Sauve-toi [Namgi]

Blood, Sweat and Tears

Jin voyait une certaine tristesse dans cette plante verte oubliée dans son salon. Les feuilles semblaient tomber davantage jour après jour et malgré l'eau que le jeune homme lui apportait, elle ne cessait de s'affaisser. Il la revoyait, joyeuse dans son pot, transportée dans les bras de sa maitresse. En plein vent, elle était heureuse. Mais dans l'atmosphère morose de ce lieu vide, elle végétait.

Il posa son assiette sur la table basse et alluma la télévision. Il n'y avait pas grand chose mais c'était déjà suffisant, Jin n'avait pas besoin de plus. Le bonheur se trouvait dans les petites choses de la vie.

Seulement, s'en persuader était de plus en plus compliqué.

Il regarda une énième fois son portable sans que le moindre message ne lui ait été adressé. Il ne saurait expliquer exactement ce qu'il attendait, mais ce sentiment d'abandon ne cessait de grandir. Ça faisait plus de dix jours qu'il n'avait pas parlé à Namjoon.

Les documentaires animaliers étaient passionnants. Il somnola de longues minutes. Regarder le plafond était intéressant. Blanc. Juste blanc.

Tristement blanc.

Et quand on s'oubliait dans le fil de ses pensées, tout s'enchainait. Évènements après évènements, tous ces secrets engloutis resurgissaient et il ne savait pas pourquoi il ressentait tout cela.

Elle lui manquait autant qu'elle l'agaçait, il était si seul dans cette pièce que même ses propres réflexions lui paraissaient vides. Il se trouvait inintéressant et il en venait à se dire que si Sungyu était partie aussi calmement, c'était simplement par soulagement. Elle avait compris que ça ne servait à rien de pleurer pour lui, elle avait compris qu'il était inutile de souffrir pour lui, elle avait compris que Seokjin ne valait pas grand chose.

Il grimpa les marches lentement. La chambre de son frère n'avait pas beaucoup changé depuis la dernière fois qu'il y était entré. Ça n'avait pas beaucoup changé, si ce n'est quelques jouets qui s'étalaient, comme s'ils voulaient sortir de leur prison. Taehyung avait dix ans sur la photo, il avait de la terre sur les joues et des feuilles rouges dans les cheveux.

Jin claqua la porte derrière lui.

- - -

Les déceptions ne voulaient pas s'arrêter.

Elle avait cette colère en elle qui refusait de partir et, tout au long du chemin pour rentrer à la maison, Sungyu avait ruminé les images sans pouvoir les oublier.

Les hommes, tous les mêmes.

Cette phrase qu'elle avait tant dédaignée sonnait maintenant dans son esprit comme une évidence. Si Jin n'était qu'un lâche, le mari de sa tante était pire.

Il était sorti de l'hôpital, elle avait vu son visage et quelque chose s'était bloqué, comme si son corps s'était paralysé. Elle n'était pas certaine d'avoir été reconnue - ça faisait tout de même plusieurs années qu'ils ne s'étaient pas vus - mais elle savait qu'elle aurait dû faire le premier pas et aller le confronter avant qu'il ne s'échappe.

Elle en avait été incapable. Immobile sur le trottoir d'en face, elle avait plissé les yeux pour observer sa démarche sûre et la façon avec laquelle il avait abordé une jeune femme pour partir avec elle dans une rue avoisinante. Il avait disparu ainsi et Sungyu n'avait pas bougé.

Les souvenirs s'étaient amassés derrière ses paupières fermées : les rires complices, les regards en biais, tout ce qui rayonnait entre ce couple s'était brisé et, de ce passé, il ne restait pratiquement rien.