Chapitre 5

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L'ombre me faisant face devient rapidement plus claire, je reconnais parfaitement les cheveux roux et parfaitement ondulés de Lou.

- Salut, Hailey.

Son visage pâle s'assemble parfaitement aux couleurs hivernales d'aujourd'hui. Pourtant, ses lèvres naturellement rougeâtres ajoutent une petite touche de couleur vive. Ses yeux bruns sont mis en valeur par ses habituels cils longs. Elle n'a tout simplement pas besoin d'artifices pour être d'une beauté sans nom.

Elle tente un petit sourire, je lui réponds sans plus tarder :

- Salut, Lou.

Elle grelotte aux effets de la température glaciale, avant de me demander en désignant le banc :

- Je peux ?

Je hoche la tête comme pour lui montrer que sur ce banc, elle a toujours sa place. Elle s'installe, puis frotte ses mains gantées entre elles pour tenter de les réchauffer.

À présent, toutes les deux assises sur ce banc où nous avions l'habitude de passer notre temps, il est clair que l'ambiance n'est plus du tout la même.

- Elle te manque, pas vrai ?

C'est une question à laquelle on a sûrement tous la réponse, à qui ne manque-t-elle pas de ceux qui la connaissaient ?

Je réponds simplement :

- Oui.

Encore une fois, elle marque une pause avant de continuer. :

- À nous aussi elle nous manque.

Je sais pertinemment qu'elle parle d'elle ainsi que de Bryan et Léo.

Elle enchaîne :

- À Bryan, encore plus. Il est doué pour renier ce qu'il ressent vraiment, tu sais ?

Les larmes me montent aux yeux, quand je pense qu'il a, lui aussi perdu quelqu'un qu'il aimait énormément. Pourtant, je l'ai délaissé, lui et les autres parce que je ne me voyais pas éponger ou tenter d'oublier l'épreuve qu'a été de perdre Mya.

Bryan avait secrètement des sentiments pour ma meilleure amie. Il a fini par tout lui avouer, ils ont passé beaucoup de temps ensemble pour finalement conclure leur relation, à ma plus grande joie et celle de Lou.

Après son décès, Bryan a été complètement anéanti. Je ne l'avais jamais vu aussi dévasté. Néanmoins, comprenant ce qu'il a pu ressentir, je n'ai pas été là pour lui.

C'est encore elle qui prend la parole :

- Il avait besoin de toi, tout comme Léo et moi. Mais, tu n'es plus là, tu as disparu en même temps qu'elle.

Je hoche la tête en soufflant :

- Je sais...

Elle prend une petite inspiration et livre ce qu'elle semble garder pour elle, depuis un moment :

- Tu le sais ? Pourtant, tu n'es toujours pas avec nous... Combien de temps est-ce que tu comptes rester seule, à garder toute cette souffrance pour toi ? C'est un crève-cœur de te voir comme ça. On a besoin de retrouver la Hailey que l'on connaît.

Une larme solitaire trace un sillon le long de ma joue.

- Tu devrais pourtant savoir qu'elle n'est plus là.

Elle secoue tristement la tête.

- Mya n'apprécierait pas te voir dans cet état.

Je retiens un sanglot.

- Elle n'aimerait pas non. Mais, elle est partie, Lou. Elle n'est plus là.

Ma voix se casse, j'éponge hargneusement mes larmes avec mes gants.

Lou m'observe tristement, avant de me confier :

- Il m'est arrivé de nombreuses fois de pleurer sa perte, de me dire, qu'elle ne passera plus aucun moment avec nous, qu'on ne se retrouve plus que quatre et non cinq. Seulement, on doit se faire une raison, on doit continuer notre chemin, parce que tu sais comme moi qu'elle n'aurait voulu que ça.

Je renifle discrètement.

- Ça m'inquiète Lou. De me dire que plus jamais je pourrais la voir sourire, que plus jamais elle m'aidera dans les moments compliqués. Ça m'inquiète de me persuader qu'un quotidien sans elle est possible. Après cinq moins, je n'arrive toujours pas à le réaliser. J'espère toujours un retour.

Lou chuchote :

- Et pourtant, un de ces jours, tu finiras par l'accepter.

Je pince mes lèvres, elle poursuit :

- En attendant, j'espère que tu arriveras de nouveau à retrouver le sourire qu'on aimait voir sur tes lèvres, parce que te voir malheureuse, je ne le supporte pas. Tu dois apprendre de nouveau à rire et sourire, et par ailleurs, à pleurer pour d'autres raisons que le décès de Mya.

Je la vois essuyer à son tour une perle salée sur sa joue.

Elle ajoute ensuite :

- Tu es celle en qui l'on peut tous la retrouver, tu as gardé une partie d'elle, la plus importante. C'est en toi qu'on peut se la rappeler. Alors, oui, c'est compliqué, mais c'est aussi une fierté.

Cette fois, elle se lève et se dresse juste en face de moi, en remettant une de ses mèches rousse derrière son oreille.

- J'espère te revoir vivre, parce que tu ne le fais plus depuis cinq mois Hailey. Fais-le pour toi, ou au moins pour elle.

Je lui adresse un dernier regard, et elle m'offre un sourire réconfortant. Le genre de sourire que je n'ai pas vu depuis longtemps. Un sourire franc.

Elle finit par s'éloigner, tandis que je serre mon manteau contre la poitrine. J'ai besoin de m'enfuir. Les larmes dévalent douloureusement mes joues, tandis que je me lève rapidement et file chez moi à pas précipités. Si bien que je ne regarde même pas la route lorsque je franchis le passage piéton, faisant résonner les klaxons, les conducteurs agacés. Je poursuis mon chemin, brisée par la peine accablante. Lorsque j'arrive à déverrouiller la porte de chez moi, je la referme aussitôt, en me laissant glisser contre celle-ci, genoux ramenés contre la poitrine.

Lou a raison. Je ne suis plus qu'un corps déambulant, je ne souris plus, ne ris plus. Je ne vis tout simplement plus depuis son décès. Plus rien ne me donne le sourire comme avant.

Mes amis me manquent, sourire et rire me manque. Vivre me manque.









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