Reflection

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Namjoon faisait claquer ses chaussons verdâtres contre ses pieds dans un rythme régulier tout en songeant aux évènements récents. Peu importe sous quel angle il y réfléchissait, il ne pouvait s'empêcher de penser qu'Hoseok était ridicule. C'était le premier mot qui lui venait à l'esprit en l'ayant vu agir ainsi. Ça faisait deux jours qu'il l'ignorait – ou plutôt le boudait. Tout ça parce qu'il ne l'avait pas rejoint au café. Oui, il n'y avait pas d'autres mots : c'était ri-di-cule.

Hoseok en avait des raisons de lui en vouloir, c'était pas comme si Namjoon ne lui en fournissait pas couramment. Le fait qu'il ait jeté le dentifrice qu'ils se partageaient pour le remplacer par un dentifrice bio en était une – et une importante ! aurait ajouté le malheureux Hoseok. C'était une sorte de pâte verdâtre composée d'argile devant laquelle son colocataire avait affiché une belle grimace « Hors de question que je mette ça dans ma bouche ! », depuis, il en empruntait à quelqu'un d'autre parmi ses indénombrables connaissances amicales. Namjoon ne voulait pas connaître l'identité de ce nouveau fournisseur.

Dans tous les cas, il aurait accepté que Hoseok lui en veuille pour ça, mais certainement pas pour avoir refusé de venir dans ce fichu café ! Il réfréna sa rage en sentant les pages de son livre se plier un peu douloureusement. Il se faisait tard et il était seul, il devrait en profiter pour avancer sa lecture et évidemment, même sans être présent, son colocataire parvenait tout de même à le déconcentrer.

Il arrivait souvent que Hoseok rentre tard, mais généralement il le prévenait et l'informait d'où il était – et lui donnait aussi le nom de ses nombreux camarades de beuveries dont il était impossible de retenir les noms, à part les quelques uns qui revenaient souvent.

Namjoon vérifia une nouvelle fois son portable : aucun message. Un soupir et il reprit sa lecture. Dix minutes plus tard, toujours rien. Une demi-heure, rien de chez rien. Une heure, vide total.

Au fond, depuis l'année dernière, il avait pris l'habitude des blagues idiotes que lui envoyait son colocataire, ou encore des 'story time' – comme Hoseok aimait affectueusement les appeler – ces messages vocaux qui duraient des plombes pendant lesquels le jeune homme lui racontait tout et n'importe quoi. Namjoon râlait souvent de ses spam et lui rappelait que ça ne servait à rien puisqu'il ne les écoutait pas.

En réalité, c'était un peu faux. Il les écoutait lorsque la chambre devenait trop silencieuse, ou en rentrant le soir. La nuit l'avait toujours inquiété mais le fait d'entendre une voix familière comblait la solitude du chemin. Ainsi, il avait l'impression qu'Hoseok était là avec sa voix bruyante et ses grands gestes. Paradoxalement, il ressentait un très grand apaisement dans ces moments-là.

L'anxiété se réveillait doucement en lui alors qu'il se forçait à se concentrer sur sa lecture – et les claquements de ses chaussons s'accéléraient malgré lui. Une phrase, deux phrases, on devait continuer, au moins finir la page, puis le chapitre, c'était bientôt fini et ce serait tout, puis Namjoon irait se brosser les dents – avec son argile, oui, même si ça ne plaisait pas à Hoseok – pour ensuite aller se coucher.

Il imaginait les couvertures réchauffer son corps et l'oreiller envelopper l'arrière de son crâne ; ses paupières se mirent à glisser à cette simple pensée. Il devait tenir ! Dans un petit sursaut, les phrases lui apparurent de nouveau et lorsqu'il les lit, il eut l'impression de les relire. Tout tournait : les mots, les lettres, les noms, les prénoms, la ponctuation, tout.

Aucune nouvelle d'Hoseok, aucun message. Il referma son livre et se leva. Brosse à dent à la main, Namjoon sortit de la chambre après l'avoir close – après tout, même si ça ne craignait pas beaucoup, il leur était déjà arrivé de s'absenter cinq minutes et de rentrer pour découvrir dans un des lits un étudiant quelque peu éméché qui avait dû se tromper de chambre.

Sauve-toi [Namgi]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant