Le professeur avait déjà cinq minutes de retard quand Elizabeth regarda sa montre. Elle joua avec son stylo, garda son regard rivé sur la porte et battit l'air de son pied, impatiente que le cours commençât. Cet univers était si différent de celui des élites... Jamais aucun professeur n'aurait osé avoir ne serait-ce qu'une seule minute de retard !
Un homme entra enfin dans la salle. Il toisa la classe au travers de ses lunettes rondes perchées sur son nez imposant en refermant la porte. Son regard s'attarda sur la nouvelle-venue en murmurant quelques paroles inaudibles, et alla s'asseoir dans son fauteuil. Il claqua dans ses mains pour réveiller les élèves déjà endormis et entonna le cours d'une voix puissante et passionnée.
Elizabeth prêta à ce cours une attention particulière et soutenue, prit note de tous les propos du professeur et veilla à ne pas perdre une miette de son discours. Les habitudes de son passage chez les élites lui avaient laissé des traces qu'il ne serait pas facile d'enlever... Mais le cours en lui-même, quoique ressemblant à ceux qu'elle suivait chez les humains, était passionnant. Apprendre comment avait évolué le monde de la magie au travers des siècles lui était totalement nouveau et fort intéressant. L'éloquence et la passion du vieux professeur subjuguèrent Elizabeth.
Au son de la cloche, la magicienne dût se rendre seule dans sa prochaine salle de classe, mais la tâche lui fut aisée grâce au plan que Juliette lui avait donné. Après avoir emprunté divers chemins qu'elle n'avait eu l'occasion de découvrir auparavant, la magicienne parvint à entrer dans sa salle de cours. Elle reconnut deux personnes faisant partie du groupe d'amis de Juliette et s'assit à la table la plus éloignée d'eux. Les supporter pendant les heures de repas était déjà bien suffisant, elle ne souhaitait passer plus de temps en leur compagnie.
Pour le déjeuner elle retrouva ses camarades dans la Salle des Repas. Elle avait passé sa matinée à essayer de les éviter, et pensait éreintant le fait de devoir agir ainsi tous les jours. Elizabeth profita de l'heure non pas pour en apprendre plus sur les membres formant le groupe, mais à observer ses pairs. Elle reconnut bientôt les mêmes spécimens qu'elle avait toujours côtoyé au lycée : les sportifs se frappant d'un air bourru, les filles trop maquillées lançant des regards langoureux aux premiers, les couples assis les uns sur les autres, les intellos plongés dans leurs livres et ne prêtant aucune attention au monde extérieur, et enfin le garçon solitaire qui toisait d'un air mauvais chaque silhouette passant un peu trop près de lui, attendant sûrement ses amis avec qui il trouverait une autre victime à persécuter.
Après tout, sa place dans l'école n'était pas si mauvaise. Elle était en compagnie du grand groupe d'amis que tous enviaient, ni au sommet de l'échelle, ni assez bas pour se faire moquer de tous. S'ils n'avaient rien à lui apprendre sur l'école, au moins les jeunes lui éviteraient d'être la risée de tous.
Ainsi la jeune fille tenta de se socialiser avec son groupe. Elle rit aux blagues, écouta attentivement les conversations et réagit de la manière attendue à leurs propos – plus dû au ton qu'employait ses camarades qu'à son écoute superficielle – mais ses efforts lui demandaient une énergie incroyable. Plutôt que de laisser l'heure s'éterniser, elle préféra s'éclipser en vue de son prochain cours bien plus tôt que nécessaire.
Seul le bruit de la pluie rompait le silence au-dehors, et Elizabeth put enfin profiter du calme environnant... Plus de discussion superficielle, plus d'attitude surfaite, plus de fausseté dans ses propos et manières... Être enfin elle-même était à ce moment précis une bénédiction. Elle ne se souciait même pas de la pluie qui trempait ses vêtements, seul le calme lui importait.
Son prochain cours – celui de maîtrise – était animé par une femme rondelette dont la bonne humeur semblait ne jamais s'éteindre. Son visage était chaleureux et son sourire communicatif, et telle était l'ambiance dans son cours. Les élèves apprenaient dans les rires et plaisanteries, s'amusant plus de leurs pouvoirs que les travaillant assidûment. Elizabeth préféra s'isoler dans un coin pour s'entraîner sur son don de télékinésie et approfondit ce que Jonathan avait commencé à lui enseigner. Sa professeure, voyant qu'elle n'avait rien de plus à lui apprendre, la libéra une vingtaine de minutes avant la fin de l'heure.
L'école était anormalement calme, tous les autres élèves étaient restés en cours. Elizabeth en profita pour explorer les lieux. Au-dessus d'elle le tonnerre grondait et la pluie menaçait de s'abattre à nouveau. La magicienne l'intima de retenir ses trombes d'eau pour plus tard – une idée commençait à germer dans son esprit.
Son premier arrêt fut pour la bibliothèque. Les livres s'étalaient sur deux étages entiers, remplissant les étagères qui dominaient les élèves de quelques mètres. Leur odeur emplissait l'atmosphère, qui donna l'envie à Elizabeth de tous les ouvrir pour en parcourir leurs pages et leurs secrets. La lueur des chandelles tamisait la lumière, confinant les élèves dans un espace douillet aussi mystérieux que chaleureux.
Ce ne fut que peu avant la fin officielle des cours qu'Elizabeth ressortit de la bibliothèque. Elle se dirigea vers le passage qui la reconduisait chez les élites, et s'arrêta à la terrasse couverte juste avant les escaliers de pierres. Elle ne retournerait pas chez les élites, non. Elle savait seulement que cet emplacement lui offrait un point de vue remarquable sur l'école entière, et que personne ne viendrait la chercher ici. La magicienne s'accouda sur la rambarde, ferma les poings et attendit.
Au son de la cloche, des centaines de têtes se ruèrent au-dehors, et autant de paires d'yeux contemplèrent le ciel et prièrent pour que l'averse attendit qu'ils soient à l'abri. Elizabeth sourit. Quand la plupart furent trop loin des bâtiments pour les réintégrer en quelques secondes, la jeune fille relâcha la pression de ses poings. Une pluie drue s'abattit instantanément sur les élèves qui coururent vers le bâtiment le plus proche. Son sourire s'agrandit quand la jeune fille ferma les portes et bloqua les arches. Les élèves s'étaient précipités sur les murs invisibles et criaient pour pouvoir rentrer. Elizabeth éclata d'un rire cristallin. Ils étaient si pathétiques.
Quand quelques professeurs sortirent pour comprendre ce qui se tramait, la jeune fille cessa toute action magique. Les élèves tombèrent dans les couloirs vides, la pluie se calma légèrement pour reprendre une intensité plus naturelle. Quand le désordre fut passé, Elizabeth retourna dans son dortoir.
« Comment t'as fait pour éviter la pluie ? » lui demanda une Juliette aussi trempée qu'estomaquée.
« Par chance ma professeure m'a libérée plus tôt que prévu, j'ai pu m'abriter avant le déluge.
— Tu parles d'une chance ! En plus personne n'arrivait à rentrer dans les bâtiments pour on ne sait quelle raison...
— Peut-être que l'école et ses bâtiments ne voulaient pas protéger les élèves et les laisser salir leurs couloirs, railla Elizabeth.
— Non, ça ne marche pas comme ça. Les bâtiments n'ont de pouvoir sur une personne que quand elle est à l'intérieur.
— Alors peut-être que c'est l'œuvre d'un élève ? risqua l'Anglaise.
— Qui aurait voulu faire ça ? Je veux dire, qui aurait intérêt à agir de cette manière ?
— Dashwood, répondit une troisième fille ayant épié leur conversation.
— C'est qui ça, Dashwood ? demanda Elizabeth.
— Un élève de l'école. Il n'aime personne, personne ne l'aime, et il est bien du genre à agir de la sorte, juste pour embêter tout le monde, répondit Juliette.
— Sauf que Dashwood n'a jamais été assez puissant pour faire des blagues de cette ampleur. Mais je ne vois pas qui ça pourrait être d'autre » rétorqua la troisième fille.
Juliette haussa les épaules et se détacha de la conversation. Elizabeth n'insista pas plus de peur de se faire découvrir. Mais cette nouvelle était bonne, si elle voulait recommencer quelqu'un d'autre serait prêt à porter le chapeau pour elle. Ce Dashwood allait sûrement devenir bien plus puissant grâce à elle...
Et voilà notre incorrigible magicienne qui se remet à jouer des tours aux apprenti-magiciens... qui n'ont pas l'air de la soupçonner pour le moment ! Enfin, le point positif c'est que les cours ont l'air d'être bien plus agréables que chez les élites, Elizabeth peut enfin revivre ! Et puis elle semble avoir la volonté de s'intégrer au groupe, au moins un minimum.
Prochaine partie : Mercredi 12 Avril
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Falkjar
ParanormalHaïe par ses camarades, ignorée par ses professeurs, abandonnée par chaque famille qu'elle visite, Elizabeth parcourt le Royaume-Uni sans jamais trouver sa place. Déplacée dans un monde qu'elle considère si ordinaire, elle, être exceptionnel aux pou...