Chapitre 79

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Les aveux d'Asher son douloureux. Je me sens atrocement coupable de lui avoir demandé de se rappeler un passé qu'il aimerait pouvoir oublier.

L'innocence de sa sœur, me serre la poitrine.

La voix rauque d'Asher brise de nouveau le silence :

- Quand elle a clos ses paupières, j'ai su que je venais de dire adieu à ma petite sœur, que mon quotidien deviendrait terne, sans l'ombre d'un petit bonheur. Et, comme une soudaine prise de conscience, j'ai réalisé que je ne venais pas seulement de perdre Lizzy, mais également ma mère.

Sa main comprime la mienne. Son regard bleu évite le mien.

- Je me suis senti coupable. Coupable d'avoir fait passer l'une d'elles en premier. Pourtant, je me devais d'apaiser ma sœur avant qu'elle ne parte. Je ne voulais pas qu'elle souffre d'une quelconque manière.

Asher avait un choix imposé. Sa décision aurait fini par le ronger de culpabilité, peu importe la finalité.

Ses iris s'abstiennent de me regarder. Je place une main sur sa joue, il daigne poser les yeux sur moi, les larmes troublant sa vue, tout comme la mienne.

- J'ai jeté un dernier coup d'œil au corps étendu de Lizzy, en lui promettant que l'on finirait par se retrouver. Hailey, je lui ai promis une telle chose sans savoir si c'était réellement possible...

Ses prunelles recherchent un réconfort.

- Tu as fait ce qu'il fallait Ash...

Il secoue sa tête.

- J'ai quitté sa chambre pour rejoindre celle de ma mère. Mon père tenait sa main surement devenue froide depuis un moment.

Mon palpitant se tord de chagrin.

- En m'apercevant, mon père est sorti, me laissant seul avec celle qui a fait de moi ce que j'étais. Il est sorti sans m'accorder un mot, juste un regard en biais.

Une larme roule sur sa joue, je l'efface à l'aide de mon pouce.

- Le visage de ma mère brillait sous les néons blancs de la chambre, marqué par de petites rides. Ses lèvres étaient sèches, son teint, pâle. J'ai commencé à lui parler, sans savoir si elle pouvait m'entendre. Je lui ai dit que Lizzy venait de la rejoindre, qu'elle était partie en paix.

Il retient un sanglot.

- Je savais que si ma mère m'entendait, elle aurait été soulagée de savoir que sa petite fille n'ait pas eue à souffrir. Seulement, elle est restée inerte, pas l'ombre d'un sourire, ni d'un doigt en mouvement.

Je considère la souffrance qu'il a dû ressentir en cet instant.

- En une soirée, j'ai perdu la femme que j'aimais le plus, et celle qui n'était que mon reflet en plus petite. J'étais certain que m'a vie s'arrêtait en même temps que la leur.

Asher s'allonge sur mon lit, je le rejoins en me plaçant à ses côtés. Le regard rivé sur le plafond, il a l'air englouti par ses atroces souvenirs.

- L'heure était venue pour moi de la quitter elle aussi. J'ai rejoint mon père, assis sur une chaise dans le couloir blanc, j'ai compris que quelque chose s'est brisé au même moment que cet accident. Je n'ai montré aucune faiblesse, lui faisant comprendre qu'il pouvait compter sur son fils.

Asher fronce les sourcils.

- C'est depuis ce jour-là que je me suis promis d'être fort.

Je l'observe en complétant :

- D'être fort, en ne laissant rien transparaitre...

Il pivote son visage tordu de culpabilité vers le mien, puis acquiesce d'un mouvement de la tête.

- Les jours suivants ont été les plus douloureux. C'est durant lesquels j'ai dû apprendre à vivre sans les éclats de rire, sans l'odeur du parfum à ma mère, à passer devant la chambre de Lizzy en sachant qu'elle n'y serait plus jamais. Sans plus jamais entendre son "Te quiero" chaque matin et soir.

Son regard voilé de larme me fixe péniblement. Une de ses larmes solitaire trouve son chemin jusque sur mon oreille.

- Le jour de l'enterrement à été l'une des épreuves la plus compliquée.

Je me mords la joue pour ne pas pleurer.

- Elles étaient toutes les deux magnifiques. Habillées de blanc, elles étincelaient parmi tous ces costumes noirs qui m'entouraient. Lizzy avait l'air de dormir paisiblement entre de jolis coussins blancs et dentelés, reposant dans un cercueil en bois, parfaitement poncé et ciré.

Je me revois, présente en face du cercueil de Mya. Seulement, Asher était debout, devant deux des membres de sa famille.

- Les voir toutes les deux, c'était frustrant, je voulais me jeter sur elles en leur demandant de rester avec moi, de ne pas me laisser seul, de reprendre leurs petites habitudes familiales, à la maison. Néanmoins, ce n'était qu'un idéal.

Asher marque une pause avant de continuer :

- J'ai dû prononcer mes éloges devant une trentaine de personnes, dont certaines que je ne connaissais même pas. Je n'avais rien préparé, rien pensé pour faire mes adieux, convenablement. Pourtant, les mots me sont venus sans acharnement.

Je comprends ce qu'il a enduré, je conçois totalement sa peine et sa douleur. Mes larmes redoublent d'intensité. Je tente de ne rien montrer en espérant qu'il poursuive, en vain. Il le remarque.

- Eh...

Il ancre ses iris bleus dans les miens.

Il passe un bras sous mes épaules, l'autre dans mon dos pour me rapprocher de son torse brûlant. Les battements de son cœur sous ma paume de main.

En voyant que je me calme légèrement, il poursuit :

- C'est quelques semaines après que mon père a perdu foi en tout. Son travail, son fils, son avenir, me faisant perdre foi, moi aussi. Pour payer la bouffe, le loyer et les dettes, j'ai fait ce qui s'offrait à moi...

Il complète :

- Les courses de voitures, les combats organisés, mais pas seulement.

Je fronce les sourcils, soucieuse, dissimulé contre lui.

- J'ai intégré le monde des dealers.

Je me tends. Il précise :

- Je n'ai jamais rien consommé, je ne faisais que vendre ce que l'on me demandait de dealer. J'ai arrêté et m'en suis sorti sans embrouilles. Alors j'ai continué ce qui était pour moi un peu plus légal, bien que dangereux.

Asher m'étreins un peu plus fort entre ses bras.

- Elles me manquent... Si tu savais comme leur rire et leur voix me manquent. En une seule maudite soirée, mon monde, ma famille s'est écroulée.

Son corps tremble contre moi. Je me redresse légèrement pour dégager son visage de ses mèches indomptables. Il enfouit son visage dans le creux de mon cou. Il souffre. Il souffre tellement. Il reste un moment contre moi, manifestant sa peine.

La nuit tombe, n'ayant pour bruit que les sanglots de celui pour qui j'éprouve bien plus que de l'attirance. Celui que je fais souffrir en lui demandant de se souvenir d'un passé qu'il n'oubliera cependant jamais.

Attire-moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant