CHAP 4

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Le lendemain, Gino nous déposa au collège et il dut faire face aux multiples supplications de Kimy :

— Aller Gino, soit gentil, ne nous force pas à aller dans ce collège pourri.

— Pourri ? Mais il sort tout droit de l'usine tellement il est neuf !

— Ben voilà, toi aussi tu tombes dans le piège, lui répondit-elle. Tout ce que tu vois, c'est que de l'illusion pour faire croire au monde entier qu'il est neuf ! En fait, c'est de l'intérieur qu'il est pourri. Allez, s't'plaît, garde nous avec toi. J'ai pas envie de passer une journée entière entourée de moutons.

— C'est aussi dur que ça de passer une journée ici ? lui demanda-t-il moqueur.

— Pfft, t'en a même pas idée...

— Les grilles vont se fermer. Dépêche-toi au lieu de parler au vent ! lui lança-t-il en lui faisant un clin d'œil.

— Quoi ? s'offusqua-t-elle. Tu nous obliges à rentrer dans un truc pareil ??? Mais t'as pas de cœur, aucune pitié. Tu sais pas ce qu'ils vont nous faire une fois qu'on aura passé la grille. Ils vont nous lobotomiser le cerveau et on sera plus les mêmes en ressortant !

Gino me fit un signe de tête qui voulait dire : «Emmène-là !». Ce que je fis en la tirant par les vêtements.

— Kidnappe-nous Gino, avant qu'il ne soit trop tard !!! se défendit-elle inutilement.

Passée la grille, elle me dit avec un air ahuri.

— Tu le crois ça, il nous jette dans la fosse aux lions sans aucune hésitation !!!

— Tu me désespères Kimy...

— Ce qui est désespérant, c'est que TOI, tu cautionnes !!! La grand-mère, elle est en train de mourir et on est là au lieu d'être avec eux ! C'est pas logique.

— On a pas le choix, ce n'est pas notre grand-mère. On est obligées d'aller en cours c'est tout.

— Pfft, ben moi je dis que la vie, elle est pas logique !

Fati, qui entre temps nous avait rejointes, détourna Kimy de ses lamentations :

— J'ai trouvé du travail pour les vacances, je vais échapper à la surveillance de mes frères pendant tout le mois d'août les filles ! nous déclara-t-elle fièrement.

— C'est pas vrai ! s'écria mon amie, ravie par la nouvelle. Dans quoi ?

— Dans les marchés. Je vais parcourir les routes avec mon cousin et sa femme ! C'est pas terrible ça ???

— Si, mais comment tu vas faire avec ton chéri ?

— On se débrouillera pour se voir. Il a dit qu'il essaierait de me rejoindre de temps en temps. Pas le choix, sinon je suis condamnée à errer de ma chambre à la cuisine et de la cuisine à ma chambre, et quand tu vois que c'est comme ça depuis le Nouvel An, franchement, je revis et c'est trop bon !

Younes et Amin lui menaient la vie dure depuis que nous avions osé vider la réserve d'alcool que les garçons avaient prévue pour fêter dignement l'arrivée de la nouvelle année.

Si pour Daven, c'était l'affront du geste et la mauvaise nuit que Kimy lui avait fait passer qui l'avait fait sortir de ses gongs, pour Younes et Amin, c'était plutôt l'état dans lequel ils avaient retrouvé leur sœur qui les avaient fâché. Et la sentence avait été à la hauteur du degré estimé de la faute commise : aucune sortie sans être accompagnée de l'un d'eux, et interdiction formelle de nous retrouver seules toutes les trois, à l'exception du collège. C'était le prix à payer pour que ses frères gardent le silence et ne relatent pas son exploit à leur père. Cela convenait parfaitement à Daven qui jugeait que nous trois, sans surveillance rapprochée, nous étions complètement imprévisibles et capables des pires folies.

— Ben dis donc, t'es accroc au risque toi. Si ton frère apprend ça, susurra Kimy inquiète de la réaction de Younes, si celui-ci venait à découvrir que sa sœur voyait un garçon, derrière son dos et à des kilomètres...

— Je meurs sans risque, lança Fati désinvolte, en haussant les épaules. J'ai besoin d'adrénaline pour vivre et là, je vais avoir de quoi faire ! dit-elle en exultant de joie.

— Oui, c'est sûr, dis-je songeuse. Là, tu vas en avoir pour ton argent. Mais est-ce que ça vaut le coup ?

— Mais carrément ! Il est terrible. Je vous le montrerai dès que ce sera possible. Mais en attendant, c'est secret d'état !

— T'as rien à craindre de notre côté, promit Kimy.

Alors que nous nous dirigions vers notre salle de classe, Fati prit des nouvelles de la grand-mère. Elle savait par ses frères qu'elle était partie en urgence à l'hôpital, mais pas qu'elle était revenue, ni quel était le verdict, et elle fut bien attristée par ce que nous lui rapportions. Ce fut désolée qu'elle nous dit :

— Et moi qui viens de vous faire part de mon bonheur le plus absolu. Si j'avais su, je ne vous aurais rien dit du tout. J'aurais attendu.

— C'est rien, lui dis-je sur le même ton. On est quand même contentes pour toi !

— J'irais la voir mercredi ! Inutile de préciser que se sera sous bonne escorte, n'est-ce pas ? Nous dit Fati dans un sourire mitigé.

— Viens quand tu veux, l'encouragea Kimy. Ca fait toujours plaisir les visites, surtout que rien ne dit qu'elle tiendra jusque là...

— Je vais voir ce que je peux faire. Vu les circonstances, je pense que mes frères ne verront pas d'inconvénient à ce que j'aille voir la grand-mère ce soir.

— C'est comme moi, ajoutai-je. Je devais aller à Abraysie ce week-end. Je pense que je vais annuler...

Et cela ne m'arrangeait pas. Les effets protecteurs de ma dernière transformation s'amenuisaient, et sachant que les prochains jours seraient chargés en émotions fortes, il n'était pas raisonnable de les passer sans me protéger de ces dernières qui ne m'épargneraient pas. Le problème étant que jamais, je n'étais passée de l'humain à l'animal sans Raoul à mes côtés. Je ne savais pas si j'étais prête à me transformer en étant seule. Il me faudrait aussi un endroit discret, mais cela ne m'inquiétait pas, car j'avais déjà ma petite idée là-dessus.

Après le repas du soir, Gino passa nous prendre, Kimy et moi, afin de rendre visite à la grand-mère. Son état était stable ; pas d'amélioration, mais le plus important était qu'il n'avait pas empiré.

Alors que nous remontions le chemin des Dhoms, nous fûmes surprises par une rangée de caravanes, voitures et camionnettes, qui étaient stationnées sur le bas côté. Elle commençait au portail des Dhoms pour s'étendre jusqu'au milieu de l'allée.

— C'est quoi tout ça ? demanda Kimy, impressionnée.

— C'est la famille qui commence à arriver, lui répondit Gino.

— Déjà ? Mais elle est pas encore partie la grand-mère !

— Justement, c'est pour lui dire au revoir avant, et pour qu'elle puisse voir le plus possible les gens qu'elle a aimé tout au long de sa vie. C'est important.

— Ouah ! C'est trop beau, lança Kimy, les larmes aux yeux.

— On a une grande famille et beaucoup d'amis. Impossible de prévoir le nombre de personnes qui va encore arriver. Mais ce qui est sûr, ajouta-t-il en désignant du doigt la longue file de caravanes déjà installées, c'est que ce que vous voyez là, c'est que le début !

La grand-mère de Daven était très connue et très respectée des siens. Il ne fallait pas s'attendre à ce qu'il en fût autrement !

— T'as prévenu ta mère ? lui demandai-je.

— Elle est déjà là.


LES AILES DE MA VIE 2  Au travers de l'autreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant