Persona

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Jin était entré dans la résidence sans trop savoir où aller. Dans sa poche, la photo qu'il voulait ramener semblait lourde mais il tenta de ne pas y porter plus d'attention. Les élèves passaient à côté de lui sans même le regarder, comme s'il se fondait dans la masse. Il n'était pas si vieux, après tout.

Pourtant, lorsqu'il écoutait leurs conversations et les causes de leurs fou rires, il ne pouvait s'empêcher de lever les yeux au ciel. Ils ne connaissaient rien au monde, comme si demain n'existait pas. Jin les trouvait ridicules. Jin aurait voulu pouvoir être comme eux, insouciant, glousser comme une poule et regarder hier avec nostalgie.

Il s'aventura doucement dans les tréfonds du bâtiment, parmi toutes ces têtes de mules à peine adultes. Ce fut une femme qui attira son regard. Plus âgée, tout chez elle dénotait des élèves alors il s'approcha.

Etait-il chanceux ? Jin remercia simplement ses yeux car sur la première lettre qu'elle tenait était gribouillé un Min Yoongi. Il la suivit, mine de rien, attendit qu'elle dépose l'enveloppe sous la porte puis se dépêcha - son frère était forcément dans le coin et pour une raison ou pour une autre, Jin préfèrerait ne pas le croiser. Quand il posa la main sur la poignée, ses doigts eurent une sensation étrange, celle qu'il connaissait mais qui l'avait toujours profondément irrité. Comme si quelqu'un avait gribouillé au feutre sur sa peau. Des chats, des chiens, des oiseaux, des cœurs, des petits bonhommes verts, des bateaux, des princesses, une mère, des frères. Pas de père.

Tant de choses s'amassaient qu'à la fin on ne voyait plus rien et Jin allait gratter, gratter, gratter jusqu'à ce qu'il n'y ait ni rose, ni bleu ni vert mais plus que du rouge. Un rouge sanguin qui s'adoucissait sous l'eau froide. Un rouge sanguin qui restait toute la journée.

Son nez lui piquait.

Ses mains étaient aussi pâles que d'habitude ; la sensation persistait cependant, comme si son esprit s'était fait à l'idée que c'était normal d'être recouvert de feutre. Jin avait toujours détesté ça et pourtant à chaque fois qu'il repoussait l'enfant, celui-ci revenait à l'assaut.

Il abaissa la poignée et poussa la porte doucement, s'engouffra, claqua, vit Yoongi. La surprise dans son regard arracha un sourire à Jin.

— Ça faisait longtemps.

Le plus jeune ne bougea pas, l'observant comme s'il était un spectre.

— Namjoon m'a donné le numéro de ta chambre, j'espère que ça te dérange pas.

Yoongi le scrutait toujours, ce même air ahuri sur le visage.

— Je peux prendre un gâteau ?

Sans un mot, Yoongi poussa l'assiette vers lui. Jin s'assit devant la table basse, attendit que son homologue glisse du lit pour se poser bien en face de lui. Il ne savait pas trop par où commencer. Devait-il expliciter un peu son mensonge, dire que Namjoon était occupé donc ils n'avaient pas pu se voir mais que Jin en avait profité pour passer chez Yoongi ?

Tout bon mensonge se passait de trop de détails. Jin savait bien y faire.

Il dégusta le gateau trop sec et sans goût, parvint à l'avaler mais quelque chose restait coincé au fond de sa gorge. Culpabilité, certains diraient. Jin l'appellerait regret.

Il n'était pas coupable, il n'avait rien fait. Ne rien faire n'était jamais un mal, si ?

Pour le coup, Yoongi avait beaucoup plus de responsabilités que lui. Alors que Jin l'observait, il ne pouvait éprouver que de la pitié. Ses yeux ne brillaient plus de cette lueur espiègle et ses racines noires rappelaient que l'ancien Yoongi ne pouvait pas se cacher derrière une apparence. Changer de couleur de cheveux ne changeait pas la personne.

Sauve-toi [Namgi]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant