CHAP 21

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 — Mais qu'est-ce qu'elle fout. C'est pas possible d'être aussi longue.

Daven s'impatientait et comme il n'aimait pas attendre, il râlait.

Nous venions de déposer Kimy au distributeur de billets le plus proche de la fête foraine. Ses parents lui avaient ouvert un compte pour son anniversaire et elle tenait absolument à essayer sa carte bancaire.

Le hic était que, dans son nouveau sac, elle ne la trouvait pas !

— Mais c'est pas une valise qu'elle trimballe, c'est un mini sac ! Y peut pas y avoir tant de trucs que ça dedans ! continua-t-il passablement énervé.

Nous étions dans la voiture de Guito, prêtée pour l'occasion. Zéline ayant besoin de la camionnette et de la voiture pour tracter les deux caravanes, Gino s'était retrouvé sans moyen de locomotion. Mais ce n'était que le temps qu'il mette assez d'argent de côté pour s'en acheter une nouvelle. En attendant, celle de son oncle faisait tout aussi bien l'affaire pour les rares sorties auxquelles nous participions tous ensemble.

Alors que nous patientions dans la voiture garée le long d'un trottoir, Daven ne ratait rien de ce que faisait sa petite amie. De l'autre côté de la rue, Kimy, la tête dans son nouveau sac, en explorait les moindres recoins. La nuit lui compliquait sérieusement la tâche et nostalgique, je pensais que mes yeux lui seraient quelque peu utiles.

— Moi ce qui m'étonne, c'est qu'elle pense pas à se mettre sous le lampadaire qui est juste derrière elle. Elle verrait quand même mieux, dit Gino, pensif.

Daven renchérit :

— Parce que t'as déjà vu Kimy penser à quelque chose, toi ? A part pour faire ou dire des conneries, moi je l'ai jamais vu réfléchir ! C'est ce qui se passe quand t'as une araignée au plafond, t'as plus de logique...

Une voiture s'arrêta à sa hauteur alors qu'elle venait juste de trouver sa carte dans la poche arrière de son pantalon, et le jeune homme qui en sortit lui passa devant, la coupant net dans son élan. Kimy fit alors une chose étrange. Au lieu de le contourner, elle resta plantée derrière lui.

Gino, toujours aussi songeur, demanda :

— Quelqu'un peut me dire ce qu'elle attend là ?

Le distributeur à billet se trouvait à quelques mètres d'elle et rien ne l'empêchait d'y aller. Daven fulminait.

— Et là, tu vas pas me dire qu'elle peut pas y aller au distributeur ?

Ni Gino, ni moi ne répondîmes tant la réponse paraissait évidente. Bien sûr qu'elle le pouvait, mais elle ne bougeait pas. Gino baissa la vitre et siffla Kimy pour lui indiquer par signe que le distributeur était un peu plus loin, mais elle interpréta mal ce qu'il tentait de lui faire comprendre et au lieu de suivre ses indications, elle agita sa main dans notre direction, très énergiquement. Sa mauvaise interprétation me fit éclater de rire autant qu'elle exaspéra Daven qui s'enfonça dans le siège de la voiture.

— V'là qu'elle nous fait coucou maintenant. Mais c'est pas possible d'être aussi couillon ! dit-il, alors qu'il se passait la main sur le visage. Et fallait que je tombe dessus !

Gino, fatigué de sa semaine de travail, s'étira et en baillant, ajouta :

— En même temps, on n'est pas pressés.

— Ben si, les autres vont nous attendre ! Je suis même sûr qu'ils sont déjà arrivés !

Nous étions partis à deux voitures et dans la deuxième se trouvait le reste de notre groupe.

Quand Gino posa une question qui, au premier abord, aurait pu paraître stupide :

— C'est bien de l'argent qu'elle veut ?

— Qu'est-ce que tu veux retirer d'autre à un distributeur de billets, toi ? rétorqua son cousin, de plus en plus exaspéré.

Gino se tourna alors vers Daven, dévoilant un si large sourire qu'on y voyait toutes ses dents, puis il éclata de rire avant d'ajouter :

— Parce que je pense pas que c'est des billets qui vont sortir de là-dedans !!!

Daven et moi, dans un même mouvement, nous tournâmes la tête en direction de Kimy et ce fut ahuri que nous réalisâmes devant quoi elle se trouvait réellement.

Si je rejoignis Gino dans son fou rire, ce ne fut pas le cas de Daven qui s'enfonça encore plus dans son siège en murmurant :

— Dites-moi que je cauchemarde là...

Pendant ce temps, Kimy attendait toujours que la place se libère. Quand le garçon eut finit, il s'adressa à elle. Je riais tellement que je n'entendis pas ce qu'elle lui répliqua, mais visiblement, il l'avait fâchée. Le jeune tourna le dos à Kimy en haussant les épaules et remonta dans sa voiture. Il ne vit pas le doigt d'honneur qu'elle lui adressa, furibonde, ce qui nous fit rire de plus belle.

Mais là où je crus que j'allais faire une attaque, ce fut quand elle se mit à chercher la fente pour y insérer sa carte et qu'elle se rendit compte qu'il n'y en avait pas. Elle recula, très certainement pour avoir une vue d'ensemble, puis resta interdite pendant quelques secondes devant l'objet de notre crise de fou rire.

— Qu'est-ce qu'elle fait maintenant ? demanda Daven qui se refusait à participer de près ou de loin à ce qui se passait.

— Elle envisage ! lui répondit son cousin, dans une crise de rire devenue incontrôlable.

Alors que ma pauvre amie découvrait enfin ce qu'elle avait devant elle, elle jeta un coup d'œil à droite, à gauche, puis derrière elle et enfin, fit les quelques mètres qui la séparaient du bon appareil. En entrant dans la voiture, ce fut toute retournée qu'elle nous dit :

— Vous avez vu le truc de fou qui vient de m'arriver ?

— Oui, on a vu ! lui répondit Daven. Et même très bien vu que t'as de la merde dans les yeux ! Parce que pour confondre un distributeur de billets avec un distributeur de capotes, faut vraiment pas avoir les yeux en face des trous !!!



LES AILES DE MA VIE 2  Au travers de l'autreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant