CHAP 26

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De retour à Mesmina, j'orientai l'Aigle vers le terrain des Dhoms. Je voulais vérifier que tout était calme. Atterrissant le plus silencieusement possible, nous restâmes à couvert dans le bois jouxtant le garage. Proches de l'endroit où nous étions encore tous réunis, quelques heures auparavant, je vis Gino, seul, assis sur un rondin de bois, buvant une bière et fumant une cigarette. Son visage, que je pouvais nettement voir aux travers des yeux de l'Aigle, était fermé. Il souffrait. Et j'étais la cause de cette souffrance.

Foutu Sanguinaire ! Pensai-je. Sans toi, nous serions endormis et à mille lieux des soucis que tu nous imposes. Je te maudis pour ça !

Gino cracha sur le sol. Il était préoccupé. Certainement qu'il devait ressasser cette maudite soirée qui avait pourtant si bien commencée.

J'inspectai les environs. Tout était calme. Pas d'odeur de Sanguinaire dans les parages.

De la caravane de Daven filtrait un rai de lumière. En tendant l'oreille, je perçus des voix et des rires étouffés. Visiblement, ces deux là ne s'ennuyaient pas et terminaient leur soirée en beauté. Je soupirai de les entendre, si heureux et insouciants, et refoulai une pointe de jalousie qui bien malgré moi, se manifesta. Je détournai mon regard, préférant reporter mon attention sur Gino qui lui aussi écoutait les deux tourtereaux.

Agacé, il se leva et jeta de toutes ses forces la bouteille qu'il venait de finir, droit vers nous. S'il n'y avait pas eu cet arbre derrière nous et si, en voulant le contourner, l'Aigle ne s'était pas emmêlé les pattes, il aurait eu le temps de l'esquiver. Mais cette soirée n'était définitivement pas la mienne et lorsqu'il s'écroula sur le sol, il reçut le projectile en plein sur le crâne et lâcha un cri éraillé sous l'effet du coup. Le temps de reprendre nos esprits, je vis Gino, qui intrigué par le bruit, approchait dangereusement de nous. Ce fut dans un désordre le plus total, mais surtout, très bruyamment, que je repris les commandes pour nous envoler précipitamment.

...

Remis de nos émotions, je pris la direction de Rosalen, à la recherche du Sanguinaire. Raoul m'avait dit de ne pas perdre de temps et d'agir vite. Je profitai d'en avoir et me dirigeai vers le seul début de piste sérieux que j'avais : le parking de la fête foraine. Mais plus j'approchai et plus l'air m'oppressait. Il se passait quelque chose mais je n'arrivais pas à déterminer ce que c'était.

Je n'eus pas à attendre bien longtemps. Je perçus le son de sirènes, celui des services d'urgences et je sus, avant de voir quoi que se soit, qu'il provenait du parking. Une certitude qui n'avait rien à voir avec le hasard car je le savais maintenant ; dans ma vie d'Aigle, le hasard n'avait pas sa place, surtout lorsqu'un Sanguinaire avait pour seul objectif de me détruire.

Je me postai dans un arbre bien feuillu, à une distance raisonnable de l'agitation qui régnait plus bas et j'observai les va-et-vient des hommes en uniforme. Tous convergeaient vers un même endroit, celui où nous avions laissé les deux hommes de main du Sanguinaire. Ils étaient toujours étendus sur le sol, mais ne bougeaient plus.

En écoutant les inspecteurs faire leurs constatations, j'appris qu'ils avaient été «tabassés» puis «abattus comme des chiens», avaient-ils précisé.

Les camions, toujours stationnés, me procuraient autant de cachettes que nécessaire. Je me glissai au-dessous du plus proche du lieu du drame afin de mieux l'examiner. Les moindres petits détails que je pourrai emmagasiner pouvaient être susceptibles de me servir plus tard.

Les corps furent placés dans des housses blanches puis emportés dans les ambulances qui partirent sans plus attendre. Les inspecteurs étudièrent alors les alentours de ce qui était devenu maintenant «une scène de crime» et après quelques minutes de recherche, ils exhibèrent victorieux un révolver, qui à coup sûr était «l'arme du crime».

LES AILES DE MA VIE 2  Au travers de l'autreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant