Après plusieurs heures d'entraînement sans relâche, le soleil commença à baisser à l'horizon. Elizabeth ramassa son sac et escalada les grilles pour retourner sans entrain vers son logis. Il lui sembla voir par la fenêtre du salon donnant sur la rue le père de famille assis devant la télévision alors que la mère était invisible. La jeune fille savait l'heure tardive, elle laissa donc sa main en suspens quelques secondes au-dessus de la poignée. Ne valait-il mieux pas passer la nuit dehors où elle serait plus au calme ? Mais les grondements de son estomac de même que l'envie d'une bonne douche chaude eurent raison de son geste.
La femme cria depuis la cuisine tandis qu'Elizabeth referma la porte et enleva ses chaussures.
« C'est à cette heure-ci que tu rentres ? Tu te rends compte de l'heure qu'il est ? J'ai dû faire le dîner à cause de toi, et commencer la vaisselle ! Quand est-ce que tu apprendras à respecter nos règles ? Nous qui avons été assez gentils pour t'accueillir sous notre toit... »
Elizabeth ne prêtait même plus attention à cette litanie habituelle qui accueillait chacun de ses retours. Elle arrivait toujours soit trop tôt et les dérangeait dans leurs activités, soit trop tard et devait les laisser accomplir les tâches les plus simples...
Sans même prendre le temps de répondre, Elizabeth ouvrit la porte du frigo pour prendre ne serait-ce qu'un dessert pour se rassasier. Ce fut sans compter sur l'épouse à côté d'elle qui referma violemment la porte sur son poignet et arracha à la jeune fille une grimace de douleur. Alors qu'elle le massait pour faire disparaître un tant soit peu la peine, elle sentit deux fortes mains s'emparer de ses épaules et la plaquer contre le mur. L'homme lui faisait face dans un accès de rage.
« Tu ne t'imagines quand même pas pouvoir manger après ça ? » cria-t-il à la jeune fille, son visage à quelques centimètres de celui d'Elizabeth. Elle pouvait sentir son haleine frapper sa peau et lui en donna la nausée. « Tu fais la vaisselle et tu montes te coucher, qu'on ne t'entende plus ! La prochaine fois tu réfléchiras un peu plus avant de faire ce que tu veux. Tu devrais t'estimer heureuse qu'on t'ait donné la chambre d'amis et qu'on te laisse aller et venir comme tu l'entends. Alors maintenant tu te tais et obéis ! »
L'homme la jeta en direction de l'évier. Elizabeth trébucha et se rattrapa au bord du plan de travail. Le nouvel impact sur son poignet déjà tâché d'hématomes lui arracha une nouvelle grimace. Elle s'exécuta sans rien dire, elle savait que répondre ne ferait qu'augmenter leur mépris à son égard. Elle garda pour elle ses pensées haineuses et fit la vaisselle puis remonta sans faire de bruit les marches menant à sa chambre.
Assise sur son lit, la jeune fille se massa de nouveau son poignet et y enroula une bande afin d'éviter le moindre faux-mouvement qui pourrait aggraver son état. Elle fulminait. Elizabeth exécrait les personnes qui l'hébergeaient. Ils étaient violents et les nuits qu'elle passait à dormir au-dehors étaient les plus calmes qu'elle pouvait connaître. S'échapper était une idée tentante... mais au moins avait-elle une chambre où se cacher. La ville lui plaisait et les jeunes étaient bien moins agressifs qu'elle ne l'aurait pensé. Changer de famille pouvait également signifier connaître pire que sa situation actuelle... Et la lycéenne en avait marre de déménager tous les mois. Un peu de stabilité ne lui ferait pas de mal. Sa chambre était plutôt luxueuse et son lit confortable, les coups à endurer étaient un prix peu élevé à payer pour ces avantages.
Allongée sur son lit à observer les ombres danser sur le plafond, Elizabeth se posa une fois de plus les questions qui hantaient son esprit depuis des années. Était-elle la seule personne à avoir des pouvoirs sur terre ? Pourquoi les possédait-elle ? Qu'était-elle censée accomplir avec ? Elle espérait un jour rencontrer au moins une personne comme elle. Les humains ne la comprenaient pas... elle s'était toujours sentie différente et déplacée dans ce monde si ordinaire. Son seul souhait était de pouvoir un jour s'exiler pour ne plus avoir à les supporter, mais cette espérance relevait du rêve plus que de la réalité.
Elizabeth avait déjà tenté d'user de ses pouvoirs contre les humains pour se défendre et rendre leurs coups. Mais jamais ils n'avaient fonctionné contre des personnes ordinaires, à quelques exceptions près. Elle continuait tout de même inlassablement d'essayer dans l'espoir qu'un jour la situation changeât... En attendant elle se contentait d'influencer leur univers pour faire vivre leurs plus belles peurs aux personnes qui la provoquaient. Elle n'avait jamais cependant usé de ses pouvoirs contre la famille qui l'hébergeait. Il était certain que si elle les employait ses tuteurs légaux finiraient par la rejeter. Elizabeth était fatiguée de se déplacer d'une ville à l'autre du Royaume-Uni.
La nuit venue, Elizabeth attendit les ronflements du couple pour se lever et aller chercher de quoi se rassasier dans les placards de la cuisine. Elle en profita pour voler quelques piécettes de monnaie afin de s'acheter de quoi manger si d'aventure cette situation se reproduisait.
Ce fut la douleur de son poignet qui la tira de son sommeil le lendemain matin. Elizabeth ne pouvait l'apaiser, alors elle décida de se lever et se préparer en silence. Cette journée s'annonçait meilleure que la veille, elle terminait ses cours plus tôt et le couple avait décidé de partir en week-end romantique dans la soirée. Même si cela voulait dire pour elle d'être confinée au garage, au moins serait-elle libérée de leur présence pour deux jours.
La lycéenne passa ses heures de cours à programmer son entraînement des prochains jours, réfléchir sur la prochaine plaisanterie qu'elle ferait vivre à ses camarades – soit un séisme soudain et violent qui toucherait seulement la classe où elle était, ou bien l'apparition d'un trou géant qui engloutirait la pièce entière. La magicienne finit par opter pour le séisme – les chances d'y perdre un élève étaient beaucoup moins grandes et son but était de les effrayer, pas de les blesser et encore moins de les tuer.
Arrivée à son jardin d'Éden, Elizabeth put enfin se défaire de toutes ses frustrations. Elle laissa ses pouvoirs la décharger de toutes ses émotions négatives sans les restreindre. Mais durant toute sa séance elle s'était sentie épiée par un regard extérieur. Aucune paire d'yeux indiscrets ne l'observaient, pas plus qu'elle n'avait senti de présence toute proche en sondant les alentours avec ses pouvoirs. Elizabeth chassa cette intuition de ses pensées. Si ses pouvoirs ne ressentaient rien, alors il n'y avait aucune raison de s'inquiéter.
Cette sensation s'intensifia quand elle reprit le chemin pour rentrer chez elle. Chaque fois qu'elle jetait un coup d'œil au-dessus de son épaule aucune présence ne se détachait de la rue, et jamais elle n'avait vu l'ombre d'une quelconque personne pouvant la suivre. Ce fut tout de même avec un pressentiment étrange qu'elle pénétra le garage de la maison.
Une couchette avait remplacé la BMW noire qui occupait normalement les lieux. Elizabeth pu même manger quelques pâtes froides et gluantes que la femme avait eu la gentillesse de cuisiner. Le pain était rassis et l'eau en bouteille tiède, mais Elizabeth se réjouit d'avoir au moins de la nourriture à se mettre sous la dent. Quelques piécettes de monnaie traînaient également sur le meuble. Elles lui paieraient sa journée du lendemain...
J'avoue, il ne se passe pas beaucoup de choses dans cette partie, mais on comprend peut-être un peu mieux Elizabeth. Je vous le promets, il y aura plus d'événements importants qui feront avancer l'histoire dans les prochaines parties. J'attends vos commentaires avec impatience !
VOUS LISEZ
Falkjar
ParanormalHaïe par ses camarades, ignorée par ses professeurs, abandonnée par chaque famille qu'elle visite, Elizabeth parcourt le Royaume-Uni sans jamais trouver sa place. Déplacée dans un monde qu'elle considère si ordinaire, elle, être exceptionnel aux pou...