Good Day

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Il était en train de faire ses calculs de maths sur la table du salon quand une idée germa dans son esprit. Aux informations qui passaient à la télévision, on parlait de l'évasion d'un prisonnier dont l'unique motif, lorsqu'on le rattrapa, fut qu'il voulait retrouver son fils.

Quand son père parlait des prisons, il expliquait que c'était pour protéger le monde extérieur de personnes dangereuses ; mais dans le visage de cet homme, Jimin ne voyait rien. Il pourrait ressembler à son paternel ou au voisin d'à côté. Attention homme méchant n'était pas inscrit sur son front. Peut-être était-il enfermé dans une cellule pour la même raison que l'on avait érigé sa maison comme une forteresse : on devait le protéger du monde extérieur.

Cette protection, cependant, n'était pas la bonne puisque le faux criminel n'avait pas souhaité y demeurer plus longtemps. Jimin non plus ne voulait pas rester dans sa prison, sa forteresse ou son enclos. Il voulait juste voir le monde extérieur, plonger dans cette fontaine comme les enfants l'avaient fait, crier dans la montagne pour créer des échos comme les enfants l'avaient fait, pécher comme les enfants le faisaient.

Jimin avait leur âge, pourquoi n'y avait-il pas le droit ? Ses parents pourraient lui donner tout l'amour nécessaire comme ils le répétaient si souvent, il manquait toujours ces petites choses-là : il n'y avait pas de fontaine dans son jardin, il n'y avait pas de montagne dans son jardin, il n'y avait pas de poissons dans son jardin. De l'herbe et des murs, un paysage au loin, de la joie en bruit de fond, Jimin voulait s'évader comme le prisonnier à la télévision. Il n'avait pas de fils à aller retrouver mais il avait déjà vu ses futurs amis.

Il lâcha son crayon, s'étira, jeta un dernier coup d'œil à l'écran où des flammes ravageaient un immeuble puis se releva. Ses parents étaient sortis pour la journée, ils lui avaient dit de manger les restes dans le frigidaire mais Jimin n'aimait pas ça. Il s'était forcé à manger le soir précédent pour leur faire plaisir mais son estomac criait à chaque aliment ingéré.

Depuis que sa mère avait vu une émission sur l'importance de la bonne nourriture pour le développement des enfants deux mois auparavant, elle s'était mise à cuisiner beaucoup, beaucoup, beaucoup de légumes et de viande. Elle répétait qu'il fallait des protéines pour grandir. Peu de riz, peu de nouilles « Ça va te rendre gros, mon chéri. », le règne de l'équilibré était absolu « Tu verras, tu vas finir par aimer, mon cœur. ».

Elle s'exaspérait quand il ne mangeait rien et ne s'étonnait pas quand le monstre grognait dans son ventre.

Il hurlait, demandait à sortir, se déchainait entre tripes et boyaux, Jimin le caressa doucement à travers sa prison de peau.

— Ssssh ça va aller, on va se sortir de là.

Il ouvrit la porte d'entrée, hésita quelques instants avant de revêtir des tongs puis traversa le jardin jusqu'au grillage. Premier obstacle : écarter les barreaux n'avait jamais fonctionné. La seule solution était d'escalader. Un puissant grognement l'encouragea, il tapota son bidou en souriant puis jeta ses chaussures de l'autre côté. Une fois pieds à terre, son cœur calma ses battements effrénés ; si ce matin il avait appris qu'il gravirait cette grille munie de pics, il ne se serait pas cru.

Il était un garçon imprévisible et maintenant qu'il était libre, il ramassa ses tongs avant de courir aussi vite qu'il pouvait. La ligne droite semblait ne jamais s'arrêter, il n'y avait pas de mur au bout, juste une autre rue, et une autre, et une autre. Jimin s'était peut-être perdu mais il se sentait si bien qu'il ne s'en préoccupa pas. Se tromper de chemin était une notion nouvelle pour lui qui connaissait le moindre recoin de son jardin et de sa demeure. Il suivit les rires qui le guidèrent jusqu'à un champ.

Sauve-toi [Namgi]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant