Sauve-toi [Namgi]

Her

Le train était presque vide, presque silencieux, presque calme. Juste sinistre. Le soleil venait de rendre ses derniers rayons et au fil des minutes, le ciel s'assombrissait. Dans sa diagonale, Jin dormait, immobile. A ses côtés, sa sœur fixait l'extérieur, figée.

Ils s'étaient retrouvés à la gare, chacun avec un sac trop grand pour un simple week-end. Hoseok s'était attendu à devoir se frayer un chemin dans une foule mais le hall avait été étrangement peu rempli pour un vendredi soir.

Une heure.

Deux heures.

Hoseok vérifia une dernière fois son portable avant de sortir du véhicule. Yoongi se réjouissait de son absence : ce serait grasse matinée pour lui. Le jeune homme lui répondit qu'il l'appellerait à six heures, en y ajoutant un emoji diabolique.

Cet unique message lui donna le sourire et la joie pour la soirée malgré la boule qui se formait dans son ventre. Son père se tenait à quelques mètres de là, sur le quai, une cigarette à la main. Il semblait vieilli - Sungyu n'hésita pas à lui faire remarquer une nouvelle ride sur le front - mais Hoseok voyait surtout la fatigue dans ses yeux. Quelques mois auparavant, il ne portait pas cette expression.

L'homme se détourna pour expirer la fumée alors que le train repartait. Jin n'avait pas l'air de savoir où se mettre. Si ça pouvait le rassurer, Sungyu n'avait surement jamais parlé de lui à leur père.

Ils attendirent d'être au chaud dans la voiture pour faire de véritables présentations et, même là, ça n'apporta pas grand chose : Jin, voici mon père - enchanté monsieur - papa, c'est Jin, mais siii je t'en ai déjà parlé, voyons c'est Jin - ah j'ai dû oublier alors, enchanté jeune homme.

Hoseok bidouilla la radio pendant une trentaine de secondes avant de se résigner à mettre la chaine d'informations. Il fallait du son pour combler ce silence, peu importe sa nature. Ils arrivèrent à l'appartement bien plus rapidement qu'il ne s'en souvenait, finalement ce n'était pas si loin de la gare.

— Tata va bien ? s'hasarda-t-il en sortant du véhicule.

Son père acquiesça, sortit un à un les sacs et leur fit signe de le suivre. Alors qu'Hoseok pénétrait dans l'habitacle à tâtons et prévenait Jin de ne pas faire de bruit, le paternel leur assura qu'il n'y avait pas besoin de faire attention étant donné que sa sœur ne dormait plus chez lui depuis cinq mois.

— Elle vit chez votre grand-mère, elle s'en occupe.

Au fond, le deuxième 'elle' désignait davantage la vieille dame elle-même que sa fille car dans ses souvenirs, Hoseok n'en gardait pas l'image d'une femme capable de se débrouiller seule, encore moins de veiller sur quelqu'un d'autre. Bien diminuée, sa tante pouvait passer des heures à regarder dans le vide, assise sur le canapé. Parfois, elle s'accroupissait près d'une plante en fredonnant une berceuse.

En réalité, Hoseok était rassuré de ne pas la voir ici, sa simple présence lui donnait toujours des frissons dans le dos et, lorsque la nuit, elle se levait puis se trompait de chambre, le jeune homme ne pouvait s'empêcher de vivre un cauchemar vivant en la trouvant à côté de lui. Il était certain d'avoir senti plusieurs fois sa main caresser ses cheveux. Peut-être que son père, en acceptant qu'elle vienne s'installer chez eux, avait souhaité fournir à ses enfants une figure maternelle.

L'angoisse qu'elle avait apportée les avait simplement poussés à quitter le domicile à la première occasion.

Rien n'aurait pu égaler la nostalgie qu'il ressentit en redécouvrant sa chambre. Les posters, les figurines, le réveil à tête de clown et même son cactus ; rien n'avait changé. Sa sœur s'affala sur son propre lit tandis que Jin semblait perdu dans l'encadrement de la porte. Après son inspection des lieux, Hoseok posa toute de même la question fatidique :