Sauve-toi [Namgi]

I Need You

La voix qu'il entendait était celle d'Hoseok.

L'histoire qu'il écoutait était vieille d'un an.

Le livre entre ses mains ne se finissait pas : les phrases s'enchainaient de moins en moins lorsque les mots se déliaient peu à peu. Toute l'encre s'étalait sur la page pour former une tache. Namjoon ne voyait que du noir et le soleil se couchait doucement.

Les rayons rouges, la porte qui s'ouvre, Hoseok qui n'est pas là, Hoseok qui est parti, Hoseok qui ne reviendra pas.

Il se sent seul. Il se sent s'évader. Ses pupilles se dilatent. Sa respiration se calme. La fatigue l'assaillit. La solitude aussi.

Daehyun crie. Il ne l'entend pas. Hoseok rit dans ses écouteurs. Il ne l'écoute plus.

Il était heureux. Namjoon était heureux. L'année dernière, il avait appris à flotter, à visualiser la rive, à y tendre la main sans y parvenir. L'année dernière, il avait souri sans en pleurer le soir.

L'année dernière, il avait guéri.

Aujourd'hui, la tache grandissait, dévorait les pages et caressait ses doigts. Aujourd'hui, la tache était revenue alors que ses lunettes étaient tombées, que Namjoon ne les avait pas retrouvées et que le monstre qu'il ne pouvait pas discerner dansait sous ses yeux.

Daehyun le secouait légèrement, passait sa main devant ses yeux en faisait Hé Ho.

Hé. Ho.

Réveille-toi Namjoon.

Hé. Ho.

Cours Namjoon.

Hé. Ho.

C'est trop tard Namjoon.

Hé.

Dis au revoir Namjoon.

Ho.

Mais n'oublie pas que c'est un adieu.

Nam. Joon.

— Hého !

Daehyun claqua ses doigts devant les yeux du jeune homme qui sursauta.

— Wow ! J'hypnotise les gens sans même le savoir maint'nant, murmura l'intrus. Quand ma mère saura ça, elle va-

Namjoon se racla la gorge car il savait que les individus composant la bande à Hoseok étaient des spécimens particulièrement bavards.

— Qu'est-ce que tu veux ?

— Je cherche Ho', c'est tout. Quand l'as-tu vu pour la toute dernière fois ? Je veux tous les détails : heure, lieu, activité, nombre de doigts, couleur des cheveux, quelle chemise il port-

— Dix heures, ici, laçait ses chaussures, vingt, noir, aucune.

Namjoon ne comprenait pas pourquoi il rentrait dans son jeu. Il ne comprenait pas non plus comment Daehyun faisait pour lui paraitre aussi familier alors qu'ils n'avaient dû se parler que deux fois en plus d'un an.

— Ah, mon diagnostique était bon, soupira le type louche qui servait d'ami à son colocataire.

Il puait le déodorant et était assez sans gêne pour venir s'asseoir sur son lit juste à ses côtés.

Namjoon sentait la peau de leur bras se toucher et avait simplement envie de le pousser hors de son sommier.

Lorsque Daehyun partit enfin, Namjoon ramena ses genoux sous son menton et observa la fenêtre. L'enregistrement passa au suivant. Autre histoire. Un an avant. Cette année, Hoseok avait arrêté de lui envoyer des messages vocaux et, au fond, Namjoon se demandait ce qu'ils contiendraient.