Sans lui laisser le temps de répondre, Jonathan la dépassa et partit en direction du bureau du Directeur. Elizabeth resta stoïque. Andy la rejoignit pour s'enquérir de leur discussion. Quelque chose n'allait pas.
« Qu'est-ce qu'il voulait ? » demanda-t-il simplement.
Elizabeth, les lèvres pincées, répondit d'un ton tendu et saccadé.
« Il voulait me rappeler à quel point tu es une mauvaise fréquentation, que je ne devrais pas te faire confiance, que de toute façon tu n'en es pas digne à cause de ta famille. Et quand je lui ai parlé du Directeur et de nos conclusions sur le traité de paix, il m'a juste répété à quel point j'avais tort... Il est parti parler au Directeur qui, apparemment, voulait le voir.
- Et tu n'as pas envie de savoir ce qu'ils ont à dire ? » lui demanda-t-il d'un ton enjoué.
Le regard complice, les deux jeunes allèrent se poster devant un escalier reliant l'étage des élites à l'enseignement normal, et attendirent son retour. Le magicien ressurgit rapidement. Elizabeth se planta devant lui et lui coupa le passage.
« Que t'a-t-il dit ? » demanda-t-elle d'une voix forte.
Jonathan la dépassa, comme sans la voir.
« Jonathan ! De quoi voulait-il te parler ? »
Son mentor semblait énervé. Son visage fermé était dur et son attitude excédée.
« Maintenant ça suffit, Elizabeth. Tu vas arrêter de te mêler de ce qui ne te regarde pas, et tu vas arrêter de contester les décisions prises par le Directeur, ou tu risques de te faire renvoyer de l'école et de la Communauté Magique. Il serait temps que tu lui fasses un peu plus confiance, et revois l'ordre de tes priorités. Arrête tes bêtises et grandis un peu. »
Jonathan la laissa là. Andy lui souffla à l'oreille C'est vraiment étrange. Elizabeth sentit les larmes lui monter aux yeux. Elle était déçue et blessée, autant par le magicien que par elle-même. Et dire qu'elle avait réellement pensé qu'il la croirait et que sa parole aurait été suffisante pour le faire changer d'avis... Il n'était qu'un adulte ordinaire finalement, un adulte sans considération pour son jugement et qui ne lui laissait pas le bénéfice du doute.
Gêné par l'effusion de larmes de la jeune fille, Andy resta assis sans rien dire à Elizabeth. Il ne savait quoi faire pour qu'elle se sente mieux.
« C'est étrange, finit-il par dire après un silence pesant interminable, de tout ce que tu m'as dit sur lui, je ne pensais pas qu'il agirait de cette manière. »
Elizabeth sécha d'un revers de main les larmes qui continuaient de couler sur ses joues et expira les derniers sanglots coincés dans sa gorge.
« Ça ne lui ressemble pas, acquiesça-t-elle. Il m'a toujours incitée à penser par moi-même et fonder mon propre jugement... Mais là il n'accorde aucune importance à ce que je peux dire. Il fallait que je pense exactement comme lui. »
Andy fixa le sol, soucieux. Quelque chose clochait dans cette histoire.
« Tu ne trouves quand même pas ça bizarre, osa-t-il enfin dire, qu'il ne soit pas arrivé aux mêmes conclusions que nous concernant ce traité de paix ?
- Que veux-tu dire par là ?
- Il s'agit de Jonathan Miller, l'homme qui a combattu les démons toute sa vie, a découvert et entraîné des centaines de magiciens, participé à des guerres et étudié les démons pour mieux les combattre. On parle de l'homme qui voue une haine infinie à leur encontre et est prêt à tout pour les exterminer. Il serait soudainement prêt à laisser un camp de démons vivre en paix non loin de tous ces jeunes qu'il a rencontrés, aidés et à qui il a trouvé une école ? Il laisserait ces créatures nous menacer ? Ça n'a aucun sens !
- C'est vrai que, dit comme ça, c'est bizarre.
- On se trouve dans une école, continua le jeune homme farouchement, qui nous entraîne à devenir des guerriers, qui nous répète à longueur de journée que les démons sont le mal incarné, et qu'il ne faut les laisser vivre sous aucun prétexte. Quand on est enfin confrontés à la réalité du monde extérieur, personne ne juge étrange le fait de les laisser en vie plutôt que de les exterminer ? Personne n'a même l'idée qu'ils puissent ne pas respecter ce traité ? On est en présence de grands magiciens intelligents qui ont étudié la magie et nos ennemis pendant la majeure partie de leur vie, et pourtant nous sommes les seuls à arriver à ces conclusions...
- Maintenant que tu le dis, ce n'est pas normal. Sans compter que je ne suis pas sûre que la Communauté Magique soit au courant de cette situation... Mais comment expliquer le fait que personne ne semble réfléchir aux implications d'un tel traité ?
- Il faudrait que quelqu'un empêche à tous de penser de cette manière, et les convainque du bien-fondé de ses agissements...
- Tu penses que c'est possible ? »
Elizabeth se releva, intriguée. Les réflexions du jeune homme lui avaient fait oublier sa peine, et pour la première fois elle semblait avoir quelque chose de concret entre les mains.
« Il faudrait un pouvoir d'influence ou de manipulation particulièrement puissant pour arriver à cette fin... C'est du jamais vu dans toute l'histoire de la magie, ou du moins je n'en ai jamais entendu parler.
- Quand bien même - admettons que le Directeur ait ce pouvoir d'influence et l'ait employé sur l'école - pourquoi est-ce qu'il n'aurait pas marché sur nous deux ? Comment serions-nous capables d'en parler et d'y penser malgré tout ?
- Je ne sais pas, Elizabeth. Ce ne sont que des hypothèses. Il n'y a rien de concret derrière ça. »
Elizabeth se reconcentra sur l'horizon. Toute l'excitation qu'elle avait ressentie s'était évanouie avec la dernière phrase du jeune homme. Ils n'avaient aucune preuve, aucun moyen de vérifier leurs propos.
Andy passa le reste de la journée à essayer de lui remonter le moral. Il s'amusa à créer des illusions qui embêtaient les élèves, entreprit d'en effrayer certains dont les cris stridents étaient à mourir de rire, mais ne parvint qu'à lui arracher un faible pouffement qui ne dura pas. Sans son aide et en voyant que ses tentatives ne fonctionnaient pas, il n'eut pas le cœur à continuer plus longtemps. Quelques semaines plus tôt il n'aurait pas hésité à la délaisser, mais aujourd'hui préférait essayer de lui remonter le moral et être présent pour elle. Elle était la première personne de qui il se souciait vraiment.
Tous deux étaient accoudés à la rambarde de la terrasse de la Salle de Détente en fin de journée, à observer le soleil se coucher sur le lac paisible. Ce ne fut qu'à ce moment qu'Elizabeth décida de parler de nouveau.
« Dis-moi, commença-t-elle d'une voix rauque, c'est quoi l'histoire du Directeur ?
- En quoi ça t'intéresse ? demanda-t-il d'un ton surpris.
- Les autres m'ont dit que tout le monde la connaissait, mais que personne ne pouvait en parler. J'ai bien cherché des renseignements à la bibliothèque, mais rien à faire, je n'ai rien trouvé. »
Andy prit une profonde inspiration et tenta de se remémorer l'histoire qu'on lui avait racontée quelques années plus tôt.
Muhahaha je vais être méchante et vous laisser sur cette fin !! La suite au prochain chapitre ;)
Que pensez-vous de la réaction de Jonathan ? Est-elle justifiée ? En tout cas il semble avoir une confiance absolue en le Directeur pour répondre de la sorte...
Au fait, je me rends compte que mes chapitres sont lus par de plus en plus de "lecteurs fantômes'"comme on les appelle sur Wattpad. Ca me ferait vraiment plaisir que vous me laissiez un commentaire ou un vote - pas pour les chiffres, ça je m'en fiche - mais pour que je vois qui suit cette histoire et que je puisse aller voir vos profils. Il n'y a aucune obligation... mais j'aimerais beaucoup apprendre à vous connaître ;)
Prochaine partie : Vendredi 19 Mai
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Falkjar
ParanormalHaïe par ses camarades, ignorée par ses professeurs, abandonnée par chaque famille qu'elle visite, Elizabeth parcourt le Royaume-Uni sans jamais trouver sa place. Déplacée dans un monde qu'elle considère si ordinaire, elle, être exceptionnel aux pou...