CHAP 38

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Afin de rentrer chez moi en toute discrétion, je dirigeai l'Aigle par les jardins des maisons voisines à la mienne. Nous nous perchâmes dans l'arbre du jardin jouxtant le mien et j'étudiai scrupuleusement les alentours à la recherche de Falco. Je ne l'imaginai pas abandonner aussi facilement et je m'étais préparée à le trouver furax à m'attendre. Cependant, tout était calme. Nous pûmes réintégrer la maison sans inconvénient.

Je baissai le cou de l'Aigle afin d'en faire tomber la chaîne de Gino, repris forme humaine, fermai les volets ainsi que la fenêtre de la chambre, récupérai mes vêtements qui traînaient à même le sol dans la chambre de Celso, les deux chaînes ainsi que la bague et une fois dans ma chambre, j'enfilai à la hâte un pyjama et m'approchai de ma fenêtre en me baissant. J'y jetai un bref coup d'oeil et aperçus la camionnette de Guito, toujours stationnée devant mon entrée. J'avais raison, il ne lâchait pas facilement. Quand je franchirai la porte pour aller en cours, je recevrai très certainement une engueulade façon Falco, pour lui avoir fait passer une nuit dans la camionnette de son père...

Sur mon portable, je vis qu'il était plus de cinq heures du matin, je renonçai du coup à appeler mon père pour le rassurer. Il pouvait bien attendre un peu, surtout s'il dormait. J'ouvris le message en attente, il était de Kimy qui, en réponse à mon remerciement de la veille, se disait désolée car elle ne savait pas...

Je me glissai dans mon lit pour y lire la lettre de Gino. Ce qu'il avait écrit ne me plut pas et ne me rassura pas car il confortait mes craintes.

Ses premiers mots étaient pour l'Aigle qu'il trouvait surréaliste. Comment un être aussi hors normes, doté d'une telle intelligence, paraissant à la fois si sauvage mais pourtant si humain, pouvait-il seulement exister ? Il avait l'impression d'avoir rêvé les yeux ouverts et était complètement subjugué par tant de beauté...

Puis, il parla de nous, plus précisément de moi. Il avait compris que je cherchais le moyen de le faire sortir. Il me coupa l'herbe sous le pied en m'interdisant de l'aider. Il ne tenait pas à ce que je me mette en danger pour lui parce qu'il ne pouvait rien lui arriver de pire alors que moi, tout pouvait encore m'arriver, du bon comme du mauvais et il préférait me savoir en sécurité et loin de toute cette merde. Pour cela, il me disait de partir, comme nous l'avions prévu avec mon père, mais il me conseillait d'en parler avec son oncle qui, il le pensait sincèrement, était le seul à pouvoir couvrir notre fuite efficacement. Qui mieux que les gens du voyage pouvaient disparaître sans laisser de traces ? De plus, Guito avait assez de relations pour que nous puissions réussir, et sur du long, très long terme. Enfin, il me souhaitait la meilleure des vies possible, avec un mari et des enfants, car il ne doutait pas, malgré ce que j'en pensais, que je serais une très bonne mère. «Ta vie sans enfant ne sera jamais complète, elle aura un goût d'inachevée, penses-y...».

Puis il avait signé : Gino. Avec en post-scriptum : Ne renvoie pas l'Aigle !

Sa lettre, je l'avais lue et relue un nombre incalculable de fois...

Pas une fois, il n'exprimait clairement ses sentiments pour moi. Pas une fois, il ne me disait qu'il m'aimait. Pas une fois, il ne parlait de lui. Tout tournait autour de moi et de mon prétendu avenir sans lui.

J'étais anéantie par ses mots. Il me jetait, sans tenir compte de mon avis, de ce que je voulais, de ce que j'attendais et espérais. Il avait décidé, sans me consulter au préalable...

Je n'étais pas d'accord avec lui, même si je comprenais son point de vue. Dans son monde, il était condamné d'office, mais il ne savait pas que dans le mien, rien n'était encore joué. Il avait plus que jamais toutes ses chances.

LES AILES DE MA VIE 2  Au travers de l'autreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant