Falkjar

Chapitre 14 : Étranges Entrevues (partie 3)

« Quand il était jeune, il était un magicien comme un autre. Ses pouvoirs n'étaient pas très puissants, même si personne ne sait aujourd'hui lesquels ils étaient. Il vivait avec sa famille à l'orée d'une forêt et tous aimaient inviter les voyageurs à passer la nuit dans leur maison. Ils vivaient sur une route très prisées des magiciens, donc ne leur refusaient pas l'hospitalité.

« Un jour sa famille a hébergé deux jeunes magiciens qui s'étaient perdus. Ils ne contrôlaient pas vraiment leurs pouvoirs, mais voyageaient pour trouver le meilleur enseignement possible. Aujourd'hui encore, personne ne connait leur but précis. Toute sa famille était présente pour les accueillir : ses parents, sa petite sœur et les jumelles. Il est sorti pendant la nuit pour prendre l'air, observer les étoiles ou autres, toujours est-il qu'il s'est éloigné de sa maison. Personne ne sait ce qu'il s'est réellement passé ce soir-là, une dispute, un complot ou tout simplement – et le plus probable – une simple perte de contrôle de leurs pouvoirs, mais le Directeur a entendu une explosion au loin. Quand il est rentré chez lui, il était déjà trop tard : sa maison avait explosé, brûlé, et tous ses habitants sont morts sur le coup. En hébergeant ces deux personnes, il a signé l'arrêt de mort de sa famille.

— C'est horrible, réagit Elizabeth d'une voix sourde.

— Oui. Il en a voulu aux jeunes, mais plus encore à lui-même. Il se serait alors promis d'entraîner les jeunes, leur apprendre à contrôler la magie pour éviter qu'un tel sort se répète. C'est pour cela qu'il est devenu Directeur. Il voulait tout faire pour ne pas laisser de jeunes magiciens seuls et perdus dans la nature, il voulait mettre un place un système permettant de leur offrir une certaine éducation. Il en a également profité pour rendre Falkjar plus agréable pour les élèves.

— Raconté comme ça, ce n'est pas étonnant qu'il soit tant adulé. Mais je reste sceptique, ses actions sont en contradictions avec son but premier... Il n'aime pas les jeunes. Ça, j'en suis sûre.

— Que veux-tu dire par là ? s'étonna Andy.

— Qu'il a toujours eu l'air méprisant quand il parlait de l'enseignement normal. Comme s'il le considérait comme le bas-peuple de son riche château, et que les élites composaient sa noblesse. Quand je lui ai dit vouloir venir ici, il a commencé à agir de manière dédaigneuse, comme si je n'en valais plus la peine, alors qu'il était plein de respect pour moi à mon arrivée.

— Je n'ai de toute manière jamais cru en son histoire. Tout le monde semble l'accepter, tu es la seule à ne pas le considérer comme un ange tombé du ciel dans cette école. Il m'a toujours paru trop antipathique pour avoir pardonné de cette manière les jeunes qui ont détruit sa vie.

— Et quelqu'un sait quels sont ses pouvoirs actuels ?

— Non. Personne ne l'a jamais su. Aucun de ses anciens professeurs n'est encore ici aujourd'hui pour en parler, et il tient absolument à garder secrète cette information. Il a toujours dit vouloir faire passer les intérêts de l'école avant l'attention qu'on pourrait lui porter, mais à mon avis il a des choses à cacher.

— Beaucoup de choses si tu veux mon avis... »

Elizabeth se tut et réfléchit. Andy n'avait plus rien à dire. Il n'y avait aucun moyen pour percer à jour la véritable identité du Directeur, connaître ses pouvoirs, son passé, son futur. Quelles étaient ses ambitions, que comptait-il faire avec l'école ? Et comment un être aussi mystérieux pouvait se retrouver à sa tête et convaincre les parents de lui laisser le futur de leurs enfants entre ses mains ? Personne ne pouvait dire de quoi il était capable, et pourtant les parents et la Communauté Magique le laissaient enseigner et former les professeurs. Elizabeth ne comprenait pas. Elle le savait capable de convaincre n'importe qui – il ne suffisait qu'à le voir monter sur une estrade et s'adresser à une foule pour comprendre pourquoi les personnes se trouvaient suspendues à ses lèvres et croire sa parole comme si elle était sainte. Mais la jeune fille ne se laisserait pas manipuler aussi facilement.

« J'ai fait des recherches sur lui à la bibliothèque pour essayer d'en savoir plus sur son histoire, reprit-elle après un long silence. Je n'ai absolument rien trouvé. La seule mention faite de lui est pour indiquer qu'il est l'actuel Directeur de Falkjar. Tu ne trouves pas ça étrange qu'une personne puisse occuper une place aussi importante sans qu'elle n'ait aucune trace d'elle-même dans aucun livre, même ceux retraçant les histoires d'illustres magiciens ? S'il est aussi bon et généreux qu'on le dit, pourquoi tant vouloir se cacher ? Et pourquoi personne d'autre ne semble se poser la question ?

— Il est à la tête de l'école depuis des années. Il y est installé et aujourd'hui plus personne ne se pose de questions. C'est habituel de le voir à la direction, et je pense que ce qui attiserait les questions serait un changement de position. Personne ne se pose de question parce qu'il n'a jamais montré le moindre signe qui prouverait qu'il ne soit pas digne de confiance. Mais tu as raison, quelqu'un qui tient tant à cacher son passé doit avoir un lourd secret qu'il ne tient pas à voir dévoilé. »

Elizabeth se tut de nouveau. Les réponses qu'elle cherchait lui semblaient impossibles à atteindre.

« Il va falloir, d'une manière ou d'une autre, qu'on en apprenne plus sur lui. J'ai une mauvaise intuition à son propos... J'ai peur que les événements prennent une tournure bien plus grave que ce à quoi tout le monde s'attend, confia la magicienne.

— Je suis d'accord avec toi. Sauf que pour le moment nous n'avons aucun moyen d'obtenir quelconque information, et nous ne pouvons compter sur personne. Et si quelqu'un nous soupçonne, nous sommes foutus. Tu es peut-être puissante, mais tu ne peux pas battre la terre entière, quand bien même je serais à tes côtés.

— Ce n'est pas comme si je comptais étaler nos intentions à la vue de tous, je ne suis pas stupide » répondit-elle d'un ton sarcastique.

Les deux jeunes se murèrent dans le silence. Les actions du Directeur leur semblaient bien suspectes, plus encore après en avoir discuté. Elizabeth ne savait si elle était satisfaite de voir ses intuitions fondées. Elle souhaitait de tout cœur se tromper. Une part d'elle-même voulait en parler à Jonathan, mais elle savait qu'elle aurait tort de le faire. Son cœur se serra à cette pensée. Elle avait perdu une personne en qui elle pensait avoir totalement confiance.

Tous deux montèrent se coucher peu de temps après leur conversation. Aucun d'eux n'avait envie de se détendre et faire comme si de rien était. La nuit portait conseil, et tous deux préféraient en rester là pour la soirée. Elizabeth passa une mauvaise nuit, elle rêva de corps calcinés, de regards meurtriers et d'envie folle de vengeance. Le pardon n'avait pas sa place dans ses cauchemars, et seule la soif de sang, de pouvoir et de puissance maîtrisait ses agissements.

Elle se sentait nauséeuse ce matin-là. Ce cauchemar n'était qu'un rêve qui n'avait rien de véritable. L'histoire du Directeur n'avait fait que remonter ses peurs de petites filles et des sentiments qu'elle gardait cachés au plus profond d'elle-même, rien de plus...

Voilà enfin l'histoire du Directeur tant attendue ! Mais est-ce-qu'elle est véritable et entière ? Les jeunes n'en sont pas satisfaits en tout cas. Ils ont Elias Nardeck en ligne de mire et ne comptent pas le lâcher pour le moment... ont-ils raison ? 

J'avoue, j'ai failli oublier de poster ce chapitre aujourd'hui, j'ai vraiment trop de choses en tête xD Le prochain chapitre sera dans 4 jours et non trois, je ne pense pas avoir le temps Lundi de le mettre :)

Prochaine partie : Mardi 23 Mai