Chapitre 27 : Bataille Pour Falkjar (partie 1)

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Les barques filaient à toute vitesse sur le lac silencieux. Elizabeth parvenait même à s'aider de ses pouvoirs pour amplifier leur rapidité. C'était comme si l'école elle-même cherchait à les protéger. Les élèves les plus brillants et courageux étaient restés pour se battre, tandis que les autres avaient préféré fuir pour rejoindre leur foyer. La magicienne ne pouvait les blâmer – tous n'avaient pas le courage d'affronter le mal en face.

Andy avait pris soin de rapporter aux professeurs les explications d'Elias Nardeck en incluant ce qu'Elizabeth n'avait pas pu écouter : il comptait attaquer l'école, et s'était allié au camp de démons car n'avait le pouvoir de l'attaquer seul. La classe d'élite avait eu pour but de créer les combattants qu'il requérait. Le camp de démon était situé à des kilomètres, et atteindre l'école leur prendrait du temps – là résidait leur seul avantage.

Les professeurs étaient rapidement parvenus à prendre des décisions. Les marques trouvées sur la carte de l'école étaient simples à comprendre : elles indiquaient les points faibles de l'école, et donc les passages avaient été les premiers à être protégés. Les élèves avaient tous été déplacés dans les jardins de Falkjar en attendant les ordres, et les professeurs, grandement aidés par Elizabeth, avaient choisi de déplacer le champ de bataille sur les plaines entourant l'école – si les bâtiments étaient vides de tout élève, alors Elias Nardeck n'avait aucune raison de les attaquer. S'ils choisissaient un terrain où ils pouvaient avoir l'avantage, alors ils auraient plus de chance de vaincre l'ennemi. Elizabeth avait été choisie pour diriger la défense et les élèves. Elias Nardeck s'était assuré de tenir les professeurs dans l'ombre afin d'être le seul à connaître ses plans de guerre. En ayant assisté aux cours des élites, la magicienne avait une idée de comment il comptait procéder. Et dans le cas où il se déciderait à employer une technique de combat qu'elle avait étudié, elle savait comment défendre ses alliés.

Un mot avait été envoyé à Asganel. Personne ne pouvait savoir s'il parviendrait à temps aux oreilles des autorités, ni même si des renforts pouvaient les rejoindre tant qu'il restait des survivants, mais leur cas désespéré les poussait à exploiter la moindre solution. Étrangement Inglerra n'hébergeait aucun combattant – ce qui était bien opportun pour l'ennemi. Les élèves les plus faibles et les plus jeunes étaient présentement évacués de l'école, tandis que les volontaires se dirigeaient vers le champ de bataille pour se défendre.

Seulement quelques centaines d'élèves avaient décidé de rester. Bien trop peu aux yeux d'Elizabeth... Ils n'avaient presque aucune chance de s'en sortir... et pouvaient se considérer heureux s'ils survivaient jusqu'à l'aube. L'ennemi était entraîné, ce qui n'était pas leur cas. Les pertes seraient lourdes... Sans compter que si les démons savaient comment tuer les magiciens, ces derniers ne savaient se battre contre eux. Même les professeurs ne savaient comment procéder. La seule information qu'Elizabeth détenait n'était pas suffisante pour leur assurer la victoire.

Dans les barques filant vers la rive, la magicienne aperçut Juliette qui avait décidé de les rejoindre. Son cœur se gonfla de fierté à la voir ainsi décidée à se battre, mais également de peur à l'idée de la voir tomber. Jimmy n'était nulle part. Il avait sûrement décidé de rejoindre sa famille... et Elizabeth ne put s'empêcher de lui en vouloir. Avec son pouvoir il aurait pu être d'une grande aide. Au moins ne risquait-il pas sa vie, au moins était-elle sûre de pouvoir le retrouver si elle s'en sortait.

Les élèves étaient tous silencieux, concentrés sur leur objectif, la mine grave. La cohésion était surprenante, Elizabeth avait l'impression de sentir leur cœur battre à l'unisson. Leurs pensées étaient dirigées vers un but commun, et pour la première fois depuis son arrivée, il n'y avait aucune compétition, aucun ressentiment, aucune haine entre eux tous. Ils étaient alliés, amis, faisaient partie du même peuple et du même clan. Plus aucune rivalité n'existait. Seul un sentiment d'appartenance et d'unité qui les surprenait tous.

Andy était silencieux, et semblait bien loin d'Elizabeth. Comme s'il était penché sur ses pensées, perdu dans ses questionnements, à l'écart de tous les autres élèves. Il se décida tout de même à lui parler devant son air préoccupé.

« Je ne pense pas que le Directeur nous ait tout dit, commença-t-il. Je trouve ça étrange qu'un camp de démon soit venu s'installer tout près de l'école. Après tout, ils auraient dû savoir qu'on les remarquerait, que les magiciens chercheraient à les vaincre. Au lieu de ça, ils sont venus s'établir sous notre nez... comme s'ils savaient qu'on n'oserait s'en prendre à eux. Comme si dès le départ ils voulaient attaquer l'école, mais attendaient l'ordre d'Elias Nardeck. Et tu ne trouves pas ça bizarre qu'il ait besoin d'une aide aussi grande et puissante pour accomplir son projet, même après tant d'années à l'avoir préparé ? Et que justement cette aide vienne quand il est juste temps ? Les coïncidences sont déjà rares, mais je ne crois pas en celle-là...

— Que veux-tu dire par là ? » demanda Elizabeth. Les paroles d'Andy étaient logiques, mais elle ne parvenait à établir de conclusion. Son esprit tout entier était dirigé vers la bataille.

« Il me semble bien trop ambitieux pour juste vouloir renverser une école... et finalement tuer des jeunes magiciens n'a pas vraiment de sens. Après tout, la Communauté va l'avoir à l'œil après ça. Il ne pourra pas s'en sortir aussi facilement.

— Mais s'il est le seul survivant il pourra raconter ce qu'il veut, et s'en sortir de cette manière... »

Andy secoua la tête. « Non, ce n'est pas aussi simple. Et puis il m'a dit une phrase étrange au milieu de ses explications. 'Ne vous fiez pas au volcan ni aux Pyrolias enflammés'. Je n'ai aucune idée de ce que ça veut dire. Tout ce que je sais c'est qu'il n'avait pas prévu de dire ça. Il semblait furieux après. Son état a changé l'espace de quelques secondes, c'était tellement succin que je ne suis même pas sûr de ne pas l'avoir rêvé.

— Pour être honnête Andy, je ne pense pas qu'on ait vraiment le temps d'y réfléchir. Pour l'instant on devrait se concentrer sur notre survie.

— Mais il cache quelque chose, j'en suis persuadé... enfin. Tu dois avoir raison. On en reparlera après la bataille. »

Andy se reporta son regard sur la rive devant eux. Après la bataille, si on y survit tous les deux... pensa Elizabeth. Elle pinça les lèvres, puis chassa cette pensée de son esprit. Eux deux avaient une chance de s'en sortir, elle refusait de se laisser aller à de sombres prédictions. Elle devait se montrer optimiste. Tous deux avaient passé de longues heures à s'entraîner, ils avaient bien plus de chances de s'en sortir que les autres élèves.

Quelque chose d'autre la taraudait. Après tout, il y avait toujours une éventualité que l'un des deux ne survive à cette attaque, et elle s'en voudrait de ne pas dire ce qu'elle avait en tête. Elle se décida enfin à demander à son ami ce qui la hantait depuis quelques jours.

« Je peux te poser une question ? » demanda-t-elle doucement. Andy lui adressa un regard curieux. « En début d'année, Juliette m'a dit que tout ce qui t'intéressait était de te moquer des autres, leur faire du mal. Que tu allais agir de même avec moi. Et pourtant tu ne l'as pas fait... pourquoi ? Pourquoi m'avoir laissé une chance ?

— J'ai toujours eu plus de respect envers toi qu'envers quiconque dans cette école, répondit-il après un moment de réflexion. C'est vrai qu'au départ je voulais te tester, toi l'élite dont tous avaient peur. Mais dès nos premières conversations tu as remis en cause les intérêts du Directeur... c'est ce qui m'a fait voir que tu n'étais pas aussi naïve que les autres. Ajouté au fait que tu me considérais différemment... je ne sais pas. Je t'ai toujours vue comme étant à part. Un peu comme moi. Je t'ai toujours vue comme une alliée plutôt que comme une ennemie. »

La jeune fille se tût un instant. Enfin quelqu'un comprenait et appréciait ses intérêts différents et ne la blâmait pour eux.

« Je suis tellement heureuse de t'avoir à mes côtés...

— Il est hors de question que je t'abandonne. Nous affronterons cette menace ensemble.

— Oui, ensemble... » murmura-t-elle.

Ils se prirent la main et entrelacèrent leurs doigts. Elizabeth était heureuse, et rassurée de ne pas être seule. De ne plus l'être. Elle savait avoir quelqu'un sur qui compter, dorénavant. Si elle ne se battait pas pour elle, elle le ferait pour Andy. 

FalkjarOù les histoires vivent. Découvrez maintenant