Chapitre 30 : Idées noires

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« Il se lève, c'est l'heure, écrase son mégot
Dans sa tasse de café, éteint la stéréo
  Éteint le lampadaire, éteint le plafonnier
  Éteint dans la cuisine, met la sécurité
[...] Où es-tu, quand tu es dans mes bras ?
Que fais-tu, est-ce que tu penses à moi ?
D'où viens-tu ? Un jour tu partiras
Où es-tu, quand tu es dans mes bras ? »

Cette nuit encore, le professeur Rogue ne dormit pas. Il veillait sur sa protégée, un faible « Lumos » les éclairant. Cela faisait maintenant quelques semaines qu'il se retrouvait avec Hermione dans ses bras, le soir. Pas tous les soirs, avaient-ils convenus ensemble, car il fallait qu'elle aide Potter et Weasley dans leurs révisions, mais au moins trois ou quatre par semaines. La dépendance de l'homme à la Création d'Hermione semblant n'être plus, elle avait décidé qu'elle pouvait le laisser un peu. Et s'il n'allait pas bien, elle le sentirait de toute manière. Ils étaient devenus si proches grâce aux Serpents, qu'ils sentaient maintenant la présence de l'autre à quelques mètres, et, à distance, ils ressentaient les émotions les plus fortes. Ils s'en étaient rendu compte un soir où Hermione, fatiguée, s'était mise en colère lors de ses révisions. Severus, dans sa salle de classe, s'était immédiatement rendu auprès d'elle, après avoir senti quelque chose d'inhabituel en lui, et l'avait trouvée, furieuse, au bord des larmes, dans la bibliothèque. Sans un mot, et un peu brusquement, il avait posé ses mains sur ses épaules et l'avait attiré vers lui, puis l'avait serrée. Il lui avait presque fait mal, mais elle ne lui en voulait pas. Il n'était pas doué avec les gens, comment l'aurait-il été ? Il avait été seul toute sa vie. Du moins, c'est ce qu'Hermione pensait. Mais elle n'aurait jamais abordé le sujet avec lui. Elle savait qu'il avait déjà trop souffert, et ne voulait pas faire ressortir toutes ces années de solitudes, ou une histoire qui se serait mal terminée. Alors qu'elle pensait toujours à un futur avec elle ... mais ça non plus, elle ne voulait pas en parler.

De quoi parlaient-ils alors ? Du présent. Ou d'un passé historique. Dans sa solitude, le jeune Severus avait élu domicile dans les livres – comme elle même l'avait fait – et il avait eu la chance d'avoir cette capacité qu'était la mémoire. Des années après, et après toutes les épreuves qu'il avait traversées, il récitait des passages de livres compliqués. Mais ce qu'Hermione préférait, tout de même, c'était lorsqu'il plissait les yeux pour se souvenir, qu'il s'arrêtait en plein milieu d'une phrase pour trouver le mot exact. Voir Severus Rogue douter n'était pas donné à tout le monde, mais elle, elle pouvait le voir, elle pouvait l'avoir.

Et presque chaque soir donc, elle s'endormait dans les bras de cet homme si merveilleux, qui la trouvait plus merveilleuse encore, et qui ne dormait pas, pour la regarder dormir elle. Combien de temps encore cela durerait-il ? Les BUSES étaient le lendemain. Après les résultats, elle partirait, pendant deux longs mois. Et qui savait ce qui se passerait pendant deux mois ? Peut-être serait-il mort, à la rentrée. Peut-être serait-il parti pour une mission perdue d'avance confiée par son Maître, le seul à qui il devait obéir. Il ne verrait pas son visage pendant deux mois, si ce n'était plus, il voulait l'apprendre par cœur, apprendre toutes ses expressions. Malheureusement elle n'était pas tranquille lorsqu'elle dormait. Elle était soucieuse. En fait, elle l'était tout le temps. Était-elle heureuse ? Trop de questions se bousculaient dans la tête de Severus. Il voulait qu'elle soit heureuse, il voulait qu'elle le quitte. Pour son bien. Lui avait été seul toute sa vie, attendant une femme qui ne viendrait pas, et qui avait fini par mourir. Peut-être ne serait-elle pas mort s'il n'avait pas été si ... faible. S'il lui avait avoué ses sentiments.

Y arriverait-il jamais avec Hermione ? Il ne savait pas. Ce n'était pas l'envie qui manquait, mais quand bien même il l'aurait fait, qu'aurait été la suite ? Il n'était pas « quelqu'un de bien ». Il la décevrait, il en était certain. Comme il avait déçu Lily. Il n'avait pas l'impression d'avoir avancé depuis son enfance. Son manque de contacts avec les gens le faisait refaire les mêmes erreurs, encore et encore. Au moins ne s'était-il vengé de cette enfance désastreuse sur personne, mais il était sûre qu'elle l'avait influencée dans ses choix, lors de son adolescence. Si seulement son père avait été plus humain, lui même l'aurait été. Mais toute cette inhumanité dès l'enfance, ce manque d'amour ne lui avait pas réussi. Cela ne réussissait à personne, d'ailleurs. Chaque enfant avait le droit d'être aimé. Et elle ... elle n'était qu'une enfant, qui avait ce droit aussi, le droit d'entendre ces mots, celui d'être serrée dans les bras, d'être embrassée. Vouloir rester avec elle, c'était voler son enfance, lui faire croire des choses qu'il ne pourrait lui donner...

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