Coeur brisé
Jagger regretta immédiatement son geste et caressa la joue endolorie de Livi.
— Je n'aurais pas dû...
— Pourtant tu l'as fait, cracha-t-elle.
— Tu ne peux t'en prendre qu'à toi-même. Il me semble t'avoir déjà dit que je ne veux pas t'entendre dire ça. Je ne veux pas de remplaçant, c'est toi que je veux et quoi qu'il arrive je ne me séparerai pas de toi, alors arrête. Je t'ai laissé tenter ton escapade pour m'amuser et tu as vu ce que ça a donné. Non seulement tu n'as pas réussi, mais en plus tu t'es blessée et tu as libéré mes goules ; alors maintenant je veux que tu arrêtes d'y penser, que tu abandonnes cette idée absurde. Fais-toi à cette idée : tu restes ici. Si tu recommences, tu perdras le peu de liberté que je t'offre. C'est ce que tu veux ?
— Non, articula-t-elle d'une voix froide.
Elle lui avait dit exactement ce qu'il souhaitait entendre et cela semblait trop beau pour être vrai à ses oreilles.
— Qu'est-ce que c'est que ce ton chargé de reproche Chaton ?
Des reproches elle en avait des tonnes à lui en faire. Livi lui tourna le dos, et le vampire passa une main lasse dans ses cheveux. Il ne comprenait réellement pas son changement soudain de comportement. Elle boudait, comme une enfant à qui on avait refusé de lui acheter une sucette.
— Livi...
Sa voix raisonna dans la chambre éclairée par de bougies accrochées au sommet des murs. La jeune femme ne lui répondit pas. Il se rapprocha et posa sa main sur son épaule en l'appelant une deuxième fois. D'un revers de l'épaule elle la dégagea en enfonçant davantage sa tête dans ses genoux. Il entendit sa respiration lourde sortir non pas de son nez mais de sa bouche. Sa lèvre inférieure tremblait légèrement et de là où il était, il aperçut une larme coulée. Son cœur se serra quelques secondes. Il l'avait fait pleurer...
— Je ne voulais pas te faire mal Chaton, souffla-t-il en la soulevant pour la déposer sur ses genoux.
Il lui embrasa la tempe, mais elle resta toujours de glace.
— Ce n'est pas pour ça que je pleure, débilos, articula-t-elle.
— Alors pourquoi ?
— Pour rien, dit-elle du tac au tac.
Il avait bien compris qu'elle ne souhaitait pas développer ses mots, mais quelque chose le gênait. Sa respiration n'était absolument pas régulière, tantôt rapide, tantôt coupée par de courte apnée. Ça lui faisait penser à un vieux film qu'il avait regardé avec Lucan il y a longtemps, où la fille pleurait parce qu'elle avait le cœur brisé.
Merde alors...
Le souverain se mordit la lèvre. Tous étaient de sa faute. Pour une fois il avait complètement oublié quelque chose. Pour tous les amants vampiriques de la Bulle présents, la chose avait été clair : ils n'étaient là que pour le sexe et rien d'autre. C'est aussi pour cela qu'il y avait un close qui stipulait l'interdiction de contact entre eux. Il ne voulait qu'ils n'aient que de caresses à son égard, et s'il arrivait qu'il développe des sentiments amoureux, Jagger les renvoyait de la Bulle aussi vite. Le seul hic, c'était qu'il n'avait pas voulu le faire avec Livi. Il n'avait pas pris la peine de lui parler de son rôle ici. Mais même lui commençait à en douter. La preuve, voilà où il en était. Son chaton pleurait et honnêtement il ne savait pas quoi faire...
Les phrases de réconfort ce n'étaient pas son truc. Lucan et Joris étaient doués pour ça. Lui, il était plutôt du genre à passer un long moment enfermé dans la salle de sport avant de passer à autre chose.
Mais surtout, il ne s'était jamais senti aussi proche de quelqu'un.Il n'avait même pas été capable de la punir comme il savait bien le faire. Et ces menaces étaient pathétiques. Pas parce qu'il savait qu'il devait y aller plus doucement parce que son corps, bien qu'elle soit une demi-vampire, était plus fragile ; mais surtout parce que c'était Livi. Sa petite blonde aux mèches bleues, amicale, honnête et joueuse, qui n'hésitait pas à parier même quand elle allait perdre.
Faire le premier pas demandait déjà de grands efforts à un homme, alors au roi des vampires... Ce n'était même pas la peine d'espérer. Il était le meilleur dans de nombreux domaines, mais pas celui-là.
Le milieu dans lequel il vivait n'était pas n'importe lequel et pour n'importe qui. Côté sentiment, il affectionnait énormément ses amants, d'avantage ses concubins et encore plus la blondinette qu'il avait fait venir ici. Elle ne s'en doutait pas, mais il avait conservé la sucette qu'elle lui avait donnée ce soir-là, et le soir, avant que Lucan n'arrive dans son bureau ou quand il se retrouvait seul, il repensait à leur rencontre et souriait. Livi était absolument hilarante lorsqu'elle était saoule...
Il ne se laissait pas submerger par ses sentiments parce qu'on lui avait toujours appris à les contrôler ou à les refouler. Dans son milieu, les femmes qu'il côtoyait au palais, n'étaient que de simples collègues, des fois des amies, ou tout simplement des personnes pénibles qu'il prenait plaisir à éviter. Et lorsqu'elles voulaient le rencontrer pour une quelconque raison, il leur posait un lapin en prêtant une urgence ou envoyait Otis et Lucan à sa place.
Bref autant dire, que l'amour était quelque chose de plutôt nouveau. Pour lui c'était un chemin mystérieux où il n'avait jamais voulu s'aventurer malgré ses nombreuses années. Il y avait bien eu quelque chose entre lui et Joris mais ça n'était pas pareil. Les choses avaient été intenses entre eux dès le départ. Ils s'étaient calmés par la suite bien qu'il le fasse appeler aussi souvent que Livi.
— Livi ? Dit-il d'une voix tendre en embrassant son cou et en caressant ses cheveux.
Elle frissonna puis le dégagea d'un mouvement d'épaule. Il ne l'appelait pas souvent par son prénom, alors l'entendre de sa bouche, lui provoquait d'étranges sensations. Elle était tellement énervée qu'elle préférait ne pas ouvrir la bouche. Ce n'était pas de l'amour. Peu importe ce qu'Astéria et Arthur lui avaient dit, ce n'était pas de l'amour. Ça n'y ressemblait pas, en tout cas pas pour elle, ou alors Jagger s'y prenait très mal.
— Rentre à la Bulle et repose-toi. Je te vois demain, lâcha-t-il.
Évidemment, c'était tout ce qu'il avait à dire.
Elle ne dit rien, rabattit furieusement son long gilet et s'en alla tandis que le cœur de Jagger se serra une nouvelle fois. Il détestait cette image, lorsqu'elle était dos à lui pendant que la porte se fermait, comme si elle s'en allait...
Lorsqu'il vit Lucan la suivre, il l'attrapa d'un jet par le col.
— Elle connaît le chemin, jasa-t-il en le menant dans son bureau où il referma la porte.
Le pauvre vampire se retrouva projeté sur une chaise sans savoir pourquoi.
— Il faut qu'on parle, fit froidement le roi.
Il ne savait pas pourquoi, mais à la vue de sa tête, Lucan avait l'impression d'avoir fait la bêtise du siècle... Il s'évertua à rester calme et se promit, la prochaine fois, de ne plus fouiller dans les tiroirs de Jagger. Il faisait une de ces têtes. Pourtant il lui avait juste piqué un bonbon à la fraise...
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Dhampire, Tome 1 : Jagger [Terminé]
VampireAprès une nuit érotique partagée sans qu'elle ne s'en souvienne, Livi se réveille dans un endroit inconnu. Mais pas n'importe où : dans le palais du roi des vampires. Pourquoi ? Où ? Comment ? Elle ne le savait pas : elle avait perdu la mémoire, et...