, VA T'EN ET NE REVIENS PAS !!!

Ce fut à ce moment que la grosse voix tonitruante de Guito retentit dans la nuit.

LACHE LA TOUT DE SUITE LILI ! m'ordonna-t-il furieux.



LES AILES DE MA VIE 2  Au travers de l'autreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant