Throw Away

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Ses yeux restèrent fixés un long moment sur les arbres du parc en contre bas, il y en avait si peu que le vert de leurs feuilles était absorbé par la grisaille de la ville. Ça avait un côté un destructeur cette nature dominée par l'homme. Quelques piaillements d'oiseaux subsistaient, mais ils étaient si rares parmi les grondements des moteurs. Engloutis dans la fumée les pauvres piafs.

Ça puait, c'était moche, vide, froid, dénué de toute beauté et vraiment hideux. L'odeur de l'air était terrible, les voix des passants stridentes et les crissements des pneus insupportables. Il sentait ses tympans pulser et crier qu'on les poignarde une bonne fois pour toute. Au fin fond de son esprit, il réentendait le doux silence des montagnes, la tendre senteur de la forêt et les esclaffements des enfants. Où que Namjoon soit, ils étaient là, sous sa fenêtre, à s'égosiller aussi fort qu'un cochon égorgé.

L'agacement qui faisait bouillonner son sang n'avait pas encore trouvé d'origine, mais il était là, puissant, brûlant, vibrant et depuis ce matin, Namjoon se sentait mal. Et cette légère migraine ne le mettait pas de très bonne humeur. Hoseok en avait fait les frais avant qu'il ne s'éclipse en vitesse ailleurs. Surement parti discuter avec une énième personne avec laquelle il aurait brièvement fait connaissance au détour d'un couloir.

A croire qu'il n'avait que ça à faire de sa stupide vie vide. Parler, parler, parler et surtout sourire. Toujours sourire. Un grand sourire accordé à n'importe qui, à croire que c'était la forme naturelle de ses lèvres. C'était toujours comme ça, son colocataire était si sociable que Namjoon, à côté, n'en paraissait que plus renfermé. Lui qui passait des journées entières dans la chambre à ruminer l'avenir, le présent mais surtout le passé. Une rétrospective qu'il était incapable de faire entièrement, et qu'est-ce que ça l'agaçait.

Il continuait de ruminer, irrité au possible sans savoir quoi faire pour se calmer. Il n'arrivait pas à faire passer son énervement. Se souvenir l'énervait, la bonne humeur de Hoseok l'énervait encore plus, et la sonnerie de son portable n'arrangea rien. Il jeta un coup d'œil à l'écran. Jin-hyung. Il ne décrocha pas pour autant.

Ça faisait déjà la troisième fois que son grand frère l'appelait, il lui avait également envoyé un SMS que Namjoon n'avait pas ouvert. Il voulait juste être seul, au calme, loin de l'atmosphère bruyante de la capitale, loin des larges sourires de Hoseok, loin de la protection de son grand frère, loin de ses souvenirs, loin de son nouveau voisin, loin de lui-même.

Mais cette chambre trop petite ne l'exaspérait que davantage, si oppressante, si étouffante. Ce fut donc pour cela qu'il décida d'aller faire un tour dans un parc. Pas celui d'en bas – les enfants étant bien trop bruyants pour ses nerfs – mais plutôt dans celui dix minutes à pied plus loin. Ça lui ferait du bien de prendre un peu l'air, se dit-il convaincu en se dirigeant vers la porte de la chambre qu'il ouvrit.

Au même instant, une autre claqua à sa gauche. Il serra ses lèvres entre elles en voyant Yoongi passer devant lui sans jeter ne serait-ce qu'un regard à l'être insignifiant qu'il était devenu et qu'il avait peut-être toujours été. Sa colère grimpa encore plus devant ce comportement hautain. Avec ses cheveux teints en blond, son corps frêle, son cou gracile et sa peau de porcelaine, l'ainé devait se sentir supérieur. Et les réponses que Namjoon souhaitait entendre, il les gardait secrètement pour lui-même, égoïstement même. Il voulait attiser la curiosité du cadet, il voulait qu'il le suive et qu'il fasse le premier pas. Alors Namjoon le fit.

Ce n'était peut-être pas une bonne idée – se plier aux caprices de Yoongi ne l'était réellement pas – mais il était hors de question qu'il soit ainsi ignoré tant qu'il n'aura pas eu son explication. Ça ne pouvait pas se passer comme ça. Cette phrase tournait dans son esprit, laissant une profonde trace, la rage crût encore un peu plus. Eux qui étaient si proches avant, Namjoon se demandait souvent comment tout ceci avait pu arriver, même si finalement, il n'avait pas à réfléchir bien longtemps pour se rappeler de la raison.

Sauve-toi [Namgi]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant