CHAP 25

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A peine étions-nous arrivés à la collégiale de Thora que j'entendis la voix très inquiète de Raoul raisonner dans ma tête :

Qu'est-ce qui se passe Lili ?

Un Sanguinaire, à Mesmina, lui débitai-je mentalement.

Je fis accélérer le battement des ailes à l'Aigle quand je sentis la présence de Raoul, puis lui ordonnai de se poser, ce qu'il fit en même temps que mon vieil Aigle. Sans perdre un instant, il s'immisça dans ma mémoire pour revivre au travers de mes souvenirs, les récents événements. Il remonta quelques mois plus tôt et explora chaque détail des instants de ma vie avec beaucoup d'attention.

— Pourquoi tu remontes si loin ? lui demandai-je intriguée.

— Je t'expliquerai après. Ne m'interromps pas s'il te plait ! me pressa-t-il.

Docile, je le laissai scruter les méandres de ma mémoire, mais après quelques secondes, lorsque je réalisai qu'il ralentissait sur Gino et moi faisant l'amour, la honte me vint et je le suppliai de survoler ce passage. Raoul, absolument indifférent et toujours concentré sur ce qu'il faisait, me dit fermement :

— Vous faites ce que tous les êtres vivants font sur cette terre. C'est la nature, tu ne dois pas en être gênée ! Et maintenant, tu ne m'interromps plus ! gronda-t-il silencieusement.

Résignée, je tentai de faire abstraction des images et repris avec lui, le chemin si tranquille de ma vie à Mesmina. Plusieurs fois je me revis dans le bus, à Rosalen, accompagnée de mes deux amies. Raoul dirigeait mes souvenirs et il revenait à sa guise sur des épisodes qui, à mon sens, n'avaient absolument aucun intérêt.

Regarde bien ce passage, insista-t-il, observe et écoute bien tes amies.

Assise dans le bus, face à elles, j'écoutais Kimy nous raconter les mésaventures de son père, la veille, avec sa voiture, puis je vis le visage de Fati se rapprocher du mien. Elle fronçait les sourcils et passait sa main devant mes yeux. Kimy s'interrompit et je lus sur ses lèvres qu'elle m'appelait. Je les voyais, mais je ne les entendais pas comme dans un film muet. Puis le son revint alors que Kimy me demandait :

— Ca va Lili ?

— Oui, pourquoi ? lui avais-je répondu, surprise d'une telle question.

— Parce que pendant une fraction de seconde, t'étais pas vraiment avec nous...

Raoul m'emmena dans un autre lieu, près des grilles du collège, où là aussi, très furtivement, j'eus un moment d'égarement. Celui-ci était passé complètement inaperçu aux yeux de mon entourage, comme aux miens. Mais mon Aigle avait l'expérience qui me faisait défaut, et rien ne lui échappait. Il s'attarda aussi sur le concert, particulièrement au moment où j'observais mon frère alors qu'il venait de me tourner le dos en m'ignorant royalement. Ce jour là, s'il m'avait planté une flèche dans le cœur, la douleur n'aurait pas était moins foudroyante. Cependant, bien qu'il le ressentit, Raoul ne s'intéressa pas à mes états d'âmes. C'étaient les jeunes qui accompagnaient mon frère qui l'interpellaient. Il stoppa son investigation alors que je revenais à moi, dans les toilettes, entourée de mes amis.

Hum, ce sont les mêmes que tu as vus ce soir à la fête foraine avec le Sanguinaire. J'ai relevé un troisième passage où tu as eu un moment d'absence, celui où avec ton prétendant, vous laissez vos sens prendre le dessus.

Piquant mon fard, je ne relevai pas. Je le regardai qui plissait les yeux, il réfléchissait...

— Qu'est-ce que j'ai quand je suis comme ça, pourquoi je fais ça ? lui demandai-je.

LES AILES DE MA VIE 2  Au travers de l'autreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant