Bonus #2

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Bonus #2

22Février 2016

Cela faisait des mois qu'il suivait une rééducation intensive pour retrouver la dextérité dans sa main gauche. Des mois qu'il passait plusieurs heures à faire des exercices plus ridicules les uns que les autres pour pouvoir peut-être rejouer un jour. Peut-être. Et c'était ce peut-être qui lui prenait la tête. Bien sûr il avait vu du mieux. Il n'était plus obligé d'avoir des bandages, il pouvait couper ses aliments, il pouvait s'habiller tout seul, il pouvait même zapper tout seul mais jouer de la basse... C'était une autre paire de manche malheureusement !

Plus le temps passait et plus la peur de ne plus jamais pouvoir tenir une basse entre ses mains l'envahissait. S'il ne jouait plus avec les gars, que deviendrait-il ? Il ne serait plus lui. Il lui manquerait ce qui faisait de lui, David Smith. Pas juste le célèbre David Smith mais ce petit gars de Carlisle qui s'était mis à jouer pour impressionner les filles. Celui qui jouait pendant des heures pour oublier les cris de ses parents au rez-de-chaussée. Celui qui ne vivait qu'à travers sa basse. Celui qui était seulement désigné comme le « bassiste » au lycée. Il n'avait jamais été autre chose que ce bassiste et il n'avait jamais cherché à être plus parce que ça lui avait toujours convenu mais aujourd'hui...

Il n'en avait parlé ni à sa famille, ni aux gars, ne voulant pas tous les inquiéter voire pire recevoir leur pitié. Il n'en avait pas parlé à elle non plus mais elle était là avec lui chaque jour que le bon dieu faisait et elle le connaissait. Elle savait ! Elle savait toujours tout sur lui et ceci depuis le premier jour où il lui avait parlé. Elle était observatrice et aimante. Elle ne méritait pas de vivre cette angoisse avec lui. Et que ferait-elle d'un invalide, d'un chômeur à peine bon pour passer le balai ? Elle ne méritait pas la vie qui commençait à se profiler pour lui.

Il baissa la tête et regarda sa main handicapée comme si elle recelait une solution à son problème. Il avait déjà essayé mais il n'avait jamais rien trouvé dans les lignes de sa paume rouge et meurtrie d'avoir trop forcé et il ne trouverait rien de plus ce soir-là.

« Vous inquiétez pas, monsieur David ! » lui affirma sa rééducatrice, une belle mexicaine d'une cinquantaine d'année, Mathilda, avec un fort accent.

                Il ne put s'empêcher de sourire au nom qu'elle lui donnait encore et toujours. Il se souvenait du premier jour qu'ils avaient travaillé ensemble comme si c'était hier. Elle n'avait cessé de lui servir des « Monsieur Smith », ce qui s'était révélé plus insupportable que le fait de ne pas pouvoir plier ne serait-ce le petit doigt. Avant de partir, il s'était retourné vers elle à la fin de la séance et lui avait soufflé très sérieusement :

« David, s'il vous plaît ! »

                Il n'était pas son père et ne le serait jamais. Mais elle avait eu la dernière réaction à laquelle il se serait attendu. Elle lui avait souri de toutes ses dents et lui avait répondu :

« Comme vous voudrez, monsieur David ! »

                Il avait ricané mais n'avait pas eu le courage de la reprendre devant un sourire si éblouissant. Et finalement, au bout de deux mois, il aimait qu'elle l'appelle ainsi. C'était leur truc à eux et il n'avait plus l'impression de se battre chaque jour avec une étrangère contre cette merde mais d'avoir une alliée pour l'épauler.

« Vos progrès sont impressionnants. »

« Mais pas suffisants ! »

« Vous vous rendez pas compte, monsieur David. Avec la même rééducation que vous, certaines personnes ne peuventpas manger toute seule qu'au bout de six mois. »

Just Give Me a Reason (Tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant