CHAP 41

913 116 3
                                    

Cette voix, je la reconnus, mais sans y croire. Il était impossible que ce fût celle de Guito ! Pourtant, quand je l'entendis encore, je n'eus plus aucun doute. C'était bien lui...

Affolée, j'ordonnai à l'Aigle de se retirer et je repris les commandes de son corps blessé et éreinté par le combat. Je me dirigeai péniblement vers la baie vitrée, laissant sans aucun remord mon ennemi, lorsque mon regard fût attiré par des photos empilées sur un petit meuble du salon. D'un coup de bec ensanglanté, je les éparpillai et les regardai. Je figurais sur plusieurs d'entres elles, prises dans les différents endroits que je fréquentais. Une, plus particulièrement, attira mon attention car dessus, je n'étais pas seule. Gino me tenait dans ses bras, à la sortie du collège et nous étions souriants, heureux de vivre. Nous ne nous doutions pas encore que de terribles événements s'approchaient, inexorablement...

La porte s'ouvrit à la volée, et Guito fit irruption dans la pièce. Lorsqu'il me vit, j'eus l'impression que le temps s'arrêtait subitement. Et alors que nous nous dévisagions, s'inscrivit sur son visage emprunt de gravité, une certitude immuable. C'était comme si, finalement, tout avait un sens.

Ses yeux firent le tour de la pièce et revinrent se poser sur moi, impassibles et indéchiffrables. Je ne soutins pas son regard. Je me détournai de lui, et maladroitement, je sautai sur la rambarde du balcon. Je vérifiai qu'en bas les jeunes ne regardaient pas dans ma direction, constatant qu'il n'y avait plus personne, je pris mon envol vers le toit de l'immeuble d'en face.

Je me posai près de mon sac, pour reprendre mon souffle quelques instants et en profitai pour faire un rapide bilan de mon état. Le constat était grave ! J'étais sérieusement blessée à plusieurs endroits. Même si je ne pouvais les voir clairement, car ma vue se brouillait de plus en plus, je souffrais des deux profondes entailles faites par le couteau du Sanguinaire. Mes pensées se brouillaient elles aussi et si je ne prenais pas une décision rapidement, bientôt je ne pourrais plus bouger.

Je me concentrai pour réunir le peu de forces qu'il me restait afin de reprendre forme humaine. La transformation fût douloureuse alors que jamais je n'en avais souffert en quittant mon corps d'Aigle. Les blessures et l'épuisement en étaient sûrement la cause.

Quand elle fut finie, j'étais toujours allongée, sur le ventre. Je regardai ma main, bougeai les doigts et fut prise d'un énorme soulagement.

Je pris mon survêtement dans mon sac et le revêtis avec grande difficulté. N'ayant plus aucune force, je m'écroulai en me recroquevillant afin de soulager ma souffrance...

Le sang imprégnait mes habits, je les sentais se coller sur ma peau. C'était fini. Mon combat était arrivé à son terme. Guito trouverait les preuves suffisantes qui disculperaient Gino, qui retrouverait sa liberté chérie ; il pourrait reprendre sa vie, mais sans moi, parce que j'allais mourir sur ce toit. Des larmes roulèrent sur mes joues quand je réalisai que je ne les reverrai pas, ni aucun des autres. Mais à l'instar du Sanguinaire que je venais de tuer, j'étais sereine au fond de moi. Guito et les siens prendraient soin des deux hommes de ma vie et de Jump, je n'avais pas à m'en faire pour eux. Je pouvais rejoindre Raoul, je serai bien auprès de lui...

Des claques, des secousses me firent ouvrir les yeux.

— Aller Lili, me fait pas ça. Réagis putain !!!

— Guito ? dis-je d'une petite voix.

— Oui, c'est moi. Ne parle pas. On va te ramener à la maison avec Falco, d'accord ?

— Les preuves pour Gino...

Je ne pus finir ma phrase, je n'en avais pas la force.

— J'ai pris tout ce que j'ai pu, me répondit-il rassurant. Je pense que ça ira. Tais-toi, maintenant !

LES AILES DE MA VIE 2  Au travers de l'autreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant