Juste avant d'entrer dans Abraysie, mon père de cœur m'interrogea sur le motif de notre venue. Le ton dur qu'il employa me pétrifia malgré moi. J'essayai de lui répondre de la même façon avec l'excuse que j'avais préparée :
— Mon père veut des outils pour quand il va rentrer à la maison. C'est pour s'occuper le temps qu'il reprenne le travail.
J'aurais pu trouver mieux comme prétexte. Mais la vérité était qu'il m'importait peu qu'il y crût ou non. Ce qui comptait vraiment était d'avoir réussi à le faire venir à Abraysie.
Lorsqu'il se gara devant la maison, un mauvais pressentiment me cisailla le bas du ventre. Je connaissais cette sensation pour l'avoir déjà rencontrée à trois reprises, la dernière remontant à moins de vingt-quatre heures !
Il n'y avait pas de doute, c'était la mort que je ressentais au plus profond de moi...
Contrôlant au maximum la peur panique qui s'infiltrait par tous les pores de ma peau, je m'extirpai de la voiture, Jump sur mes talons, et fonçai en direction du jardin du voisin que je traversai à pleine vitesse. La voie de chemin de fer et le camping furent presque survolés. Je ne sentis pas l'impact du sol sous mes pieds, tout comme la présence de mon chien qui devait se trouver loin derrière moi, et je dus ralentir la cadence pour éviter de me transformer.
Arrivée dans le terrain, celui où avait lieu tous nos tête à tête, je ne vis pas Raoul mais l'odeur de la mort imprégnait l'air partout. Sur chaque arbre, chaque feuille que je respirais, je pouvais la sentir. Mais il n'y avait pas que l'odeur de la mort, dans l'air flottait aussi celle très distincte du sang de ceux de mon espèce, mélangée à celle d'un Sanguinaire...
Un combat, de toute évidence violent, s'était produit ici car vers le fond du terrain, je vis que des branches d'arbres avaient été cassées. Elles jonchaient le sol et offraient un spectacle de désolation. Le cœur affolé, la respiration saccadée, les larmes aux yeux, je courus vers l'endroit sinistré, sachant d'avance ce que j'y trouverais, car guidée par l'odeur du sang de plus en plus forte, je ne me faisais plus d'illusion.
Des plumes éparpillées un peu partout me firent comprendre que j'étais proche de lui. Hurlant son nom, je courus jusqu'à ce que je l'aperçoive enfin. Je m'arrêtai brutalement devant son corps inerte.
A bout de souffle, je le regardai, longuement, puis réalisant l'horreur de ce que je voyais, j'hurlai mon désespoir. La rage dans le cœur, je m'accroupis près de lui, pleurant toutes les larmes de mon corps.
Il était couché sur le ventre, les yeux fermés, le bec entrouvert, les ailes à moitié déployées...
Je le caressai, puis le soulevai pour l'installer un peu plus loin, là ou le sol était moins encombré de branches. Ce faisant, mes doigts s'enfoncèrent dans un creux, au niveau de son poitrail, sec sur les contours et humide au fond. Je savais ce que cela voulait dire, mais le choc fut violent, quand le retournant, je vis le trou béant, dans sa cage thoracique.
Jump, que je n'avais jamais vu aussi agité, hurla à la mort. Un cri déchirant, lancinant, qui me frappa en pleine poitrine. Était-ce sa façon à lui de lui dire au revoir ?
Mes mains, tremblantes, annoncèrent l'arrivée d'une crise. Je ne cherchai pas à me contrôler pour l'éviter. Je n'essayai même pas car je n'avais plus aucune volonté en moi. J'étais vide de tous sentiments, vide de toutes pensées, vide de tout...
Laissant mes mains pleines du sang de mon Aigle sur son corps qui était déjà raide par endroit, je m'allongeai près de lui, espérant que le noir m'emporte vite et me fasse oublier la terrible réalité dans laquelle je me trouvais.
Mon corps commençait à se durcir, comme celui de mon Aigle. Je ne ressentais rien, aucune douleur, aucune émotion. Je ne pleurais plus.
Je fermai les yeux pour mieux me sentir partir. Je ne voulais pas revenir dans ce monde cruel, non. Je voulais rejoindre mon Aigle dans sa nouvelle vie, emprunter le même chemin que lui et quand je l'aurai retrouvé, voler à ses côtés, jouir de l'ivresse que me procurait le ciel, chasser avec lui...
Nous serions un roi et une princesse dans un monde imaginaire, certes, mais ce serait notre monde à nous...
Un monde sans cruauté...
Un monde à part...
Un monde parfait...
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LES AILES DE MA VIE 2 Au travers de l'autre
ParanormalLES AILES DE MA VIE Tome 1 : L'initiation https://www.wattpad.com/myworks/46780310-les-ailes-de-ma-vie-l%27initiation Tome 2 : Au travers de l'autre Lili a fini son initiation. Elle peut enfin apprécier la vie comme n'importe quelle autre jeune f...